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Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'Université de Montréal, l'Université Laval et l'Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « La laïcité de l'État dans l'espace camerounais » Bernard Momo Les Cahiers de droit, vol. 40, n° 4, 1999, p. 821-847. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/043579ar DOI: 10.7202/043579ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir. Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter à l'URI https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Document téléchargé le 2 février 2016 02:23 La laïcité de l'État dans l'espace camerounais Bernard MOMO* D'origine lointaine, le principe de la laïcité de l'État est consacré en France par la Loi du 9 décembre 1901 et étendu au Cameroun en applica- tion de l'article 7 de la Convention du mandat, puis du Décret du 28 mars 1933. Ces textes ainsi que les diverses constitutions de la République, lois et règlements y relatifs posent le principe du libre exercice de tous les cultes non contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs, à savoir que l'État n 'est ni religieux ni ecclésiastique, bref le fait religieux est extérieur à l'État. En fait, il apparaît à l'analyse que la réalité sociopolitique a profon- dément édulcoré le principe de la laïcité de l'État au Cameroun. L'État a pris conscience du rôle des religions non seulement dans la formation morale des citoyens, mais aussi dans le développement tout court. Par l'investissement qu'elles réalisent dans le pays, les religions déplacent, d'au moins une borne, la neutralité de l'État à leur égard. C'est ce qui explique la collaboration entre les deux pouvoirs : laïque et religieux, col- laboration d'autant plus nécessaire que la paix sociale en dépend dans une certaine mesure. La mitoyenneté entre eux est ainsi très fluette et fra- gile. Et les religions, dans leur ambition souvent inavouée, agissent en véritables forces politiques ; par conséquent, elles ne peuvent être écar- tées de l'entreprise de la construction de l'État. Dès lors, il n'y a plus une sphère réservée à tel ou tel pouvoir. * Chargé de cours. Faculté des sciences juridiques et politiques, Université de Yaounde II. Les Cahiers de Droit, vol. 40, nn °, décembre e999, pp. 821-847 (1999) 40 Les Cahiers de Droii 821 822 Les Cahiers de Droit (1999) 40 C. de D. 821 Of distant origin, the principle underlying the separation of Church and State is laid down in France under the Act of December 1901 and extenddd to Cameroon through the application of section 7 of the Con- vention of Mandate, followdd by the Decree of March 28, 1933. These texts, plus the various constitutions of the Republic, its laws and regula- tions, establish the principle of free practice for all religions not in con- travention of pubiic order and good mores, namely that the State is nei- ther religious nor ecclesiastic ; in all, the religious phenomenon remains outside the State. In fac,, howeve,, an analysss shows that the sociopolitical reality has profoundly watered down the principle of State seculaiism in Cameroon. The State is well aware of the role played by religions in the moral up- bringing of citizens, and also in their general education. Through the ini- tiatives taken by religions in the country, these do to a certain extent affect State neutrality with regard to religion. This explains the ccoperation betwenn the two powess : secular and religious, a collaboration all the more necessayy as social peace does to some degree depend ttereupon. This co-participation between them remains a precarious and fragile undertaking. Just the same, the religions — often acting on unavowed am- bition — conduct themselves as true political forces ; and as such, they cannot be shut out of the tasks of building and running the State. In this context, there can no longer be spheres reserved for one power or the other. Pages 1. L'expression juridique de la laïcité de l'État au Cameroun 825 1.1 Les fondements juridiques du principe durant et après la période coloniale ... 825 1.1.1 La laïcité de l'État à l'époque coloniale 825 1.1.2 La laïcité de l'État et les impératifs de l'indépendance 827 1.2 Le statut des cultes au Cameroun 830 1.2.1 Les cultes reconnus 830 1.2.2 Les associations religieuses «non reconnues» 832 2. La laïcité de l'État au Cameroun : un principe touché par la réalité sociopolitique ... 834 2.1 Les limites au principe liées à la force sociopolitique des religions 835 2.1.1 Les fondements politiques des religions au Cameroun 835 2.1.2 La collaboration entre les pouvoirs publics et les religions au Cameroun 840 i. MOMO La laïcité de l'État dans l'espace camerounais 823 2.2 La laïcité de l'État à l'épreuve des nécessités de l'ordre public 844 2.2.1 L'exercice des pouvoirs de police des religions par les pouvoirs publics 844 2.2.2 L'intolérance religieuse et l'intervention de l'État 846 Conclusion 847 Si la définition de l'État est sans équivoque dans l'esprit des juristes, il ne saurait en être de même de celle de la laïcité. En effet, l'idée admise est que l'Etat est une collectivité humaine ou une société politique stabilisée et organisée, ayant le monopole de la force. Sociologiquement, c'est un groupe humain fixé sur un territoire déterminé et sur lequel s'exerce une autorité politique exclusive1. En revanche, « du laïcisme qui est une noire hérésie au laïcat qui est en voie de devenir presque un ordre religieux, en passant par le laïc qui ne peut pas porter la soutane du clerc, sans parler des lois laïques qui étaient presque un dogme pour la défunte m e République en combien de sens divergents n'a-t-on pas torturé la pauvre racine laïque2 ? » Ces propos témoignent de la difficulté qu'il y a à donner une définition à la laïcité en tant que concept. Au Cameroun, celle-ci est avant tout un article d'impor- tation, un héritage de l'œuvre «civilisatrice» de la colonisation. Les origines lointaines de ce principe se trouvent soit dans la Bible, soit dans une histoire française qu'il nous semble sans intérêt de retracer en détail. En effet, la notion de laïcité a été premièrement esquissée par Jésus-Christ lui-même qui disait : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu3. » La laïcité est ensuite passée par quatre étapes historiques, selon Emile Poulat4 : — la laïcité «sacrale», lorsque les querelles entre l'Église et l'État se déroulent à l'intérieur de l'espace chrétien ; 1. J. GICQUEL, Droit constitutionnel et institution politiques, Paris, Montchrestien, 1988, p. 60. 2. B. de SOLAGES, cité par P. BARRAL, « Forces religieuses et problèmes scolaires », dans COLLOQUE DE STRASBOURG (1963, 23-25 MAI) et R. RÉMOND (dir.), Forces religieuses et attitudes politiques dans la France contemporaine, coll. « Cahiers de la Fondation natio- nale des sciences politiques », n° 130, Paris, Armand Colin, 1965, p. 211, à la page 211. 3. Évangile selon saint Marc, chapitre 12, versets 13 à 17. 4. É. POULAT, « Les quatre étapes », dans Colloque sur la liberté religieuse et la laïcité. 824 Les Cahiers de Droit (1999) 40 C. de D. 821 — la laïcité «éclairée» qui commence après la Révolution de 1789 et se caractérise par la reconnaissance, par le pape, des acquis de la Révolu- tion et la reconnaissance, par l'État, de la « nécessité » de la religion ; — la laïcité « radicalisée » dans la seconde moitié du xixe siècle ; — la laïcité « reconnue », lorsque la Loi du 9 décembre 1901 vient con- sacrer juridiquement le principe en disposant que « la République est laïque, démocratique, sociale et indivisible ». Cette formule est depuis lors reprise par les différentes constitutions françaises. C'est sous le régime du mandat que le principe de la laïcité sera étendu au Cameroun, en application de l'article 7 de la Convention du mandat, puis du Décret du 28 mars 1933. Ces textes posent le principe d'un libre exer- cice de tous les cultes non contraires à l'ordre public et aux bonnes mœurs. Devenu indépendant, le Cameroun systématisera le principe à travers le préambule de la Constitution du 4 mars 1960 : « le principe de laïcité sous l'égide duquel le peuple camerounais place la République s'entend par la séparation des Églises et de l'État. Il implique que la République n'est ni religieuse, ni ecclésiastique. » Ainsi, le fait religieux est extérieur à l'État. Celui-ci adopte à l'égard des Églises et des religions un attitude d'impar- tialité, de neutralité5. Cependant, l'État laïque ne se contente pas exclusivement d'une reconnaissance. Il affirme dès lors son rôle actif ; il respecte lui-même la liberté de conscience, il l'assure, c'est-à-dire qu'il s'oblige à en prévenir les violations. Au Cameroun, comme uploads/Politique/laicite-au-cameroun.pdf

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