Sophrone Pétridès L'antimension In: Échos d'Orient, tome 3, N°4, 1900. pp. 193-
Sophrone Pétridès L'antimension In: Échos d'Orient, tome 3, N°4, 1900. pp. 193-202. Citer ce document / Cite this document : Pétridès Sophrone. L'antimension. In: Échos d'Orient, tome 3, N°4, 1900. pp. 193-202. doi : 10.3406/rebyz.1900.3273 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_1146-9447_1900_num_3_4_3273 L'ANTIMENSION HISTOIRE — USAGE CHEZ LES BYZANTINS ET LES GRECS MODERNES — DESCRIPTION — CONSÉCRATION — EMPLOI CHEZ LES CATHOLIQUES On dut sentir de bonne heure le besoin de remplacer en certaines circonstances l'autel ordinaire, en bois ou en pierre, par quelque chose de plus portatif. M. And. Schmid rappelle à ce propos (i) saint Lucien prisonnier; consacrant sur sa poi trine (2) : mais c'£st là un fait tout excep tionnel où nous ne pouvons guère chercher les origines de l'antimension! J'en dirai autant de la consécration sur les mains d'un, diacre par Théodoret, désireux de satisfaire la dévotion de Maris (3); ce der nier exemple nous montre même qu'au milieu du ve siècle on ne savait trop com ment suppléer au manque d'autel. Ce n'est que deux cents ans plus tard, et en Occi dent, que nous voyons saint Wulfran, dans ses courses de missionnaire, emporter avec lui un autel consacré, en forme de bouclier, ayant des reliques aux coins et au milieu : nous ignorons malheureusement de quelle matière était fait cet autel (4). Vers la même époque, le Pénitentiel de Théodore de Can- torbéry permet encore à l'évêque de dire la messe en pleine campagne, pourvu que lui-même, un prêtre ou un diacre tienne le calice dans ses mains. Le premier ordo romain, vraisemblable ment de la première moitié du vme siècle, nous apprend qu'aux fêtes de Pâques, de la Pentecôte, de Saint-Pierre et de Noël, les cardinaux-prêtres se réunissaient pour concélébrer avec le Pape; on leur remet- (1) Kirchenlexicon, 2" edit., 1882, s. v. antimension, t. P1', col. 928. Cf. aussi Realencyclopädiejür protest, theol., 1896, t. Ier, p. 585, sub verbo. (2) Philostorge, Hist, ecclés., II, 13, P. G., t. LXV, col. 476. (3) Théodoret, Φιλόθεος ιστορία, XX, P. G., t. LXXXII, col. 1429. (4) Surius, ad 30 mart. Echos d'Orient. ^ année. — 5Y'° 4. tait à chacun trois oblatœ et un corporal qu'ils tenaient en main et sur lequel ils consacraient (1). En Orient, au commencement du ixe siècle, d'après une lettre de Michel H (820-829) à Louis le Débonnaire (2), on célébrait parfois sur des images de saints. Je, n'ai pas à étudier ici comment, au moyen âge, l'Église latine adopta définit ivement l'autel portatif en pierre. Les Syriens, au contraire, se servaient du bois : en cas de nécessité, un feuillet de l'Evan gile leur tenait même lieu d'autel. L'Eglise grecque, bien qu'elle àitégalement employé le bois, fait usage d'une étoffe de soie ou de lin, qui porte le nom ^'άντιμήνιιον. Nil Kérameuslnous parlera encore d'autels en bois: mais S. Théodore le Studite connaît déjà en plus des autels portatifs en étoffe : Θυσιαστήριον κατηγιασίΛενον έν σινδόνι ' η εν σανίσι (3). Π Faut-il écrire άντ^ήνσιον comme je viens, de le faire, à la suite de L. Clugnet (4) et des liturgistes grecs modernes, ou άν-π- [λίνσ-.ον, avec le Kirchenlexicon, Duçange, Goar, etc.? L'orthographe des manuscrits et des imprimés varie entre άντιρ.ήνσιον, άντΐ[Λ('νσιον, άνπμ.ήσσιον et άντιμίσσιον ; elle ne peut donc pas nous fixer. Il faut recourir à l'étymologie. Or, les étymologistes, ici comme si souvent ailleurs, ont apporté une double réponse. Les uns s'en tiennent à l'opinion ..de Jean de Kitros, et voient dans la seconde partie du vocable le grec ρ,ίνσος ■= latin minsus = (1) Mabillon, It. ital., II, 29; P.' t., t. LXXV1I1, col. 958, 959. Cf. YOrdo publié par Duchesne, Origines du culte chrétien, 2° édit., 1898, p. 444; on n'y Parle que de deux pains, et les fêtes sont différentes. (2) Mabillon, Act. S. O. B., V, 15. (3) P. G., t. XCIX, col. 1056. . . . (4) Clugnet, Diet, grec-français des nomsliturg., p. 13. V. Αντιμήνσιον. Avril /poo. 194 ECHOS D ORIENT plat ( ι ). Pour le pseudo-Jean de Kitros, Blas- tarès et ses autres copistes, Γάντ-.^ίνσιον est ainsi appelé parce qu'il tient la place des différents plats qui composent la table du Seigneur! Les autres, et on comprend que je n'éprouve aucune hésitation à me ral lier à eux, reconnaissent dans άντιμήνσιον un composé de mensa = table : Yantimen- sion n'est-il pas, en effet, ce qui tient Heu de l'autel, de la table sainte, comme disent les Grecs qui encore aujourd'hui emploient couramment le nom α'άγία τράπεζα au lieu de θυσιαστή ptov! De grâce, méfions-nous des etymologies symboliques si chères à nos aïeux! Qu'on ne se scandalise pas de l'origine mi-grecque, mi-latine, du mot άντιμήνσιον : ces formations hybrides ne sont pas- rares dans le grec du moyen âge. Sans sortir du domaine liturgique, il me suffira de citer βηλόθυρον = velum -+- θύρα, διβάμδουλον = δίς Η- vampola, έπιμανίκια = έπί -+- manica, etc. Contrairement à la décision du pseudo Jean de Kitros, jusqu'à plus ample infor mation, nous devonsdonc écrire αντΐ|χήνσιον, où Γη remplace correctement Ye long du latin (2). III D'après Ducange (3), outre son sens ordinaire, Y antimension désignerait toute table que l'on recouvre du linge άντιμήνσιον, pour y déposer un objet sacré, sans qu'il soit question d'y célébrer la messe. Les tiois textes qu'il rapporte nous montrent bien, en effet, le mot àvTt^vfftov'pris dans son sens étymologique, mais aucun ne dit que la table que ce mot désigne soit recouverte du linge du même nom. Le tro isième, tiré d'un Euchologe de Grotta-Fer- rata, dit même à propos de l'installation des patrices : « Elle a lieu έν τοις αντι^νσιοις des catéchumènes de la Grande Eglise, ou (1) Ducange, Lexique, col. 935. V. Μίνσος. (2) Ens latin se prononçait es (Cf. l'abréviation cos. = consul), d'où l'orthographe άντιμήσσιον. (3) Op. cit., col. 86. V. Αντιμίνσιον. dans le soléas, où l'on place une table, une nappe (Ινδύτης) et le Saint Sacrement. » Dans les deux autres exemples, άντι^ήνσιον désigne aussi une table, mais on n'y parle aucunement du linge. Ces tables, appelées antimensia, devaient servir à plusieurs usages, par exemple à déposer les objets nécessaires au baptême (on se sert encore aujourd'hui d'une table dans cette ci rconstance), ou même le Saint Sacrement, comme nous venons de le voir, et comme cela devaitavoir lieu à Sainte-Sophie lorsque de nombreuses communions exigeaient un nombre considérable de calices. Nous trouvons, en effet, dans la liste des offices de la Grande Eglise, le titre α'άρχων τών άντιμήνσιων, qui a donné lieu à de nombreuses discussions. Codinus le tra duit : «Introducteur de ceux qui s'avancent pour lacommunion(i). »Je crois qu'il avait raison, et que la charge devait dater du temps, déjà lointain au xve siècle, où άντιρ,ήνσιον désignait de vraies tables sup plémentaires. Je dois dire que, d'après ChrySanthe, Γάρχων τών άντιρ.ηνσ''(ϋν était simplement chargé de faire parvenir les antimensia aux églises nouvelles (2). IV A quelle époque paraît le mot άρ avec sa signification actuelle de linge con sacré pour remplacer l'autel? Il faut des cendre jusqu'à la fin du xne siècle. Nous rencontrons alors un document de premier ordre :les/?<?£owsf?sdejean,évêquede Kitros, (ou -plutôt de Dimitri Chomatianus), aux questions de Constantin Cabasilas, métropolite de Durazzo. On me saura gré de le traduire en entier, car on n'en trouve guère çà et là que des citations tronquées (3). « Question : Les antimensia peuvent- ils servir dans les diocèses autres que celui de l'évêque qui les a consacrés, ou seu- (1) P. G., t. CLVII, col. 28. Cf. ibid., col. 161. (2) Cf. L. Clugnet, Les offices et les dignités ecclésiast. dans la Revue de l'Orient chrétien, 1898. p. 457. (3) Rhalli et Potli, Σύνταγμα τών ιερών κανόνων t. V, p. 413, P. G. t. CXIX, col. 960 seq. L ANTIMENSION 195 lement dans le sien et non pas en dehors? Que signifie ce mot en grec, et comment faut-il l'écrire, par iôta ou par êta? » Réponse : les antimensia, après avoir participé à la force sanctifiante que leur donne l'office de sept jours récité lors de la consécration des églises neuves, et la messe célébrée sur eux tandis qu'ils restent placés sur l'autel, sontlicitement distribués là où il en est besoin. Ils ne sont pas circon scrits à un diocèse : quand ils sortent de ses limites, comme le Chrême divin et autres choses saintes, ils gardent leur emploi inestimable, pourvu qu'ils aient été con sacrés selon la tradition des Pères. » Le mot vient de μίνσος, qui veut dire en grec corbeille et en latin mets préparé par les cuisiniers : les linges étendus sur les tables sont appelés μινσάλια, comme étant placés là pour l'ornement de la table et des mets. » On dit communément αντψίνσκχ, comme άντίπανα pour les vêtements. » On les place sur les autels non consac rés, car c'est des antimensia que l'autel non consacré et l'oblation qui sert à la messe prennent leur bénédiction. L'autel une fois sanctifié sanctifie de lui-même les dons qui ne sont pas saints par eux- mêmes. La parole du uploads/Religion/ antimisul.pdf
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- Publié le Sep 10, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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