« Qu'il m'advienne selon ta parole » L'Annonciation Novgorod, Russie, XVe siècl

« Qu'il m'advienne selon ta parole » L'Annonciation Novgorod, Russie, XVe siècle par le Père Alphonse Goettmann PARTICIPER DE L’ÉNERGIE CRÉATRICE Sait-on assez que l’homme a " un pouvoir " sur le coeur de Dieu ? Qu’une certain attitude déclenche la puissance divine, lui donne libre cours et qu’alors une nouveauté radicale, tout-à-fait inconnue, peut s’introduire en nous et autour de nous ? C’est une puissance de guérison et de transformation qui nous fait sauter hors de notre vieille vie et de toutes les prisons de l’ego. Cette attitude s’appelle : l’Abandon. Elle est connue pour sa capacité absolument révolutionnaire par toutes les grandes Traditions religieuses de l’humanité, qui en ont fait la base même de leur démarche, un style de vie, et le secret de la vraie mystique, c’est-à-dire de la réalisation plénière de l’homme. On l’appelle de beaucoup de noms : le " non-agir " dans l’antique sagesse du Tao chinois, le détachement " dans le Bouddhisme, " l’égalité d’âme " chez les Hindous, " la sainte indifférence " chez les Soufis ; dans le christianisme on la décline sous les vocables de l’obéissance, la volonté de Dieu, la confiance, le Oui, l’abnégation et l’humilité, l’amour des ennemis jusqu’au martyr, l’Enfance spirituelle... etc. il s’agit tout simplement de l’attitude fondamentale du Christ qui en révèle lui-même la substance quand il dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé (Jn 4, 34), phrase qu’il répète comme une trame tout au long de sa vie terrestre et qui va culminer au sommet de sa possibilité dans l’abandon total sur la croix : Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23, 46). Aussi saint Paul a-t-il pu dire de Jésus : Il n’y a eu que oui en lui (2 Co 1,19). A nous qui ne savons plus ce qu’est vivre, le Christ est venu en faire la démonstration. Il n’y a pas d’autre bonheur sous le ciel, et celui qui entre en son partage, entre aussi dans la vraie parenté du Christ : Celui qui fait la volonté de Dieu, voilà mon frère, ma sœur, ma mère (Mc 3, 35). Le mot " abandon " est ambigu et peut conduire à toutes les passivités ou quiétismes dont l’histoire religieuse est remplie. Mais en réalité, la relation entre l’homme et Dieu est une alliance d’amour, où se recevoir de l’Autre représente la plus haute activité. On n’est plus dans l’ordre d’un " faire " habituel, mais d’une fécondité d’un tout autre niveau. Dans l’abandon total à la volonté divine vient le moment, et c’est une loi très importante de la vie spirituelle, où " l’homme n’est plus guidé par les maîtres et par l’Écriture comme autrefois, mais par le Seigneur lui- même ", dit saint Silouane l’Athonite (+ 1938). Il s’agit donc d’abord d’une profonde écoute intérieure pour percevoir les moindres injonctions de l’Esprit et ne plus rien faire que sous son impulsion. On devine alors à quel point le coeur de l’homme peut devenir un foyer brûlant toujours en action, mais, parce que abandonné à un Autre que soi, il pose constamment des actes marqués du sceau de l’intériorité et de la profondeur. Être centré à la Source dit Maître Eckhart (XIIIe siècle), c’est participer de l’Énergie Créatrice, acte pur " d’éternel engendrement ", qui jaillit de notre propre " Fond ". C’est de ce fond que l’homme se reçoit à chaque instant, c’est donc aussi là qu’il s’abandonne s’il veut vraiment vivre. En cela, il est à l’image du Christ qui est, lui, l’éternel engendré : d’où, durant toute sa vie, une adhésion amoureuse et un abandon total à ce que l’on pourrait appeler le bon plaisir de Dieu, si ce n’était pas là précisément son lien ontologique, l’origine de sa naissance éternelle. Jésus se reçoit sans cesse de son Père : Qui me voit, voit le Père (Jn 14, 9), il est Fils de toute éternité et à chaque moment de sa vie terrestre. Par l’attitude d’abandon, nous partageons donc le secret même du Christ : nous devenons fils avec le Fils, et dans cette filiation le Père nous engendre par grâce comme il engendre le Verbe par nature. Il s’agit d’un enfantement continuel qui sollicite par conséquent une attitude de total réceptivité. C’est pourquoi, ce sont justement les conseils de vigilance qui constituent ce qu’il y a de plus original et décisif dans l’enseignement de Jésus. Ils sont pratiquement absents de la littérature judaïque. La vie entière du disciple est intensifiée par son " veillez " et pour son maintien dans l’état de disponibilité permanente. Celui qui veille est attentif à Dieu, veiller et prier sont donc intimement liés. Aussi, entrer dans cette enfance spirituelle, c’est pousser notre amour d’homme jusqu’à ne plus vouloir être sinon en Dieu. LE DISCIPLE NE S’APPARTIENT PLUS Et c’est Jésus qui conduira son disciple vers cette communion et cette intimité extraordinaire avec le Père, dans laquelle il se trouve lui-même. Enfant par excellence, il appelle Dieu Abba-Père (Mc 14, 36). Jésus n’hésite pas à bouleverser toute une mentalité, jamais on a appelé Dieu " Abba " avant sa venue ! C’est un mot d’usage courant dans la vie familiale : " Abba " et " Imma " (papa, maman) sont les premières paroles de l’enfant qui babille... Jésus pane à Dieu comme un petit enfant à son père avec la même simplicité intime, le même confiant abandon. Ne trouvons-nous pas ici la clé ultime de ce texte si mal compris : En vérité, je vous le dis, si vous ne redevenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux. Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des cieux (Mt 18, 3-4). Il faut devenir comme des petits enfants pour pouvoir dire comme Jésus : Abba (Rm 8, 15 ; Gal 4, 6). Tout est là, car cette appellation apparemment enfantine révèle la relation unique de Jésus au Père et affirme le mystère même de sa mission messianique (Mt 11, 27), à laquelle le disciple est appelé à participer en entrant dans le Royaume. Il " connaîtra " alors le Père comme Jésus le " connaît " et cette " connaissance " l’introduira dans une communauté de vie et d’amour avec le Père, une relation personnelle avec lui, par l’identification la plus complète à Jésus et l’acceptation du propre destin de celui-ci : Qui vous accueille m’accueille et qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé (Lc 10, 40). Qui vous écoute m’écoute, qui vous rejette me rejette, et qui me rejette rejette celui qui m’a envoyé (Lc 10, 16). Devenir " enfant " sera donc reconnaître pleinement sa condition filiale ; à l’image de Jésus, accueillir le Père. C’est ressembler en tout à celui qui est, à un titre absolument unique, le Fils ; nul n’a vécu dans une dépendance aussi amoureuse et totale à l’égard du Père, nul ne fut aussi pauvre et enfant. Toute sa vie est suspendue au Père. Devant Dieu, il a toujours pris tout naturellement et visiblement l’attitude de celui qui reçoit tout, même d’être celui qu’il est, l’attitude de celui qui s’appuie entièrement sur un Autre. La vie de Jésus se présente comme l’illustration la plus suggestive de ses exigences pour le disciple qui veut partager sa destinée. Comme Jésus, il devra s’abandonner sans limites entre les mains du Père. Sans souci du vêtement et de la nourriture (Mt 6, 25), être le journalier de Dieu comme les oiseaux du ciel et les lis des champs (Mt 6, 26 ss) et cela dans une confiance qui défie les situations les plus tragiques, serait-ce au milieu de la persécution (Mt 10,28-31 ; Lc 12, 4-7) mais aussi dans l’humble vie quotidienne, où l’on ne peut servir qu’un maître (Mt 6, 24 ; Lc 16, 13). Celui qui est entré dans cette communauté de vie et d’amour avec Jésus vis-à-vis du Père ne s’appartient plus (Lc 9,62). Son coeur ne saurait être partagé (Mt 19, 21 ss ; 6, 21). Le pusillanime qui hésite et croit pouvoir servir Dieu et Mammon à la fois, n’a pas compris l’appel de Dieu et cause la rupture de la communauté. Jésus veut mobiliser toutes les énergies de son disciple ; il n’y a que deux possibilités : vivre ou mourir. Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène a la perdition, et il en est beaucoup qui s’y engagent ; mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène a la vie, et il en est peu qui le trouvent (Mt 7, 13-14). Il s’agit donc de tout miser sur une carte, de l’avoir, lui, pour unique préoccupation (Mt 22, 37), de faire tout pour lui, de n’agir que pour lui plaire et de le prendre pour l’unique témoin de ce que l’on fait (Mt 6, 1). UNE COMMUNAUTÉ DE DESTIN AVEC LE MESSIE Tous les Évangiles témoignent de cette uploads/Religion/ l-x27-abandon-chemin-de-vie.pdf

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  • Publié le Apv 24, 2021
  • Catégorie Religion
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