GNOSE CHRETIENNE et gnose anti-chrétienne La gnose a mauvaise presse dans le ch

GNOSE CHRETIENNE et gnose anti-chrétienne La gnose a mauvaise presse dans le christianisme. D’instinct, on la répute pour le pire ennemi de la vraie religion. Il y a donc quelque paradoxe à parler d’une gnose chrétienne. C’est à quoi nous voudrions apporter une réponse dans les réflexions suivantes. A un moment où le mouvement des idées semble parfois faire retour à un gnosticisme païen et anti-chrétien, il n’est peut-être pas inutile de montrer qu’il existe une gnose chrétienne, plus profonde et plus radicale que celle que l’on tente de ressusciter. I. Position du problème En général les doctrines religieuses et philosophiques peuvent êtres définies historiquement : quels sont les hommes qui les ont professées ? quand ont-ils vécu ? le nom qu’on leur donne leur convient-il ? etc. d’une part ; et d’autre part spéculativement : de quelles doctrines s’agit-il ? quel en est le contenu ? Ces exigences sont malaisées à satisfaire en ce qui concerne ce qu’on est convenu d’appeler : la gnose. L’objet de notre étude est inséparable des diverses perspectives sous lesquelles il fut envisagé. L’histoire de la gnose (et du gnosticisme), c’est l’histoire de son historiographie. Jusqu’à une date récente, en effet, cet ensemble cosmologico-religieux n’était connu que par les réfutations de ses adversaires chrétiens (et néo-platoniciens). Il s’agit principalement des « hérésiologues », c’est-à-dire de ces écrivains chrétiens (Irénée, Justin, Hippolyte, ect.) qui, aux alentours des IIe et IIIe siècles, combattirent le gnosticisme, dans des ouvrages parfois de vastes dimensions qui renfermaient évidemment de longues citations des adversaires à réfuter. Ces citations constituent la majeure partie de notre documentation. C’est elle qui fut étudiée par les historiens, du XVIe au XXe siècle. Mais en 1945 fut découverte en Haute-Egypte, près de Nag-Hammi, une bibliothèque gnostique datant vraisemblablement du IVe siècle ap. J.C. Relativement à la gnose, c’est la découverte la plus importante de l’histoire du christianisme ; cette bibliothèque comprend treize volumes (sous la forme de codices ou cahiers) renfermant des textes et fragments de textes proprement gnostiques ou utilisés par la communauté gnostique. Le déchiffrement ni l’étude en sont terminés. Les problèmes soulevés sont loin d’être résolus, et il ne semble même pas que la connaissance historique du gnosticisme en devenant plus étendue soit devenue plus claire. Quelles sont donc les thèses qu’à suscitées ce mouvement religieux dont l’importance historique et géographique ne saurait être exagérée ? (Nous suivons ici principalement H.C. Puech et Jean doresse.) 1. Les historiens ont d’abord vu dans le gnosticisme une hérésie purement chrétienne. Et, puisque, comme le dit Tertullien, l’hérésie vient après l’orthodoxie, elle ne peut donc être que postérieure à la constitution de la doctrine chrétienne, ou, à tout le moins, quasi contemporaine. Elle daterait donc du Ier et II e siècles. Mais les historiens n’étaient pas d’accord sur le sens de cette hérésie. Pour les uns – principalement pour Harnack – le gnosticisme est une « hellénisation radicale et prématurée » d’une religion d’origine orientale , hellénisation que l’Eglise réussira avec plus de modération et de lenteur, et qui est devenue le christianisme tel que nous le connaissons. Pour les autres - et notamment pour l’Allemand Bousset – le gnosticisme aurait été , au contraire une tentative pour faire régresser vers une source orientale une religion qui, tout normalement revêtait une forme grecque. 2. Un deuxième stade dans l’historiographie du gnosticisme fut atteint lorsqu’à la suite des travaux de Bousset que nous venons de mentionner, il fut de plus en plus évident que ce courant n’était pas directement lié au christianisme, et qu’il existait, antérieurement au christianisme, des groupes religieux (en particulier les mandéens) qui ressortissaient incontestablement au gnosticisme, même s’ils ne faisaient pas usage pour se définir, du terme de gnose. Ces groupes religieux se rencontraient dans de nombreuses aires géographiques. Apocalypse juive du Ier siècle av. J.C. (c’est le thèse du Cardinal Daniélou), Iran, Egypte (en particulier le courant de l’hermétisme). Cette thèse est peu contestable et nous paraît aujourd’hui assez bien établie, au moins dans son cadre général (car, pour notre part, nous faisons toutes réserves sur la signification du phénomène gnostique et sur les diverses interprétations qu’en donnent les historiens). Mais, si elle est vraie, s’il est exact que le gnosticisme n’ait rien de spécifiquement chrétien, alors ce qu’il faut expliquer, c’est pourquoi la thèse précédente a pu paraître si évidente, et comment, de fait, le gnosticisme a pu être si intiment mêlé au christianisme qu’on a pu se demander si certains gnostiques , parmi les plus grands, tel Valentin, n’étaient pas plutôt en vérité, des chrétiens sincères, dont le gnosticisme n’aurait été que de surface ! Ou bien faut-il admettre que la rencontre du gnosticisme et du christianisme n’est due qu’aux hasards de l’histoire ? Prenant contact avec une religion neuve et dynamique, le gnosticisme n’a-t-il pensé qu’à utiliser cette force pour des fins qui étaient les siennes propres ? 3. Nous voudrions poser une troisième thèse : tentative un peu ambitieuse, mais qui ne risque rien n’a rien ! Cette thèse nous paraît répondre aux données de l’histoire telles qu’on vient de les rappeler. La voici : le christianisme est une religion gnostique. Et même c’est la véritable gnose, la gnose dans toute sa pureté. Avant de justifier cette affirmation, signalons tout de suite en quoi elle permet de rendre compte des données historiques. Si le gnosticisme pré-chrétien, en prenant contact avec la Révélation Chrétienne, l’a en quelque sorte « reconnue », s’il a éprouvé l’impression d’y découvrir quelque chose qui n’était pas sans rapport avec sa propre vision du divin et du sacré, on s’explique alors qu’il ait eu le désir de l’utiliser à son profit, afin de bénéficier de son dynamisme. On comprend aussi que tant d’historiens aient pu affirmer avec pertinence que le gnosticisme était une hérésie proprement chrétienne ; et même que les gnostiques, tel Valentin, aient pu paraître finalement plus chrétiens que gnostiques. Sans doute, faut-il pour admettre notre hypothèse, s’élever au-dessus des catégories strictement historiques, et admettre que tout ne s'explique pas en termes d’influences repérables et constatables, en particulier pour ce qui est des faits religieux. Mais c’est là, pour nous, une évidence. Si donc le gnosticisme paraît si spécifiquement chrétien, et si pourtant son origine est incontestablement pré- chrétienne, c’est que le christianisme présente lui-même les caractéristiques d’une véritable gnose authentique, ou plutôt qu’en lui la gnose atteint à sa pureté et à sa vérité, tandis que les gnosticismes immédiatement pré-chrétiens ou para-chrétiens n’en offrent que des aspects déformés et déviés. II. – Gnose et gnosticisme Notre thèse nous impose maintenant une double tâche : montrer en quoi effectivement le christianisme réalise la vérité de la gnose d’une part, et d’autre part identifier l’erreur du gnosticisme et préciser la déviation qu’il fait subir à la gnose véritable. Toutefois et préalablement se pose la question de la justification terminologique des mots gnose et gnosticisme. 1. On pourrait en effet se demander : pourquoi appeler le christianisme gnose, alors que ce terme importe avec lui tant de choses douteuses et tant de théories inacceptables ? Nous répondrons d’abord que nous distinguons entre la gnose, décalque du grec gnôsis, par quoi il faut entendre la connaissance intérieure et salvatrice de Dieu, et le gnosticisme qui désigne une systémisation historiquement déterminée de cette connaissance telle que la gnose s’y trouve réduite à certains de ces éléments constituants. En ce sens, tout gnosticisme est une hérésie, puisque l’hérésie consiste à choisir (haïrésis = choix), au sein de la vérité totale, quelques éléments de cette vérité que l’on érige ensuite en totalité et auxquels on ramène tout le reste (1). Ensuite, nous ferons observer que le terme de gnôsis au sens défini précédemment appartient au christianisme, puisqu’il fut employé en ce sens, pour la première fois, par saint Paul (2). Et c’est également chez saint Paul que se trouve la première dénonciation du gnosticisme, c'est-à-dire de la « pseudo-gnose » ( 1er épître à Timothée, VI, 20). Mais saint Paul, s’il est la plus grande autorité que nous puissions invoquer, n’est pas la seule. Saint Irénée de Lyon, dans l’Adversus Haereses, ne dénonce pas la gnose, mais, ainsi que le déclare le titre original de son ouvrage, titre que nous ont conservé Eusèbe de Césarée, saint Jean de Damas, et d'autres, « la gnose au faux nom » (Elenkos kaï anatropè tès pseudonymou gnôseôs). Clément d’Alexandrie lui aussi, s’il combat le gnosticisme, se propose de nous enseigner « la gnose véritable », celle qui vient du Christ par la tradition apostolique, et que l’étude de l’Ecriture et la vie sacrementelle actualisent en nous. De même, le grand Origène nous parle de cette « gnose de Dieu » que peu d’hommes possèdent et par laquelle Moïse a pénétré dans la Ténèbre divine (3). Ce sont là des raisons historiques suffisantes pour parler d’une gnose chrétienne. 2. Mais après le nom, il faut parler de la chose elle-même. En quoi donc la Révélation chrétienne est-elle une gnose ? Si l’on identifie gnose et gnosticisme, alors notre thèse est insoutenable, uploads/Religion/ gnose-chretienne.pdf

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  • Publié le Jui 24, 2021
  • Catégorie Religion
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