Aux sources des liturgies indo-iraniennes édité par Céline Redard, Juanjo Ferre
Aux sources des liturgies indo-iraniennes édité par Céline Redard, Juanjo Ferrer-Losilla, Hamid Moein & Philippe Swennen Presses Universitaires de Liège 2020 Collection Religions Comparatisme – Histoire – Anthropologie 10 Tables des matières Philippe Swennen Introduction . .....................................................................................................................7 Joanna Jurewicz The God who fights with the Snake and Agni ............................................................19 Toshifumi Gotō Bergung des gesunkenen Sonnenlichts im Rigveda und Avesta ..............................27 Kyoko Amano What is “Knowledge” Justifying a Ritual Action? Uses of yá eváд véda / yá eváд vidvЁn in the Maitrāyaжī Saдhitā .....................................................39 Naoko Nishimura On the first mantra section of the Yajurveda-Saдhitā: Preparation for milking, or grazing of cows? ...................................................................................69 Philippe Swennen Archéologie d’un mantra védique ...............................................................................81 Éric Pirart L’idée d’hospitalité .......................................................................................................105 Antonio Panaino aētЉsә.tē ātarә zaoϑrЉ. On the Mazdean Animal and Symbolic Sacrifices: Their Problems, Timing and Restrictions ..............................................119 Jean Kellens ahu, mainiiu, ratu ........................................................................................................165 Eijirō Dōyama Reflections on YH 40.1 from the Perspective of Indo-Iranian Culture . ...............175 Alberto Cantera Litanies and rituals. The structure and position of the Long Liturgy within the Zoroastrian ritual system .........................................................................195 Céline Redard Les Āfrīnagāns : une diversité rituelle étonnante ....................................................283 Götz König Daēnā and Xratu. Some considerations on Alberto Cantera’s essay Talking with god ...........................................................................................................303 6 Table des matières Juanjo Ferrer-Losilla Les alphabets avestiques et leur récitation dans les rituels zoroastriens : innovation ou archaïsme ? ..................................................................321 Miguel Ángel Andrés-Toledo Socio-religious Division in the Indo-Iranian Investiture with the Sacred Girdle . ................................................................................................................345 Hamid Moein Some remarks about the Zoroastrian ceremony of cutting a new kusti according to two Persian Rivāyat manuscripts and two of the oldest Avestan manuscripts ........................................................................................357 Résumés .........................................................................................................................365 Bibliographie . ................................................................................................................377 Abréviations de textes . .................................................................................................401 Index locorum ...............................................................................................................403 ahu, mainiiu, ratu Jean Kellens Collège de France Le mot ahu- est fréquent dans l’Avesta ancien, du moins à la mesure de celui-ci. Si sa formation — dérivé en -u- de ah « être » = scr. ásu- — et son sens de base — « état d’existence » — sont clairs, les conditions de son emploi le sont moins et jettent un voile sur l’exacte notion dont il est porteur. Ses diverses caractérisations s’organisent de manière évidente en systèmes d’opposition, mais dont les éléments ou le sens sont parfois difficiles à identifier. Le mot est aussi le pivot d’un système de détermination : le fait qu’il soit à la fois fréquemment déterminé et fréquem ment déterminant explique que l’emploi au génitif forme l’écrasante majorité de ses attestations, à peine concurrencée par l’accusatif, dont la fréquence résulte du fait que l’ahu peut faire l’objet d’un acte hostile. 1. L’opposition « osseux » / « mental » et la délimitation du problème L’opposition (ou complémentarité) la plus claire est celle de l’ahu « osseux » (astuuaжt-) et de l’ahu « mental » (manaҐiia-) ou « de pensée » (gén. sing. manaŋhō). Elle apparaît de manière explicite dans Y28.2 ahuuЉ astuuatascā hiiaћcā manaŋhō, dans Y43.3 ahiiā aŋhМuš astuuatō manaŋhascā et, stylisée, avec nominalisation du premier terme, dans Y53.5 vaēdō.dūm daēnābīš abii + ascā ahūm yМ vaŋhМuš manaŋhō « trouvez par vos daēnās l’os et l’état de bonne pen sée ». Réduites (sans doute elliptiquement) au second terme, l’attestation de Y28.2 est anticipée dans Y27.13 vaŋhМuš… manaŋhō їiiaōϑәnanąm aŋhМuš « des actes de l’état de bonne pensée » et celle de Y53.5 prolongée dans Y53.6 manahīm ahūm mәrәжgәduiiē « pour détruire l’état mental ». Ajoutons que le parallélisme avec Y53.5 situe l’obscur Y51.19 daēnaiiā vaēdәmnō yМ ahūm išasąs aibī dans le même contexte. Dans le Yasna Haptaŋhāiti, Y40.2 ahmāicā ahuiiē manaҐiiāicā « pour cet état- ci et le mental » implique que les duels ubōibiiā ahubiiā « pour les deux états » de Y35.3, 8, Y38.3 et ubōiiō aŋhuuō « dans les deux états » de Y41.2, 3 se réfèrent aux mêmes caractéristiques. Mais le démonstratif rapproché substitué à astuuaжt- rend incertain son emploi isolé dans les Gâthâs : le démonstratif est-il aussi le substitut d’astuuaжt- (peut-être dans Y32.13 aŋhМuš marәxtārō ahiiā « les destructeurs de cet état » et notons l’emploi redondant de Y43.3, ci-dessus), un renvoi à des caractères 166 Jean Kellens énoncés précédemment (sûrement Y31.20 darәgМm āiiū tәmaŋhō duš.xvarәϑМm auuaētās vacō tМm vЉ ahūm… daēnā naēšaћ « la longue durée de ténèbre, la mau vaise nourriture, le mot “hélas”, c’est à cet état que votre daēnā vous conduira »), ou à la singularité de la situation présente (peut-être tous les autres cas : Y30.9, 34.6 et 45.3, 4) ? Ce relevé entraîne une première conclusion importante : l’opposition entre l’état osseux et l’état mental épuise la totalité des attestations du Yasna Haptaŋhāiti 1 et du Y53. Le mot étant d’autre part très faiblement attesté dans la Gâthâ spәжtā. mainiiu (trois fois) et dans le Y51 (deux fois, dont l’une déjà traitée ci-dessus), les problèmes que pose son emploi appartiennent essentiellement à la Gâthâ ahunauuaitī (désormais GA) et à la Gâthâ uštauuaitī (désormais GU). 2. Au bout de la spirale : l’ahu devenu « parfait » (fraša) La dernière strophe de chaque Gâthâ polyhâtique contient un segment parallèle composé des mêmes éléments lexicaux : les verbes varz ou dā, dont l’usage peut être synonyme, les noms vasna- et ahu- (ou le composé parāhu-), les deux adjectifs haiϑiia- et fraša- (ou le superlatif fәrašō.tәma-). Y34.15 cc’ : xšmākā xšaϑrā ahurā, fәrašМm vasnā haiϑiiМm dЉ ahūm par votre pouvoir (et) le vasna, rends, ô Ahura, l’état parfait (et) permanent Y46.19 a–c’ : yМ mōi aѕāћ, haiϑīm hacā varәšaitī zaraϑuštrāi, hiiaћ vasnā fәrašō.tәmәm ahmāi mīždәm, hanәжtē parāhūm Y50.11 c–d’ : dātā aŋhМuš, arәdaћ vohū manaŋhā haiϑiiā varәštąm, hiiaћ vasnā fәrašō.tәmәm De ces trois passages, seul celui de Y34.15 obéit à une syntaxe claire où haiϑiia- et fraša- qualifient directement ahu- (aussi est-ce le seul que je traduis). Les deux autres mettent entre les deux adjectifs et le nom la distance d’un usage elliptique ou substantifié. Quoi qu’il en soit de cette difficulté, on doit constater que fraša- n’est attesté qu’en rapport avec ahu- et exclusivement dans la dernière strophe de chaque Gâthâ polyhâtique, à l’exception de Y30.9 yōi īm fәrašМm kәrәnaōn ahūm « ceux qui rendront l’état parfait », au sein d’un passage (Y30.8–11) qui semble faire la prédiction de la réussite finale 2. Rendre l’ahu fraša, « pimpant » ou « parfait », se situe à l’aboutissement du rite ancien propre à chacune de ces Gâthâs et apparaît ainsi comme son but même. 1. Swennen (2016b, 147–153) a justement souligné le caractère structurant du motif : deux men tions dans la première hāiti, une à l’omphalos, trois dans la dernière partie du texte. 2. Voir Kellens 2003, 219–220 et 2015a, 14. ahu, mainiiu, ratu 167 Il faut encore remarquer que les deux premières Gâthâs, celles qui sont fortement imprégnées de la notion d’ahu, sont encerclées par l’évocation initiale d’un ahu caractérisé par la dichotomie astuuaжt : manaҐiia et la constatation finale d’un ahu devenu fraša (Y27.13 — Y28.2 → Y34.15 et Y43.3 → Y46.19). Le rite dont elles sont le récitatif apparaît dès lors comme le processus par lequel s’accomplit cette mutation 3. 3. Spécificité des épithètes dans la GA et dans la GU Entre astuuaжt- : manaҐiia- initial et fraša- final, la seule caractérisation directe de ahu- est pauruiia- « premier » dans la GA 4, vahišta- « très bon » dans la GU. La divergence pourrait être fondamentale, mais il convient non seulement de la vérifier, mais aussi de la nuancer, car l’idée d’un ahu vahišta n’est pas étrangère à la GA, ni celle d’un ahu pauruiia à la GU. Dans la première, vahišta- rejaillit sur ahu- par ricochet dans Y30.4 aŋhuš acištō drәguuatąm aћ aѕāunē vahištәm manō « le très mauvais état (sera celui) des trompeurs, mais la très bonne pensée (sera) pour les harmonieux », qui constitue en fait une stylisation semblable à celle de Y53.5 °ascā ahūm yМ vaŋhәūš manaŋhō, mais inverse. Dans la GU, la situation est plus complexe et il faudra y revenir en détail. 4. Le processus de la GA Il est remarquable que les deux strophes où pauruiia- caractérise directement ahu- se disposent en un cercle concentrique immédiatement contigu à celui que forme la confrontation entre astuuaжt : manaҐiia (Y28.2) et fraša (Y34.15) : Y28.11 yāiš ā aŋhuš pouruiiō buuaћ « (les hymnes) par lesquels va se constituer l’état premier » - Y33.1 iϑā varәšaitē yā dātā aŋhМuš paouruiiehiiā ratūš їiiaōϑanā razištā « ainsi vont être accomplis les actes les plus directs dont l’état premier a fait des temps- rituels » (mais avant Y34.15, il y a l’énigmatique Y34.6) 5. Entre les clôtures Y27.13 — Y28.2 — Y28.11 et Y33.1 — (Y34.6) — Y34.15, les attestations de ahu- se distribuent en deux ensembles successifs fort dissemblables, avec Y31.8 comme pivot. a. Le premier ensemble fait alterner les attestations de ahu- et celles de pauruiia-, ces dernières réparties entre la qualification directe de ahu- et un emploi absolu en rapport avec mainiiu-. Cette alternance sert tout d’abord à clôturer la première 3. Cette mutation n’est pas exprimée dans le Yasna Haptaŋhāiti, qui conduit de l’uba ahu à l’uba ahu (voir note 1). 4. uploads/Religion/ ahu-mainiiu-ratu.pdf
Documents similaires










-
29
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jui 04, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 1.1544MB