K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E
K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E = = V VO OL L. . 8 8 / / 2 20 00 08 8 : : L LA A B BI IO OP PO OL LI IT TI IQ QU UE E Claudia Giordano – « Interprétations italiennes de la biopolitique » 1 INTERPRÉTATIONS ITALIENNES DE LA BIOPOLITIQUE Claudia Giordano Depuis que Giorgio Agamben a publié son premier et très célèbre essai sur l’homo sacer1, il y a à peu près dix ans, l’attention des philosophes italiens pour la biopolitique a progressivement augmenté. Tout dernièrement, plusieurs recueils d’études dédiés à ce sujet2 sont parus et deux universités italiennes ont fondé, en 2007, deux centres spécialisés de recherche3. Un tel intérêt peut très bien s’expliquer : le concept de biopolitique, en raison de sa ductilité et des ambivalentes interprétations dont elle fait l’objet, semble fournir un instrument conceptuel pour une réflexion critique sur la société contemporaine, sur les types de pouvoir qui agissent sur elle et sur les perspectives de changement et de résistance qui pourraient s’ouvrir. Évidemment, la référence essentielle de cette recherche est l’analyse de la biopolitique développée par Foucault dans les années soixante-dix, quand il a reconnu, dans la régulation des phénomènes biologiques concernant la population, la stratégie de gouvernement de l’État. Néanmoins les intuitions du philosophe français à propos de la connexion, historiquement déterminée, entre la politique et la vie biologique, donc entre la politique et la gestion économique des corps, ne représentent que le point de départ pour des réflexions qui ont considérablement enrichi les questions ouvertes par Foucault, tout en conduisant aussi à des conclusions assez divergentes. 1 G. Agamben, Homo sacer. Il potere sovrano e la nuda vita, Torino, Einaudi, 1995 (tr. fr. de M. Raiola, Homo sacer I. Le pouvoir souverain et la vie nue, Paris, Seuil, 1997) ; Id., Stato di eccezione. Homo sacer, II, 1, Torino, Bollati Boringhieri, 2003 (tr. fr. de J. Gayraud, Homo Sacer II. État d'exception, Paris, Seuil, 2003) ; Id., Quel che resta di Auschwitz. L'archivio e il testimone. Homo sacer III, Torino, Bollati Boringhieri, 1998 (tr. fr. de P. Alfieri, Homo sacer III. Ce qui reste d'Auschwitz : l'archive et le témoin, Paris, Payot & Rivages, 1999) ; Id., Il Regno e la Gloria. Per una geneaologia dell’economia e del governo. Homo sacer, II, 2, Vicenza, Neri Pozza, 2007. 2 Cf. P. Perticari (éd.), Per una biopolitica minore, Roma, Manifestolibri, 2003 ; L. Bazzicalupo-R. Esposito (éds.), Politica della vita. Sovranità, biopotere, diritti, Milano, Laterza, 2003 ; P. Amato (éd.), La biopolitica. Il potere sulla vita e la costituzione della soggettività, Milano, Mimesis, 2004 ; A. Cutro, Biopolitica. Storia e attualità di un concetto, Ombre Corte, Verona, 2005 ; S. Chignola (éd.), Governare la vita, Verona, Ombre Corte, 2006 ; A. Argenio (éd.), Biopolitiche, Avellino, Sellenio, 2006; A. Vinale (éd.), Biopolitica e democrazia, Milano, Mimesis, 2007. 3 Je me réfère à Bios, le centre de recherche sur la biopolitique fondé dans le Département de “Politiche pubbliche e scelte collettive” de la Faculté des Sciences Politiques de l’Université du Piemonte Orientale, et à Bps, le centre interdisciplinaire de recherche sur la bioéconomie et les processus de subjectivation, constitué dans le Département de “Teoria e Storia del Diritto e della Politica” de la Faculté des Sciences Politiques de l’Université de Salerno. K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E = = V VO OL L. . 8 8 / / 2 20 00 08 8 : : L LA A B BI IO OP PO OL LI IT TI IQ QU UE E Claudia Giordano – « Interprétations italiennes de la biopolitique » 2 Mon propos ici est d’offrir une présentation des principales lectures italiennes de la biopolitique, en me concentrant sur les auteurs qui ont déterminé les plus importants moments du débat, et qui ont élaboré des concepts qui agissent comme points de repère dans la discussion. I. La biopolitique italienne : politique « de » la vie ou politique « sur » la vie Comme Roberto Esposito l’a suggéré4, on peut reconnaître, dans le débat italien, deux tendances interprétatives opposées. La première, de Giorgio Agamben5, a lu la biopolitique dans les termes négatifs d’une politique « sur » la vie, en concevant le totalitarisme comme le paradigme de la biopolitique moderne. La seconde, que l’on peut attribuer aux réflexions de Toni Negri6, a ouvert la voie, en revanche, aux interprétations positives de la biopolitique, comme politique « de » la vie7, en mettant en évidence l’irréductibilité de la vie, son caractère excédant face au pouvoir qui l’a investie8. Par rapport à ces deux hypothèses herméneutiques, Roberto Esposito et Laura Bazzicalupo9 ont entrepris un parcours différent, dans lequel l’ambivalence de sens de la biopolitique ne paraît pas avoir mené à la nécessité de dépasser l’alternative. À l’origine de cette indécision interprétative, il y aurait probablement – comme Esposito l’a suggéré10 – l’indécision de Foucault lui-même quand il utilise le terme de biopolitique11. Selon la perspective archéo-généalogique de sa recherche, il 4 R. Esposito, «Biopolitica, immunità, comunità», in Politica della vita, op. cit., p. 123-132, p. 123 et aussi id., Prefazione in L. Bazzicalupo, Il governo delle vite. Biopolitica ed economia, Roma-Bari, Laterza, 2006, p. V-XII, p. VII-VIII. 5 À partir de Homo sacer 1, op. cit. (cf. supra note 1). 6 Voir principalement M. Hardt-T. Negri, Empire, Cambridge, Harvard University Press, 2000 (tr. fr. de D.-A. Canal, Empire, Paris, Exils, 2000). 7 Esposito les définit «euphoriques » (cf. «Biopolitica, immunità, comunità», op. cit., p. 123). 8 Cf. R. Esposito, Bios. Biopolitica e filosofia, Torino, Einaudi 2004, p. 38. 9 Respectivement in Bios, op. cit. et in Il governo delle vite, op. cit. 10 Dans le premier chapitre de Bios, Esposito a distingué et analysé trois contextes où l’on a utilisé le concept de biopolitique : le premier est representé par plusieurs textes des années Vingt dédiés à l’élaboration d’une conception vitaliste de l’État ; le deuxième est marqué par le débat qui a suivi, en France, la publication, dans les années Soixante, du livre d’A. Starobinski, La biopolitique. Essai d’interprétation de l’histoire de l’humanité et des civilisations (1960) ; enfin, le troisième contexte d’études sur la biopolitique est celui du monde anglo-saxon qui a été ouverte en 1973 par la fondation, par l’International Political Science Association, d’un site dédié à la biologie et à la politique (cf. Bios, op. cit., p. 6-16). 11 Il faut rappeler, en tout cas, le caractère inachevé de cette partie des recherches de Foucault, qu’il avait commencée dans les cours au Collège de France du 1976 au 1979 (cf. Il faut défendre la société. Cours au Collège de France, 1976-1977, Paris, Seuil-Gallimard, 1997 ; Sécurité, territoire, population. Cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Seuil-Gallimard, 2004 ; Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France, 1978-1979, Paris, Seuil-Gallimard, 2004). K KL LE ES SI IS S – – R RE EV VU UE E P PH HI IL LO OS SO OP PH HI IQ QU UE E = = V VO OL L. . 8 8 / / 2 20 00 08 8 : : L LA A B BI IO OP PO OL LI IT TI IQ QU UE E Claudia Giordano – « Interprétations italiennes de la biopolitique » 3 considère la vie non pas comme un objet naturel, comme un invariant, mais comme ce qui est profondément traversé et modifié par l'histoire; de là dériverait le caractère antinomique de l’interrogation sur la biopolitique et sur ses effets12. En effet, dans La volonté de savoir, on peut lire : « il faudrait parler de “bio-politique” pour désigner ce qui fait entrer la vie et ses mécanismes dans le domaine des calculs explicites et fait du pouvoir-savoir un agent de transformation de la vie humaine; ce n’est point que la vie ait été exhaustivement intégrée à des techniques qui la dominent et la gèrent; sans cesse elle leur échappe »13. Plus précisément, selon Esposito, Foucault aurait hésité sur la forme de la relation entre politique et vie impliquée par la biopolitique, puisque, comme le démontrent quelques passages de « Il faut défendre la société »14, le régime de la souveraineté et celui de la biopolitique restent symétriques dans la modernité. Cela détermine la superposition entre un type de régime politique visant à la limitation de la vie et un autre visant, au contraire, à son expansion. En outre, le discours de Foucault semble avoir un caractère aporétique même dans la problématisation du totalitarisme : ne se prononçant pas sur l’éventuelle inclusion du totalitarisme à l’intérieur du régime souverain, le philosophe français ne résout pas non plus le problème de la continuité entre souveraineté et biopolitique : « Si le totalitarisme était le résultat de ce qui le précède, uploads/Politique/ giordano-interpretaciones-italianas-de-la-biopolitica.pdf
Documents similaires










-
60
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 24, 2021
- Catégorie Politics / Politiq...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2187MB