Faculté de droit et de science politique Année 2011/2012 L’individu dans L’heur

Faculté de droit et de science politique Année 2011/2012 L’individu dans L’heureuse nation ou gouvernement des Féliciens de Le Mercier de La Rivière (1792) Master 2 Histoire du Droit LEMEE Mémoire soutenu le 29 juin 2012 Mathilde Directeur de Recherche : Pr. A. Mergey Membres du Jury : Pr. A. Mergey, Pr. S. Soleil 1 SOMMAIRE INTRODUCTION ................................................................................................. 3 PARTIE I - L’INDIVIDU DANS LE CORPS SOCIAL .............................. 13 I - LA FORMATION D’UN INDIVIDU VERTUEUX ET ECLAIRE ...................... 13 II - LA PROMOTION ET L’INTEGRATION DE L’INDIVIDU VERTUEUX .......... 33 PARTIE II - L’INDIVIDU DANS LE CORPS POLITIQUE ...................... 53 I - L’INDIVIDU ENTRE DROITS, DEVOIRS ET CITOYENNETE ...................... 53 II - LA FONCTION DU CITOYEN DANS LE CORPS POLITIQUE ....................... 74 CONCLUSION ................................................................................................... 96 2 LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS ƒ AHRF : Annales historiques de la Révolution française ƒ PUAM : Presses Universitaires d'Aix Marseille ƒ PUF : Presses Universitaires de France ƒ RFHIP : Revue française d'histoire des idées politiques ƒ RHMC : Revue d'histoire moderne et contemporaine ƒ RIDC : Revue internationale de droit comparé 3 INTRODUCTION « Cette nouvelle Utopie est dédiée à la Nation Française, par l’auteur qui déclare qu’il touche à la fin de sa carrière, comme l’expression des derniers vœux qu’il a fait pour son bonheur. C’est ainsi qu’il est glorieux d’attendre la fin avec la douce satisfaction de n’avoir vécu, comme l’anonyme, que pour sa patrie et de pouvoir encore consacrer ses derniers moments, ses dernières pensées à lui tracer des modèles de vertu et de félicité »1. C’est en ces termes que le Journal encyclopédique du 30 décembre 1792 présente L’heureuse nation ou gouvernement des Féliciens à ses lecteurs. Cet ouvrage est le dernier du physiocrate Le Mercier de La Rivière, qui s’est fait connaître pour avoir développé la pensée politique de l’école physiocratique et s’est attiré pour cela l’amitié de quelques-uns des plus illustres philosophes des Lumières. Diderot disait ainsi de lui en 1767 : « C’est celui-là qui a découvert le secret, le véritable secret, le secret éternel et immuable de la sécurité, de la durée et du bonheur des empires. C’est celui-là qui consolera de la perte de Montesquieu »2. De la vie de l’auteur, nous savons peu de choses. Né en 1719 dans une famille de Trésoriers de France, il a très tôt été prédisposé aux questions de finances publiques3. En 1747, il achète une charge de conseiller à la deuxième chambre des enquêtes du Parlement de Paris, et participe à deux reprises à des querelles entre la Cour et le gouvernement en facilitant le succès d’arrangements préparés par les ministres. Pour cette raison et parce qu’il est connu pour être porté sur les questions financières et commerciales, il est nommé intendant des Iles du Vent dont le siège est en Martinique en 1758 par Choiseul4. En 1762, lorsque les colons livrent la colonie aux forces britanniques, trahissant le Roi et son intendant, Le Mercier est chassé. Reçu par Choiseul en août, il publie un Mémoire sur la Martinique dans lequel il conseille au Roi de négocier la restitution des Iles du Vent. Ce mémoire participe à la décision du gouvernement de conserver ces îles contre la perte du Canada. En août, Choiseul le nomme intendant de la Martinique. Mais la politique de réforme qu’il mène l’oppose aux planteurs qui obtiennent sa révocation en mai 1764. En 1758, il fait la rencontre de Quesnay et Mirabeau sans pour autant s’investir pleinement dans le mouvement physiocratique. C’est à son retour des îles en 1764 qu’il se met pleinement au service de l’école de Quesnay qu’il soutient d’abord dans le Journal de 1 Journal encyclopédique, 30 décembre 1792, Liège, Everard Kints, t. 9, p. 449. 2 D. Diderot, Lettres à Falconet, in Œuvres complètes, Paris, Garnier, 1876, t. 18, p. 236. 3 L.-P. May, Le Mercier de La Rivière. Aux origines de la science économique, Paris, Editions du centre national de la rechercher scientifique, 1975, p. 19. 4 G. Schelle, Le docteur Quesnay chirurgien, médecin de Madame de Pompadour et de Louis XV, physiocrate, Paris, Félix Alcan, 1907, p. 345. 4 l’Agriculture, du Commerce et des Finances5. L’école physiocratique a été créée par Quesnay. En 1758, il publie l’ouvrage fondateur de cette école, son Tableau économique. Il considère alors la terre comme source de toutes valeurs utiles et fait de l’encouragement de la culture et du commerce lié à la culture l’objet principal des gouvernements. Quesnay est rallié par de nombreux auteurs qui le déclarent chef et maître de l’école physiocratique. Selon eux, il n’y a rien à chercher ou à inventer car les rapports des hommes sont réglés par les lois de l’évidence qu’il suffit de comprendre et ensuite d’appliquer. Les physiocrates fondent la première école d’économistes et obtiennent pour cela un grand crédit auprès des souverains étrangers, hommes d’Etat. Sous le règne de Louis XV, ils sont très proches du pouvoir. Quesnay étant le médecin de Madame de Pompadour, il réussit à se faire estimer du Roi. La doctrine physiocratique6 se fonde avant tout sur l’ordre naturel. Il s’agit selon les physiocrates de l’ordre voulu par Dieu pour le bonheur des hommes, d’un ordre providentiel. Cet ordre naturel constitue l’évidence, il est universel et immuable. Par ailleurs, suivant les principes physiocratiques, chaque individu trouve naturellement la voie qui lui est la plus avantageuse, il n’y a donc pas besoin de force coercitive. Le gouvernement doit alors supprimer les entraves, assurer le maintien de la propriété et de la liberté, punir les atteintes à ces principes et enseigner les lois de l’ordre naturel. Son rôle s’arrête à ces quatre fonctions. De plus, la classe des propriétaires est placée au sommet de l’édifice social, car ils sont le fondement de l’ordre naturel. En cela, ils constituent, à eux seuls, la Nation. Mais ces avantages comportent également une contrepartie. En effet, les propriétaires sont les seuls à payer les impôts. Ils doivent également continuer la mise en valeur de terres, dispenser au 5 E. Daire, Physiocrates, Paris, Guillaumin, 1846, p. 429. 6 Sur la physiocratie, voir A. Mergey, L'Etat des physiocrates : autorité et décentralisation, Aix-en-Provence, PUAM, 2010. R. Bach, « Les physiocrates et la science politique de leur temps », RFHIP, 2004/2, n° 20, pp. 5- 35. Y. Charbit, « L’échec politique d’une doctrine économique : la physiocratie », Populations, 2002, n°6, pp. 849-878. M.-C. Laval-Reviglio, « Les conceptions politiques des physiocrates », Revue française de science politique, 1987, n° 2, pp. 181-213. P. Steiner, Les physiocrates : de la pensée économique à l’économie politique, Thèse, Sciences économiques, Paris X, 1984. P. Forget, La pensée politique des physiocrates, Thèse, Philosophie morale et politique, Paris IV, 1982. B. Grosperrin, « Faut-il instruire le peuple ? La réponse des physiocrates », Cahiers d’histoire, 1976, t. 21, pp. 157-169. J.-P. Terrail, « Les physiocrates dans l’Ancien Régime », La Pensée, 1975, n° 184, pp. 58-79. R. Grandamy, La physiocratie : théorie générale du développement économique, La Haye, Mouton, 1973. G. Weulersse, Le mouvement physiocratique en France de 1756 à 1770, Genève, Skaline Reprints, 2003. La physiocratie à la fin du règne de Louis XV (1770-1774), Paris, PUF, 1959. La physiocratie sous les ministères de Turgot et Necker (1774-1781), Paris, PUF, 1950. La physiocratie à l'aube de la Révolution 1781-1792, Paris, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, 1985. A. Mathiez, « Les doctrines politiques des physiocrates », AHRF, 1936, pp. 193-203. E. Chavegrin, « Les doctrines politiques des physiocrates », Mélanges R. Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, pp. 61-70. C. Gide et C. Rist, Histoire des doctrines économiques depuis les physiocrates jusqu'à nos jours, Paris, Librairie de la société du Recueil Sirey, 1922. L. Cheinisse, Les idées politiques des physiocrates, Paris, A. Rousseau, 1914. P. Dubreuil, Le despotisme légal. Vues politiques des physiocrates, Paris, Noblet, 1908. F. Jay, Le système physiocratique et sa critique par A. Smith, Lyon, R. Schneider, 1905. A. Esmein, « L’assemblée nationale proposée par les physiocrates », Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et politiques, sous la dir. de G. Picot, Paris, Alphonse Picard, 1904, t. 62, pp. 397-420. Discours sur la science politique des physiocrates, Paris, Imprimerie nationale, 1904. E. Daire, « Mémoire sur la doctrine des physiocrates, couronné par l’Académie des sciences morales et politiques », Journal des économistes, 1847, n° 60, pp. 349-375. Physiocrates, Paris, Guillaumin, 1846. 5 mieux les richesses produites. Les physiocrates, bien qu’ils préconisent une intervention très limitée du gouvernement, ne prônent pas l’anarchisme. Au contraire, selon eux, la forme du gouvernement doit être le despotisme. Mais il ne s’agit pas du despotisme d’un homme seul qui agirait selon sa propre volonté. Le despotisme des physiocrates est celui de l’ordre naturel, « le despotisme légal de l’évidence d’un ordre essentiel »7. En conséquence, le rôle du souverain est de servir d’organe aux lois de l’ordre naturel. L’intérêt du souverain est naturellement le même que celui du peuple. Sous l’Ancien Régime, les physiocrates vivent en bonne harmonie avec la cour. Ils ne sont ni courtisans, ni frondeurs et s’attirent uploads/Politique/ l-indivu-dans-l-heureuse-nation-ou-gouve.pdf

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