Juin 2022 / N° 792f Espoirs et inquiétudes en République démocratique du Congo

Juin 2022 / N° 792f Espoirs et inquiétudes en République démocratique du Congo Trois ans après la soumission d’une Feuille de route par nos organisations, où en sont les cinq priorités adressées au président Félix-Antoine Tshisekedi ? Note Photo de couverture : Des taxis jaunes encombrent les rues de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC), le 10 juin 2019. © John Wessels / AFP SOMMAIRE ACRONYMES 4 INTRODUCTION 5 PRIORITÉ 1. Lutter contre l’impunité, promouvoir la vérité et renforcer la justice afin de garantir une réconciliation nationale et une paix durable 8 PRIORITÉ 2. Respecter les droits fondamentaux et promouvoir le dialogue politique 15 PRIORITÉ 3. Construire une société égalitaire en promouvant les droits des femmes et l’égalité de genre 20 PRIORITÉ 4. Mener des réformes substantielles pour construire l’État de droit et la démocratie 23 PRIORITÉ 5. Renforcer la coopération avec la communauté internationale et les mécanismes de protection des droits humains 27 CONCLUSION 33 Recommandations de nos organisations aux autorités congolaises en mars 2019 35 FIDH/LE/GL/ASADHO – Espoirs et inquiétudes en RDC : 3 ans plus tard, où en sont les 5 priorités de la Feuille de route 2019 ? 4 ACRONYMES ADF Forces alliées démocratiques (Allied Democratic Forces) ANR Agence nationale de renseignements ASADHO Association africaine de défense des droits de l’Homme BCNUDH Bureau conjoint des Nations unies aux droits de l’Homme CACH Cap pour le changement CENI Commission électorale nationale indépendante CNDH Commission nationale des droits de l’Homme CPI Cour pénale internationale CSNU Conseil de sécurité des Nations unies DDR Désarmement, démobilisation et réintégration FARDC Forces armées de la République démocratique du Congo FCC Front commun pour le Congo FDLR Forces démocratiques de libération du Rwanda FIDH Fédération internationale pour les droits humains FRPI Front de résistance patriotique de l’Ituri GL Groupe Lotus HCDH Haut-Commissariat aux droits de l’Homme LE Ligue des Électeurs MONUC Mission de l’Organisation des Nations unies au Congo MONUSCO Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo M23 Mouvement du 23 Mars PNC Police nationale congolaise RDC République démocratique du Congo UA Union africaine FIDH/LE/GL/ASADHO – RDC : 3 ans plus tard, où en sont les 5 priorités de la Feuille de route 2019 ? 5 INTRODUCTION Dans une précédente note (« Feuille de route ») datée de mars 2019, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres en République démocratique du Congo (RDC), le Groupe Lotus, l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (ASADHO) et la Ligue des Électeurs, avaient dressé le bilan de la situation des droits humains en RDC et élaboré des recommandations à l’aube du premier mandat du président Félix-Antoine Tshisekedi (plus loin « Félix Tshisekedi » ou « F.-A. Tshisekedi »). Cinq priorités avaient été définies et adressées par nos organisations en mars 2019 au président alors nouvellement élu : (1) la lutte contre l’impunité, la promotion de la vérité et le renforcement de la justice afin de garantir une réconciliation nationale et une paix durable ; (2) le respect des droits et libertés fondamentales et la promotion du dialogue politique ; (3) la défense et la promotion des droits des femmes et de l’égalité de genre ; (4) le renforcement de l’État de droit et de la démocratie ; (5) la coopération avec la communauté internationale et régionale et la mise en œuvre des mécanismes de protection des droits humains1. Depuis la présentation de cette note au président Tshisekedi par nos organisations à Kinshasa en mars 2019, la situation politique générale encadrant la politique du pays notamment en matière de droits humains a connu de multiples rebondissements, dans un climat de crise sanitaire liée à l’épidémie d’Ebola dans certaines parties du pays d’abord, puis à la pandémie mondiale de Covid-19. Dans cette nouvelle note, nos organisations dressent un bilan et apportent des précisions sur l’état de la mise en œuvre des cinq priorités fixées en matière de politique des droits humains en RDC, plus de trois ans après l’investiture du président Tshisekedi. Alors qu’une session parlementaire est en cours en RDC depuis le 15 mars 2022, et que le pays entre dans une période pré-électorale depuis la nomination des nouveaux membres de la CENI fin 2021, nos organisations souhaitent rappeler les priorités à traiter et à achever en matière de protection des droits humains, notamment avant la fin du mandat présidentiel en décembre 2023. Méthodologie Nos organisations ont réalisé cette note sur la base d’un travail de recherche mené à partir de plusieurs sources citées dans le corps de ce document. En outre, nos organisations ont effectué une mission à Kinshasa du 7 au 11 mars 2022 afin de poursuivre l’évaluation de la mise en œuvre de la feuille de route de mars 2019, de partager des préoccupations et d’adresser leurs recommandations auprès de divers·es acteur·rice·s en matière de droits humains dans le pays. Ainsi, des autorités nationales politiques, administratives et religieuses, mais aussi des représentant·e·s de la société civile congolaise et des Nations unies, des membres de l’opposition politique, des avocats, et des diplomates ont été rencontrés par nos organisations. La plupart des recommandations issues de la feuille de route de mars 2019 ont pu être traitées par nos organisations dans le cadre de cette note de mise à jour. Compte tenu de l’évolution du contexte politique et des droits humains en RDC depuis mars 2019, certaines recommandations ont évolué et 1.  Voir https://www.fidh.org/fr/regions/afrique/rdc/cinq-priorites-pour-les-droits-humains-adressees-au-president-felix. FIDH/LE/GL/ASADHO – Espoirs et inquiétudes en RDC : 3 ans plus tard, où en sont les 5 priorités de la Feuille de route 2019 ? 6 des recommandations prioritaires sont apparues, tandis que d’autres recommandations demeurent inchangées. L’ensemble des recommandations issues de la feuille de route de mars 2019 figurent en annexe de la présente note. Contexte Après des élections nationales retardées occasionnant un mécontentement populaire, une période pré-électorale longue et marquée par la répression et des violations des droits humains, ainsi que des divisions au sein de l’opposition dans la nomination d’un candidat présidentiel, Félix-Antoine Tshisekedi a finalement été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et investi comme président le 20 janvier 2019 par la Cour constitutionnelle. Cette élection a fait l’objet de vives contestations de la part de l’opposition ainsi que de la société civile qui ont noté des irrégularités, et y ont vu le résultat d’un arrangement de partage de pouvoir entre le président sortant, Joseph Kabila, et le président nouvellement élu, F.-A. Tshisekedi. De son côté, Martin Fayulu, candidat de l’opposition, s’est autoproclamé président de la RDC, bien que la Cour constitutionnelle ait rejeté son recours et confirmé la victoire de F.-A. Tshisekedi à l’élection présidentielle2. Plusieurs mois après l’investiture du président Tshisekedi et sur la base des résultats des élections législatives remportées par le Front commun pour le Congo (FCC), la coalition du parti du président sortant, Joseph Kabila, un gouvernement de coalition a été formé en mai 2019 avec l’alliance de F.-A. Tshisekedi, Cap sur le changement (CACH), et dirigé par un Premier ministre et plusieurs ministres acquis au camp Kabila3. Quelques mois après l’investiture du nouveau président, le FCC détenait la majorité des sièges à l’Assemblée nationale et au Sénat, ainsi que la majorité des postes de gouverneurs de province. Ce paysage politique, qui ne semblait donner aucune marge de manœuvre au nouveau président et laissait présager son contrôle par le président sortant après 18 années au pouvoir et désormais à la tête de la coalition majoritaire du FCC, a pourtant évolué depuis janvier 2019. Ainsi, depuis l’annonce par le président Tshisekedi début décembre 2020 de la fin de la coalition CACH/FCC au pouvoir à la suite de la tenue de consultations nationales4, l’Union sacrée pour la Nation, composée de personnalités issues de la majorité présidentielle, domine désormais depuis avril 2021 la composition du gouvernement et détient la majorité au Parlement5. Ce renversement de tendance dans le paysage congolais a ouvert la voie au président actuel pour mettre en œuvre des réformes majeures, jusqu’alors bloquées par une coalition fragile et en désaccord. Toutefois, une partie de la société civile estime aussi que ce renversement de tendance au profit de la nouvelle majorité présidentielle créée, l’Union sacrée de la Nation, s’est fait de manière peu démocratique, par le débauchage de plusieurs personnalités de tous camps politiques. De nouvelles contestations de la société civile à l’égard du pouvoir sont récemment apparues quant à la nomination, en octobre 2021, du nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), Denis Kadima, jugé trop proche du président Tshisekedi. L’opposition, la société civile et l’Église contestent l’indépendance et la légitimité de la CENI, et ont organisé des manifestations et sit-in, notamment à Kinshasa, la capitale, réprimés par la police, et donnant lieu à des arrestations et des intimidations judiciaires. 2.  Voir notamment Jeune Afrique, « RDC : Martin Fayulu s’autoproclame “seul président légitime” du pays », 20 janvier 2019, https://www.jeuneafrique.com/711471/politique/rdc-martin-fayulu-denonce-un-coup-detat-electoral/. 3.  Voir notamment Le Monde, « RDC : le futur gouvernement de coalition finalement dévoilé », uploads/Politique/ espoirs-et-inquietudes-en-republique-democratique-du-congo.pdf

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