S5 – CE2 Lisez attentivement le document, puis répondez aux questions ou entour
S5 – CE2 Lisez attentivement le document, puis répondez aux questions ou entourez la bonne réponse : La révolte est toujours possible A 72 ans, le cinéaste français d’origine grecque, Costa Gavras, couvert d’honneurs montre une envie sincère de goûter pleinement chaque petit moment et d’être toujours attentif au monde. Lui qui a inventé un genre, le thriller politique, connu les revers de médaille et la résurrection, revient avec Le Couperet, regard critique sur les dérives du néolibéralisme en forme de polar social. Une manière de croquer une fois encore son époque à pleines dents. 1. De Z, sorti en1969, à votre nouveau film, Le Couperet, le sujet s'est déplacé du plan politique au plan social. De la dénonciation des régimes dictatoriaux, vous êtes passé à celle de la précarité économique qui pousse un homme au crime. Cette évolution résume-t-elle les trente-cinq ans de cinéma militant «à la Costa-Gavras»? Le thème commun à ces deux histoires est le pouvoir et comment il agit sur nous. Mais c'est vrai, dans Z, l'homme est un élément d'un grand ensemble, alors que dans Le Couperet il est réduit à son environnement social, symbolisé par sa famille et par son travail. En cela, Le Couperet est un film éminemment contemporain. Quand je suis arrivé en France, il y a maintenant cinquante ans, j'y ai découvert la liberté et j'ai toujours été impressionné par le fait que, chez vous, l'homme était au centre de tout. C'est une des principales raisons pour lesquelles j'avais décidé de rester. Ces dernières années, je me suis aperçu que l'être humain était peu à peu mis de côté et qu'on parlait plus d'économisme que d'humanisme. Donald Westlake a écrit Le Couperet en 1996-1997. Je l'ai lu en anglais, à sa sortie, et j'ai immédiatement voulu adapter cette histoire en France. Je sentais arriver ici cette notion néolibérale du capitalisme agressif. 2. Le Couperet est l'histoire d'un homme au chômage qui, pour retrouver du travail, décide d'assassiner ses concurrents potentiels sur le marché. Qu'est-ce qui vous a intéressé dans le roman? Son potentiel cinématographique et populaire. On ne peut pas dissocier l'un de l'autre. J'ai un grand respect pour le cinéma d'avant-garde, mais je serais incapable d'en faire. Le film est aussi un spectacle. Mais, puisque je tenais absolument à tourner en France, il était impossible pour Jean-Claude [Grumberg, le scénariste] et moi d'adapter littéralement le roman. Il était trop violent, et je voulais casser la linéarité pour ne pas rendre le personnage sympathique d'emblée. Je tenais à ce que, au début, il soit négatif: le premier assassinat est horrible. Je voulais aussi que la famille soit plus présente. Quand il tue les gens, Bruno, mon personnage, n'est pas haineux, il est pragmatique. Il est en guerre pour sauver ses proches. Il devient prédateur. Mais, dans cette société, il y a toujours un prédateur qui a plus faim que vous. J'ai également beaucoup aimé l'aspect «conte amoral» du roman. Bruno est un monstre, mais mon boulot est de le rendre sympathique. Que le spectateur s'identifie à lui et se demande, à un moment donné, ce qu'il peut avoir de commun avec lui. La morale de l'histoire, c'est la réponse que chacun va lui apporter. 3. Cette amoralité est-elle le reflet de l'époque? Notre époque pousse à la solitude. C'est ce qui arrive au personnage. Il est seul et il agit seul. Le libéralisme induit l'idée du chacun pour soi. Il faut être le meilleur, donc laisser les autres derrière. Moi, quand je regarde les Jeux olympiques, celui qui m'intéresse n'est pas le premier, mais le dernier. Car on sent chez lui le bonheur de l'accomplissement: il y est arrivé. Aujourd'hui, la société est faite pour les trois premiers. Face à cela, le cinéma s'interroge, mais il lui est difficile de proposer ne serait-ce que des embryons de réponse. L'important, c'est donc de poser la question juste. Je ne pense pas que nous, les cinéastes, soyons les mieux placés pour dire ce qu'il faut faire. Aux politiques de s'en occuper. A chacun son boulot! J'ai rencontré le maire d'une ville du Nord qui me disait, à la fin de la projection du Couperet: «Aujourd'hui, on ne peut plus rien changer.» Entendre cela est terrible. D'autant que cet homme, qui appartient à la majorité actuelle, avait l'air vraiment sincère et bouleversé. Je suis inquiet, mais il existe toujours, chez moi, un fond d'utopie. Je crois que l'homme, ontologiquement, n'accepte pas l'uniformisation, qu'elle soit dictée par les religions ou par les systèmes politiques. La révolte est toujours possible. Il faut replacer l'être humain au centre du monde. Mais surtout continuer à lui donner la capacité de s'exprimer et le convaincre que l'individualisme ne mène à rien. Ce capitalisme agressif dont vous parlez vous révolte-t-il comme vous révoltaient les systèmes politiques que vous combattiez dans les années 1970? Oui, car il commence à mener le monde. Quand des entreprises font des bénéfices et, dans le même temps, licencient du personnel, ce n'est pas normal. C'est un des sujets du film. Je voulais aussi cerner l'inquiétude vécue par ceux qui, aujourd'hui, ont du travail, parfois un bon poste, mais vivent constamment dans l'insécurité. J'ai rencontré certains spectateurs à la fin des avant- premières. Beaucoup ont fait état de cette précarité qui envahit le monde du travail. «On s'épie», m'a dit quelqu'un. «On ne sait pas ce qui peut se passer demain», m'a confié un cadre supérieur d'Air France. 4. Vous n'en avez pas eu assez de cette image de Costa-Gavras cinéaste militant? Non, car j'ai toujours traité de sujets qui me passionnaient. Et, apparemment, ils plaisaient aussi au public. Il n'y avait donc pas de raisons d'arrêter. La seule chose que je redoutais, c'était de réaliser des films alimentaires. Cela ne m'est jamais arrivé. 5. Ce sentiment de révolte vous habite-t-il toujours? Bien sûr. Je trouve inacceptable tout ce qui heurte le bien-être du voisin. Et j'espère que cette révolte ne me quittera pas avec l'âge. 6. Vous avez donc peur de tomber dans l'indifférence? Il est difficile de mesurer l'influence de l'âge sur le comportement. Mais quand on est indifférent, c'est le début de la mort. Je vois aussi autour de moi des gens qui, avec l'expérience, deviennent un peu cyniques. Et disent que les choses, de toute manière, ne changent jamais. Moi, je résiste. Et j'essaie de cultiver cette révolte. J'aime passer du temps avec mes enfants et mes petits-enfants pour comprendre ce qui les anime. Il faut toujours aller contre cette tendance qui pousse, avec le temps, à s'éloigner de la jeunesse. 7. Ces révoltes, ou à tout le moins le rapport au monde, sont-elles les mêmes aujourd'hui que celles qui vous enflammaient il y a trente ans? Les centres d'intérêt se sont déplacés. La génération des quadragénaires a tendance à considérer la classe politique avec indifférence, car elle a entendu trop de promesses qui n'ont pas été tenues. Mais les plus jeunes se mobilisent. Pas, comme nous, à l'intérieur d'un syndicat ou d'un parti, mais entre eux. Cela devient tribal. Ils agissent, mais ils éprouvent un terrible manque de confiance envers les structures existantes. 8. N'avez-vous pas l'impression que l'esprit collectif de votre époque s'est transformé aujourd'hui en somme d'individualités? Oui, sûrement. Ces jeunes me demandent de mesurer les résultats de ce que j'ai pu faire, qui sont parfois assez maigres, et à la fois ils se rendent compte qu'il faut quand même y aller. Même si je suis prudent en disant cela, je sens un espoir chez eux. 9. Que leur dites-vous? Leur parlez-vous d'un grand souffle de changement ou du regret de ne pas être allé au bout? Il n'y a pas de déception. Tout ce que nous avons fait autrefois, les pétitions, les mobilisations, les soutiens politiques, l'a été sous le sceau de ce que nous croyions juste. Cela n'a pas été négatif, même si l'utopie qui nous animait n'a pas toujours été satisfaite. Ce que je leur dis? Rester soi-même, suivre une certaine éthique, respecter la dignité et la liberté d'autrui comme je demande aux autres de respecter les miennes. Finalement, tout se noue autour de ces idées. Quand ce respect-là existe, une grosse part du boulot est déjà faite. Je crois que ce qui compte pour les jeunes, c'est l'exemple qu'on leur a donné. On peut se lancer dans les plus beaux discours du monde, ils ne servent à rien si les actes les trahissent. D’après les propos recueillis par Ẻric Libiot, L’Express du 28 février 2005 uploads/Politique/ la-revolte-est-toujours-possible 2 .pdf
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- Publié le Oct 08, 2022
- Catégorie Politics / Politiq...
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