1 Les engagements : pauvreté, chasteté et obéissance Saint Loup Martin Hoegger
1 Les engagements : pauvreté, chasteté et obéissance Saint Loup Martin Hoegger – www.hoegger.org Introduction. On m’a demandé d’approfondir ce qu’on appelle les « engagements ». J’ai perçu dans cette demande une grande attente, car depuis longtemps vous éprouvez le besoin de réfléchir à ces trois dimensions essentielles non seulement de la vie consacrée, mais également de la vie chrétienne tout court. C’est ce que je découvre progressivement en étudiant ce thème, à savoir que ces engagements me concernent tout autant, moi qui vis dans un état différent du votre. Il est bon de revenir régulièrement à ces trois sources de la vie communautaire, non seulement chacune de son côté, mais également de manière collective. Cela permet de placer quelques balises sur notre chemin. J’espère que les réflexions d’un « novice » sur ces thèmes vous seront utiles dans le discernement de votre chemin à la fois personnel et communautaire. Avant d’aborder directement ces trois orientations fondamentales, je voudrais faire quelques remarques préliminaires, en commençant par un bref parcours historique et théologique. L’Ancien Testament, Commençons par le premier Testament. Quel est son cœur ? Ce qui vient en premier est l’amour de Dieu, signifié par l’Alliance. L’Alliance inaugurée par Dieu attend toujours une réponse. Les engagements humains sont une réponse à l’engagement premier de Dieu-Amour. Notre oui à l’alliance, avant d’être un engagement est donc une réponse. En effet, Dieu prend l’initiative de se révéler, d’appeler, de libérer, d’aimer, de pardonner, d’habiter au milieu de son peuple…Ce n’est qu’après qu’il l’invite à l’écoute, à garder son alliance : « Maintenant si vous m’écoutez et si vous gardez mon alliance, vous serez mon bien propre parmi tous les peuples – car toute la terre m’appartient. Quant à vous vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte » (Ex. 19,5s). Il invite son peuple à le choisir, comme premier amour de sa vie. « Ecoute Israël…Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ta force… » (Deut. 6,4s). Les engagements, tels que nous les connaissons n’apparaissent ni dans l’AT, ni dans le NT. Cette triade, comme caractéristique de la vie consacrée « semble apparaître encore timidement au milieu du 12e siècle et s’affirme avec souplesse dans les « Regulae » de Saint François d’Assise ».1 1 R.M. Tillard, Conseils évangéliques », Dictionnaire des Instituts de perfection. C. 1653, Rome, 1976. Le premier article de la Première règle des Mineurs de François dit : « La règle et la vie de ces frères est la suivante : vivre dans l’obéissance, en chasteté et sans biens propres, et suivre la doctrine et les traces de Notre Seigneur Jésus-Christ ». En Règle des Moines. Seuil, Paris, 1982, p. 143. François cite Mat. 19, 21 ; 16,24 ; Luc 14,26 et Mat. 19,29. 2 Cependant, même si on ne les trouve pas, l’AT est substantiellement animé par ces trois valeurs. Ainsi le décalogue invite à l’obéissance envers Dieu (3 premiers commandements), au détachement à l’égard de son œuvre, manifesté dans le jour du sabbat et au refus de s’approprier le bien d’autrui (pauvreté) et au refus de maîtriser la vie et le corps d’autrui (chasteté). Installée dans sa terre, Israël découvre trois tentations : celle de la richesse, contraire de la pauvreté ; celle de la prostitution, contraire de la chasteté ; celle des idoles, contraire de l’obéissance. Tout l’effort des prophètes prêche l’adoration du seul Dieu (obéissance), la purification du peuple (chasteté) et l’exercice de la justice et de la solidarité envers le pauvre (pauvreté). Ceux-ci annoncent que ces valeurs seront vécues – grâce au Dieu fidèle à son alliance – par un « petit reste » fidèle. (Cf Sophonie 3,11-13) Le Nouveau Testament Dans le Nouveau Testament, on ne trouve pas non plus une formalisation des trois engagements. L’accent est mis sur l’irruption du Royaume de Dieu et l’invitation à y entrer, à s’ouvrir à cet amour qui fait le premier pas. Jésus appelle donc à la conversion : se détourner du mal et se tourner tout entier vers lui. Il s’agit de répondre à l’Amour en mettant Dieu en premier par la foi et en aimant le prochain – même son ennemi - comme soi-même, par la charité. Les premiers chrétiens ne prennent pas des engagements, ne font pas de vœux. Ce qui leur importe est de se consacrer tout entier à Dieu, à la suite de Jésus, qui s’est entièrement consacré pour eux : « Et moi aussi je me consacre moi-même pour eux, pour qu’eux aussi soient consacrés par la vérité » (Jean 17,19). Jésus a vécu parmi eux comme le Pauvre, qui n’a pas un endroit où reposer la tête, comme le Pur, qui ne donne aucune prise à Satan (Jn 14,30) et comme l’Obéissant, venu faire la volonté du Père.. On voit cela dès le début de son ministère : le récit des trois tentations est le non retentissant à toute compromission et le oui au Père dans ces trois dimensions. La première tentation veut combler le manque, mais Jésus vit dans la pauvreté : « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » ; dans la deuxième, Jésus se situe comme fils dans l’obéissance : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne rendras de culte qu’à lui seul ». Dans la troisième tentation, Jésus ne veut tenter Dieu ; comme nous le verrons plus loin, un des sens de la chasteté est de refuser la confusion; en disant « Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu », Jésus respecte la distance entre Dieu et l'homme. 3 On voit aussi la substance des trois engagements dans la structure tripartite de la prière du notre Père : l’obéissance à la seule volonté du Père, la pauvreté de celui qui n’a comme unique faim que celle du pain quotidien et eucharistique, la chasteté de celui qui donne et reçoit le pardon et résiste au Malin. Jésus a vécu cette prière avant de la donner. Concernant les tentations de Jésus, les premiers chrétiens voient dans ce que vit le Christ l’attitude de tout fils de Dieu, ainsi Justin. (Dialogue avec Triphon 103,6). Origène y voit le combat de tout fidèle, car son enjeu est de « rendre tout homme martyr ou idolâtre ». (Ad martyr, 32). Plus tard, quand le monachisme entrera en scène, les réponses du Christ deviennent le programme du moine : « Notre Seigneur nous a légué ce qu’il avait lui-même, lorsqu’il a été tenté par Satan », dit Evagre, un père du désert. Les trois vœux monastiques reproduiront les trois réponses de Jésus. L'imitation et l'union au Christ. Pour les premiers chrétiens ce qui importait était d’imiter Jésus : ils vivaient dans l’obéissance, car Jésus l’a été durant toute sa vie ; ils étaient pauvres, car Jésus l’a été et a demandé la pauvreté : « Si tu veux être parfait, vas, vend tout ce que tu as et donnes-le aux pauvres » ; ils étaient purs car Jésus l’a été et a dit : « Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu ». L’accent est mis sur l’imitation de Jésus : ce qu’il a vécu, nous sommes appelés à le vivre : « Tel il est, tels nous sommes, nous aussi, dans ce monde » (I Jean 5,14). La conformité avec le Christ est le but de la vie du chrétien. Or quand « il est attaché sans partage au Seigneur » (I Cor. 7,35), le chrétien découvre que cet attachement prend la forme des trois conseils évangéliques. Pour eux l’important n'est donc pas seulement d'imiter Jésus-Christ, mais aussi d'être uni à lui. De l’aimer et de s’aimer réciproquement les uns les autres. Si l’on aime ainsi, Jésus-Christ vient en nous – avec le Père et l’Esprit saint : « Celui qui m’aime, c’est celui qui a mes commandements et qui les garde. Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui…Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure auprès de lui ». (Jean 14,21ss) Et s’il en est ainsi, si le chrétien est uni à Jésus-Christ mort et ressuscité, il est à la fois mort à lui-même, mort à l’idolâtrie, au goût des richesses, à l’impureté. Et il est vivant, car Jésus en lui a dit « Je suis la vie ». En lui sera la vie de Jésus, son obéissance, sa pauvreté, sa chasteté. La Primauté de l’amour La primauté revient donc à l’amour. Si nous aimons le Christ, gardons ses commandements en nous aimant les uns les autres, Jésus vit en nous. Et Jésus mortifie en nous tout ce qui n’est pas de lui et fait vivre en nous tout ce qui lui appartient. 4 Tous les commandements sont renfermés dans cet unique commandement : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, uploads/Religion/ engagements-enseignement-voeux.pdf
Documents similaires










-
34
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Aoû 12, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.3099MB