1 Péripéties du Maître Secret, 4° degré du REAA Le grade de Maître Secret, reje
1 Péripéties du Maître Secret, 4° degré du REAA Le grade de Maître Secret, rejeté comme « absolument nul » par la Chambre des Grades du Grand Orient de France, le 18 janvier 1782, et jugé « insignifiant » par le Thuileur de Delaunaye, en 1813, n’en est pas moins devenu la base des grades de perfection du Rite Ecossais, Ancien et Accepté, en Belgique et dans le monde.1 Cette position privilégiée peut étonner. Elle n’est due ni à son antériorité ni à la profondeur de son contenu, mais au choix délibéré de nos prédécesseurs, et parmi eux à l’incontournable Etienne Morin dont le rôle ne peut être minimisé. Hélas pour nous, aucun n’a laissé de documents, de réflexions, a fortiori de doctrine, qui expliquent et justifient leur choix, à l’inverse de ce que firent les fondateurs du Rite Ecossais Rectifié. Cela ne nous empêche pas de suivre son développement grâce à des éléments parcellaires. L’apparition du grade On sait que le Maître Secret n’est pas cité dans les premiers documents attestant l’apparition de grades supérieurs à celui de Maître. Les Règlements Généraux de la Grande Loge de France (11 décembre 1743) parlent de « maîtres écossais » qu’il s’agit d’ailleurs de combattre. « La Franc- Maçonne », publié à Bruxelles en 1744, fait état de sept grades dont le « maître écossais » serait le quatrième, ce que confirme, la même année, le « Parfait Maçon ». Les statuts, adoptés le 24 juin 1745, de la loge de Saint-Jean de Jérusalem, loge du grand maître de la Grande Loge de France, le comte de Clermont, reconnaissent les « maîtres parfaits et irlandais, les maîtres élus, les écossais » et d’autres qui ne sont pas cités. Le Maître Secret apparaît dans des documents à peine postérieurs, les rituels2 de la Parfaite Loge d’Ecosse de Saint-Jean de Jérusalem, fondée à Bordeaux en 17443 par Etienne Morin. Ces rituels sont au nombre de dix4 et le maître secret en est le quatrième. La brève description du grade montre qu’il s’agit bien de l’ébauche du grade qui nous occupe Quatrième Grade… Maître Secret. d’abord, on vous amis au nombre des sept qui remplacent un seul, et, comme Maître secret, on vous a ouvert la première porte du sanctuaire, on vous a décoré d’une Clef d’Ivoire, symbole de votre discrétion, on vous a donné rang parmi les Lévites ; l’on vous a appris le Mot Gizon5, que doivent prononcer tous ceux, qui, comme eux, veulent entrer dans le saint Lieu et on vous a fait espérer les connaissances les plus sublimes.6 Ce même grade était également pratiqué à Paris, dans la loge-fille de Bordeaux, la « Parfaite Loge d’Elus Parfaits dite Ecossaise », créée en 1747. Par contre, une autre loge-fille de Bordeaux, de même nom, établie à Saint-Pierre de la Martinique l’ignorait. Dans une lettre à Bordeaux, datée du 15 juin 1751, ses membres écrivaient Nous n’avons pas le grade de chevalier du Soleil, de m° Secret et de m° Parfait par Curiosité : notre maître Parfait est le maître Irlandais. 1 Roger Bonifassi, Ordo ab chao, 2004. 2 Datés de 1750 3 La date, 1744, est donnée dans la « Circulaire aux deux hémisphères » de Frédéric Dalcho, de décembre 1802. 4 App., comp., maitre, maître secret, maître parfait, secrétaire ou maître par curiosité, prévôt et juge ou maître irlandais, intendant des bâtiments ou maître anglais, maître élu, maître élu parfait ou grand Ecossais 5 le mot Ziza n’apparut qu’à la fin du siècle 6 Collection Sharp, volume II. Editions Latomia 127 2 Dans l’échange célèbre de lettres entre J.B.Willermoz et les frères de Metz, daté de 1761, les Messins reconnaissaient ignorer le grade de maître secret qui était le dixième des vingt-cinq grades connus par la Grande Loge des Maîtres réguliers de Lyon.7 Nos provinces ignorèrent ce grade. La Vraie et Parfaite Harmonie, loge montoise du marquis de Gages, pratiquait vingt-et-un grades avant 1768, vingt-cinq après 17708. Duchaine les énumère, page 139 de son ouvrage « La Franc-maçonnerie belge au XVIII° siècle » 9. Il n’y a pas de maître secret et le premier haut-grade est le maître parfait. Même ignorance dans les divulgations célèbres de l’époque, « Les plus secrets mystères des hauts- grades de la Franc-maçonnerie dévoilés….» de Bérage (1766) et « Le recueil précieux de la maçonnerie adonhiramite » de 1786. Des Elus à foison, des Ecossais plus qu’il n’en faut mais point de maître secret. Grade discret donc, et relativement peu connu en-dehors de Bordeaux, Paris et Lyon, toujours, notons-le, dans le sillage d’Etienne Morin qui semble bien être le Deus ex Machina de l’aventure. Les premiers rituels J’ai déjà cité le plus ancien connu, celui de Bordeaux, dont seule une esquisse fut conservée. La bibliothèque de l’université de Tulane, aux USA, conserve un catéchisme de maître secret (annexe n° 1), appartenant à la collection Bonseigneur, du n om d’une famille française réfugiée à la Nouvelle- Orléans lors de la révolte des esclaves à Saint-Domingue (1791). Ce rituel vient sans doute d’une loge fondée au Cap-Français, en 1753, sur recommandation d’Etienne Morin (une fois de plus), Saint-Jean de Jérusalem Ecossaise10. Un autre rituel, quasiment identique, se trouve dans la collection du T :.Ill :.F :. Claude Gagne. Un troisième enfin est conservé à la Bibliothèque Nationale Australienne. Plus tardif, sans doute de c. 1765, il présente un tableau de loge où figurent la clef, le triangle et le cercle (annexe n° 2). Enfin viennent les rituels contenus dans les ensembles de grades, réunis cette fois en un « rite » erronément nommé de nos jours « de Perfection » Ce sont : - Le manuscrit de Saint-Domingue (1764), acquis autrefois par Jean Baylot, actuellement à la Bibliothèque Nationale de Paris - les manuscrits Francken (1771 et 1783), traduction en anglais des 25 grades du « rite du Royal Secret », dont l’original français fut confié par Morin à Henry Andrew Francken, en 1770. - les « Jamaican rituals » appartenant à la juridiction Sud des USA11. Ils dateraient, d’après Art de Hoyos, bibliothécaire de cette juridiction, des années 1790-180012 Le premier contient une série de rituels en un cahier de cent cinquante-six pages, portant la mention suivante : 7 Lettre du 16 juin 1761, adressée à Willermoz et signée par Meunier de Précourt, Le Boucher de Lenoncourt et Des Graviers (in Steel-Maret, 1893). On peut souligner que la patente accordée à cette Grande Loge (provinciale) de Lyon, accordée par la Grande Loge de France, ou plutôt de Paris, fut signée, entre autres par Etienne Morin. 8 Dont la plupart étaient conférés par communication. 9 1911 10 Roger Bonifassi. Recherches sur l’évolution du rituel de Maître Secret des origines à nos jours. Ordo ab Chao, 2004, n°50. p.27. 11 Dénommés « The morin rituals of the ancient & accepted rite of 25° » 12 Art de Hoyos, The Union of 1867.Heredom, 1995 :4 3 Du grand orient des orients de France, Bordeaux 25-7bre 1767,au nom du gr. arch. de l’univers, de l’orient des orients des chevaliers Elûs coën de l’univers, de la renaissance des vertus 2448, du monde 45, de l’Ere hébraïque 5727, du christ 1767, le dernier et premier jour du dernier et premier quartier de la lune du septième et huitième mois, le premier aout, béni soit celuy qui m’entend, à l’orient de port-au-prince le 9 mai 1768.(annexe n° 3). Dans le corps du document, un des copistes, officier au régiment de Foix en garnison à Saint- Domingue, écrit, après le grade de chevalier de l’aigle et du soleil : Ce grade m’a été donné dans la loge constituée pour le régiment de Foix pendant notre campement à la grande-rivière et à notre loge de l’orient de saint-marc le 29 mars 1764. Ecrit au camp de la grande-rivière au quartier du cap à Saint-Domingue Ce dossier comprend, notamment, vingt-six rituels13 de hauts grades dont un maître secret. Certains auteurs (Mollier, Bacry) sont convaincus que ces rituels furent le modèle dont se servit Francken pour établir sa traduction. D’autres ne partagent pas cet avis (Guilly, Bernheim). Le point clé, en ce qui nous concerne, est double : la référence constante à Etienne Morin lorsque l’on parle du maître secret et l’importance de Bordeaux et Saint-Domingue. Saint-Domingue Colonie française depuis 1697, Saint-Domingue (actuelle Haïti) était au XVIII° siècle la plus riche des possessions françaises. Au XVIII° siècle, sa produc tion de sucre14, d’indigo, de café et de coton la plaçait au premier rang des pays exportateurs et ses échanges avec la France représentaient le tiers du commerce extérieur français, au départ de Bordeaux et Nantes essentiellement. La population totale ne dépassait cependant pas 125.000 âmes, dont 20% de noirs et 60% de mulâtres15. A la moitié du siècle, on y recensait 88% d’esclaves, 4% d’affranchis et 8% de blancs, protégés par des régiments métropolitains dont on ne comprend que trop la nécessité. Rien d’étonnant qu’elle ait attiré commerçants et aventuriers de toute sorte appâtés par la richesse de la colonie malgré les conditions effroyables du climat et la uploads/Religion/ grade-maitre-secret.pdf
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- Publié le Mar 25, 2021
- Catégorie Religion
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