FICHE DE LECTURE: Qu’est-ce que l’Occident ? Philippe Nemo Qu’est-ce que l’Occi

FICHE DE LECTURE: Qu’est-ce que l’Occident ? Philippe Nemo Qu’est-ce que l’Occident ? Philippe Nemo Mots-clés : - Histoire des idées politiques - Occident - Modernité - Société de droit - Rationalisme - Humanisme - Libéralisme Présentation de l’auteur : Docteur en Lettres et Sciences humaines, PHILIPPE NEMO enseigne les sciences sociales à l’ESCP-EAP (European School of management). Auteur de plusieurs ouvrages sur la philosophie, les religions et l’histoire des idées politiques, il a activement contribué par ses travaux à la diffusion des idées de Friedrich Von Hayek en France. Thèse de l’ouvrage : Philippe Nemo fait un « discours à la nation occidentale », sur le modèle de Fichte et Benda, afin d’élever une « conscience occidentale ». Il s’agit de réagir au contexte actuel de crise géopolitique, qui touche selon lui à des valeurs essentielles que le compromis d’un multiculturalisme réducteur ne pourra pas sauver. Ainsi le choc des civilisations nous force à rechercher la nature profonde de l’Occident, pour protéger ce qui lui est spécifique. L’Etat de droit, la démocratie, les libertés intellectuelles, la rationalité critique, la science, l’économie libre et la propriété privée sont le résultat de cinq « sauts évolutionnaires » qui ont modelé l’Occident de manière exclusive. Ces valeurs produites par l’histoire commune à l’Europe de l’Ouest et à l’Amérique du Nord ont forgé ce que Nemo appelle « l’esprit occidental », une disposition de l’esprit caractérisée par une ouverture au progrès et à la modernité, qui serait par essence communicable à d’autres civilisations car empreinte d’universalité. Méthode : Puisant dans les connaissances accumulées au cours de ses recherches sur l’histoire des idées philosophiques, religieuses et politiques, Nemo retrace les moments-clé de l’histoire occidentale. Il décrit ainsi étape par étape la naissance de notions fondamentales, dont l’enchaînement logique conditionne l’émergence des valeurs qui font aujourd’hui consensus en Occident. L’auteur s’attache ensuite à démontrer l’universalité de ces valeurs, pour en appeler à la constitution d’une « Union occidentale », qui incarnerait un idéal de paix et de progrès au sein du processus d’« unification de l’histoire ». 2 Résultat : Il faut réussir à définir ce qui constitue l’identité Occidentale, pour pouvoir trouver ensuite un modus vivendi entre les différentes civilisations. Il ressort de l’histoire occidentale cinq événements essentiels : - Le « miracle grec » : Il donne naissance à la cité. Dans ce cadre apparaissent la liberté sous la loi, la science et l’école. - L’invention romaine du droit : Il en découle la notion de propriété privée, qui ouvre la voie à la conception actuelle de la personne et à l’humanisme. - La révolution éthique et eschatologique de la Bible : La chrétienté met en avant une éthique et une conscience de l’histoire en mouvement fondées par le texte de la Bible. Cette vision du monde révolutionnaire place l’Histoire dans un temps non plus cyclique mais linéaire. - La « révolution papale » : Elle débute au XIe siècle sous l’impulsion du pape Grégoire VII. Cette réforme au sein de l’institution de l’église affecte l’ensemble de la société civile européenne du Moyen Âge, et dure jusqu’au XIIIe siècle. Elle produit la première synthèse entre les apports grec, romain et chrétien, et conduit à consacrer l’usage de la raison dans la recherche du progrès. - La montée en puissance des démocraties libérales : Les grandes révolutions démocratiques, issues du rationalisme, favorisent le pluralisme sous toutes ses formes. Le contexte politique et social renouvelé permet alors une croissance économique sans pareille, qui fait naître la modernité. Ces événements font de l’Occident un ensemble géographique et culturel cohérent sans équivalent. Cet héritage précieux doit nous aider à initier un véritable dialogue des civilisations. 3 I – Le « miracle grec » : La cité, la science : La cité grecque antique est le premier lieu où se forge l’identité occidentale. Le « miracle grec » donne ainsi naissance à la cité, à l’Etat de droit, à la science et à l’école. 1°) Les traits constitutifs de la cité grecque : La cité apparaît au milieu du VIIIe siècle avant J.C. Elle est issue d’une crise de la souveraineté, qui met fin au pouvoir sacré du roi mycénien et au système aristocratique qui l’accompagnait. Le pouvoir politique ainsi collectivisé et sécularisé devient l’affaire de tous dans la res publica. Un espace dédié à la « chose publique » voit le jour : l’agora, qui permet l’expression politique des citoyens devant la cité tout entière. Afin de communiquer la parole et la pensée hors de l’agora, l’écriture s’impose comme un vecteur efficace. Elle devient alors le support fréquent des normes de la cité, renforçant ainsi la stabilité juridique et la cohésion sociale. Depuis cette évolution, l’écriture devient un procédé régulièrement utilisé. Cette époque est ainsi marquée par l’apparition des premiers livres. Le souci d’efficacité politique concourt à la promotion de la parole et de la raison dans la cité grecque. L’art du discours résulte de la publicisation du pouvoir. A l’inverse des codes aristocratiques qui prévalaient jusqu’alors, dans l’agora la valeur de la parole est désormais égale pour tous les citoyens : chacun peut y promouvoir la cité, puisque chacun peut la défendre dans les rangs des phalanges hoplitiques. Devant la loi, les citoyens grecs sont donc semblables (homoïoï) et égaux (isoï). La rhétorique, la dialectique et la logique sont les moyens par lesquels il faut convaincre l’auditoire dans les débats oraux et publics. La modération devient une vertu nécessaire à l’expression publique, tandis que les valeurs aristocratiques sont associées à l’hybris, source de désordre. C’est ainsi que la cité grecque construit la figure abstraite du citoyen, qui est égal à ses semblables en droit, en raison et en dignité. Les rapports entre religion et politique s’inversent, car le pouvoir ne tire plus sa légitimité du surnaturel mais de l’expression objective et rationnelle des citoyens. Désormais, les lois humaines, l’Etat et la raison publique se substituent à la religion archaïque « horizontale » dont la fonction sociale régulatrice n’a plus lieu d’être. Apparaissent alors des religions « privées » caractérisées par leur séparation de la sphère publique, qui sont plus proches de ce que nous connaissons aujourd’hui. La cité grecque introduit l’idée de changement dans l’ordre social et politique. Le règne de l’immanent et de l’immuable cesse avec l’autonomisation croissante de l’ordre social par rapport à l’ordre naturel. Alors que le milieu naturel (le physis) répond à des règles inaccessibles et invariables, le corps social (le nomos) se constitue autour de conventions qui évoluent par le biais l’intervention humaine. 2°) L’égalité des citoyens et la liberté sous la loi : La cité grecque est le lieu par excellence du gouvernement par la loi et de la liberté individuelle. Ces deux principes indissociables constituent le socle des Etats de droit modernes. L’égalité des citoyens devant des règles de valeur générale (isonomie), lorsqu’elle prend place dans un contexte juridique stable, permet à chacun d’adapter son comportement pour éviter les litiges et les mesures de coercition qui en découlent. Cette faculté d’anticipation rend l’être humain capable de se prendre en charge, et crée un espace de liberté individuelle. Cela vaut aussi pour les étrangers, auxquels la cité accorde des droits civiques de base. Ils peuvent alors s’agréger à elle, car le concept abstrait de citoyen a vocation à s’appliquer à tous. La formule civique inventée à Athènes est donc la 4 première qui ne soit pas fondée sur la communauté d’origine, à l’inverse des sociétés archaïques où l’appartenance est subordonnée au lignage et à l’ethnie. 3°) La science : Elle est le fruit de la libération de la parole et de la raison, et ne pouvait donc pas apparaître sous la monarchie sacrée précédant la république. La science résulte de la distinction entre le physis et le nomos, et de la primauté du second sur le premier. Le citoyen cherche dans la cité les lois abstraites, universelles et impersonnelles qui doivent s’appliquer à tous. De même, l’homme grec applique cette démarche à l’univers pour le comprendre dans son ensemble, et non plus pour dresser un catalogue de descriptions isolées à la manière des mésopotamiens. L’esprit scientifique résulte de cette volonté de construire des théories, destinées à décrire des principes s’appliquant au tout cosmique. Au Ve siècle, le processus de spécialisation et diversification des sciences fait naître les sciences sociales, et notamment l’histoire. C’est là l’apport des sophistes et d’Hérodote. 4°) L’école : Sous Alexandre le Grand et Aristote, l’accumulation des connaissances rend nécessaire l’apparition de structures sociales dédiées à leur transmission. L’enseignement se publicise graduellement : d’abord réservé à des confréries spécialisées dans un champ de connaissances (à l’époque de Pythagore), il se répand sous forme privée (avec les sophistes) puis devient à la fois public et pluridisciplinaire. Vecteur de diffusion des savoirs et valeurs cultivés par la cité grecque, l’école devient un facteur de continuité sociale, au même titre que les rites initiatiques des sociétés archaïques. Elle promeut l’activité intellectuelle et propage un idéal commun de civilisation, la première culture au sens moderne du terme. Il manque cependant aux uploads/Politique/ philippe-nemo-qu-x27-est-ce-que-l-x27-occident.pdf

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