Amnis Revue de civilisation contemporaine Europes/ Amériques 12 | 2013 Mobilité
Amnis Revue de civilisation contemporaine Europes/ Amériques 12 | 2013 Mobilités transnationales et échanges Europe- Amérique (XIXe siècle à nos jours) Des Brésiliens dans la France des années 1820. Contribution à une histoire des mobilités transatlantiques au XIXe siècle Delphine Diaz Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/amnis/1919 DOI : 10.4000/amnis.1919 ISSN : 1764-7193 Éditeur TELEMME - UMR 6570 Ce document vous est offert par Université Clermont Auvergne Référence électronique Delphine Diaz, « Des Brésiliens dans la France des années 1820. Contribution à une histoire des mobilités transatlantiques au XIXe siècle », Amnis [En ligne], 12 | 2013, mis en ligne le 20 juin 2012, consulté le 13 décembre 2019. URL : http://journals.openedition.org/amnis/1919 ; DOI : 10.4000/ amnis.1919 Ce document a été généré automatiquement le 13 décembre 2019. Amnis est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Des Brésiliens dans la France des années 1820. Contribution à une histoire des mobilités transatlantiques au XIXe siècle Delphine Diaz 1 Les échanges d’hommes, de biens et de savoirs entre l’Europe et l’Amérique constituent l’un des objets privilégiés par « l’histoire atlantique ». Né en pleine Guerre froide, ce paradigme a surtout été utilisé jusqu’il y a peu pour penser les liens entre les deux rives de l’Océan à l’époque moderne. Initialement, l’histoire atlantique s’est focalisée sur la question de l’expansion coloniale et de ses conséquences, comme par exemple la traite des esclaves, ou encore la circulation des idées et des modèles révolutionnaires au XVIIIe siècle. Ses récentes réinterprétations, telles qu’elles ont été par exemple énoncées dans l’ouvrage dirigé en 2006 par Jorge Cañizares-Esguerra et Erik Seeman – The Atlantic in Global History, 1500-20001–, tendent désormais à élargir son champ et à renouveler ses objets. Ainsi, alors que l’histoire atlantique s’était essentiellement attachée à l’étude de la période moderne, l’époque contemporaine n’est désormais plus en reste. De même, ce ne sont plus seulement les rives de l’Atlantique Nord qui sont aujourd’hui envisagées dans leurs interactions, mais l’ensemble des côtes bordant l’Océan, Amérique du Sud et Atlantique Sud compris2. 2 C’est dans ce champ renouvelé de l’histoire des mobilités et des migrations transatlantiques que nous souhaiterions inscrire notre étude sur les circulations de Brésiliens vers la France des années 1820. En centrant l’essentiel de notre analyse sur les fonds d’archives policiers d’origine française3, nous nous proposons d’éclairer des déplacements entre l’Amérique du Sud et l’Europe au cours du premier XIXe siècle. La présente étude veut en effet mettre en lumière les mobilités qui ont relié le nouvel Empire brésilien, proclamé indépendant du Portugal en 1822 par Dom Pedro Ier, à la France de la Restauration, en montrant que les Brésiliens n’empruntaient pas seulement l’ancien circuit colonial vers l’ex-métropole. Des Brésiliens dans la France des années 1820. Contribution à une histoire de... Amnis, 12 | 2013 1 3 Si les circulations de Brésiliens vers la France peuvent s’expliquer par les exils politiques qui ont frappé, de manière individuelle ou collective, certains sujets de l’Empire du Brésil après la proclamation de son indépendance, les déplacements entre les deux rives de l’Atlantique ont avant tout trouvé leur origine dans les circulations savantes et étudiantes, bien plus importantes numériquement. Pour d’autres Brésiliens, le séjour en France était également synonyme de pur loisir, aussi bien dans la capitale qu’en province, où les aristocrates s’adonnaient aux joies des bains de mer et du « tourisme »4, pour emprunter un vocabulaire qui a précisément fait son apparition dans la langue française à cette époque. 4 Les nombreux dossiers de police éclairant l’itinéraire des Brésiliens installés ou de passage dans la France des années 1820 permettent d’enquêter sur ces étrangers, parfois difficilement distingués des Portugais par les autorités françaises. Le séjour ou le simple passage des Brésiliens en France ne peut être compris isolément des mobilités européennes et transatlantiques dans lesquelles il s’insérait. Les exilés politiques brésiliens effectuaient de fréquents allers et retours entre la France et le Portugal, pays avec lequel ils continuaient à entretenir des liens étroits, mais aussi entre la France et le Brésil, à la faveur des grâces et des amnisties dont ils pouvaient faire l’objet au fil des années. Exils et circulations politiques depuis le Brésil de Dom Pedro Ier vers la France des Bourbons 5 L’exil politique est sans nul doute l’une des origines les plus évidentes – mais pas forcément les plus fréquentes – des mobilités qui ont relié le Brésil à la France de la Restauration. Les migrations et circulations politiques depuis le nouvel « Empire du Brésil » vers la France du premier XIXe siècle sont restées dans l’ombre des travaux historiques existants, si l’on met à part les biographies s’intéressant aux grandes figures brésiliennes contraintes de séjourner temporairement en France5. Un récent ouvrage collectif intitulé L’Exil brésilien en France, qui envisageait avant tout l’accueil des Brésiliens dans la France des années 1960-1970, évoquait le XIXe siècle comme une période où le « tropisme francophile »6 des élites brésiliennes tendait à faire de la France un modèle tout à la fois politique et culturel et, par conséquent, une terre d’asile privilégiée. Mais sur les origines de la tradition d’un exil politique vers la France, remontant pourtant au XIXe siècle, seul était mentionné le séjour forcé de l’empereur Dom Pedro II, qui avait trouvé refuge en France après la révolution républicaine de 1889, et auquel était consacrée l’une des contributions7. Rien, en revanche, sur les exilés brésiliens du premier XIXe siècle qui, sans avoir été nombreux d’un point de vue purement quantitatif8, mériteraient pourtant une place dans l’histoire longue des flux d’émigration politique qui ont relié le Brésil à la France. 6 Des simples soubresauts politiques aux véritables révolutions, plusieurs événements marquants de l’histoire intérieure du Brésil et du Portugal contribuent à expliquer les migrations politiques de Brésiliens vers la France des Bourbons. S’il n’y a pas de trace, du moins dans les archives françaises, d’exilés venus en France immédiatement après 1817, date de la grande révolte du Pernambouc, cette première insurrection constitue sans aucun doute une matrice essentielle pour comprendre le libéralisme et le républicanisme naissants dans le royaume du Brésil9. D’ailleurs, plusieurs leaders de la révolte Des Brésiliens dans la France des années 1820. Contribution à une histoire de... Amnis, 12 | 2013 2 pernamboucaine se retrouveront ensuite parmi les hommes politiques chassés du Brésil par son premier empereur, Dom Pedro Ier. 7 Son règne tumultueux commence en 1822, année où le prince-régent du trône de Portugal décide de ne pas rentrer en Europe, d’entrer en dissidence avec les Cortes de Lisbonne, pour finalement proclamer l’indépendance du Brésil en septembre. Rapidement, Dom Pedro utilise l’arme de la proscription pour évincer les personnalités politiques qu’il juge gênantes ou menaçantes. À la fin de l’année 1822, ce sont par exemple le père Januário da Cunha Barbosa, prédicateur royal depuis 1808, et José Clemente Pereira, président du conseil municipal de Rio, qui doivent s’exiler vers la France10. Une autre série d’exils politiques au départ du Brésil, plus violents encore, intervient au cours de l’année 1823. Si Dom Pedro avait constitué un nouveau gouvernement dès le mois de janvier 1822, et réuni une Assemblée constituante en juin, le nouvel empereur s’en est affranchi très rapidement. Après s’être débarrassé des principaux membres de son gouvernement, les frères Andrada, partisans d’un « pombalisme à la brésilienne »11, Dom Pedro dissout brutalement l’Assemblée constituante de Rio en novembre 1823. Dans ces circonstances, plusieurs des membres éminents du gouvernement et de l’Assemblée sont amenés à traverser l’Atlantique contre leur gré. Une note du ministère de l’Intérieur français décrit ainsi le long voyage de ces exilés politiques chassés de Rio de Janeiro à l’automne 1823 : ils touchent d’abord Vigo, en Espagne, où ils sont mal « accueillis par les autorités espagnoles »12, et arrivent finalement dans le port de Bordeaux à l’été 1824. Parmi les hommes politiques exilés du Brésil en 1823 et parvenus en France l’année suivante, se trouvent bien sûr les célèbres frères Andrada, à savoir l’ancien chef du gouvernement de Dom Pedro, José Bonifácio de Andrada e Silva, le « patriarche de l’Indépendance », ainsi qu’Antônio Carlos Ribeiro de Andrada Machado e Silva et Martim Francisco Ribeiro de Andrada. Tous trois fixent leur résidence dans le Sud-Ouest de la France (en Dordogne, puis en Gironde). Les accompagnent dans ce séjour d’exil des membres de l’Assemblée Constituante de Rio, comme Francisco Gê Acayaba de Montezuma ou José Joaquim da Rocha, qui obtiendront par la suite la permission de vivre à Paris. Paradoxalement, tous ces exilés politiques sont chassés par un roi qui a outrepassé ses pouvoirs et qui, en mars 1824, « octroie une charte » à son peuple, à la manière des Bourbons restaurés en France, pays qui joue pourtant le rôle d’une terre d’accueil pour les Brésiliens. 8 Néanmoins, le statut de ces exilés dans la France des années 1820 demeure incertain. Plusieurs raisons à cela : d’abord, même si la réglementation ministérielle sur les exilés et réfugiés étrangers prolifère dès la Restauration, uploads/Politique/ des-bresiliens-en-france-xix.pdf
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- Publié le Jan 06, 2023
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