Préface de Dom Prosper Guéranger pour la réédition du livre du R. P. François P

Préface de Dom Prosper Guéranger pour la réédition du livre du R. P. François Poiré s. j. La triple couronne de la Mère de Dieu On s’étonnera peut-être de voir réimprimer un ouvrage publié en 1643, dans le format in-folio, et dans un style déjà fort suranné. L’oubli dans lequel est tombé ce livre rendra plus inexplicable encore l’empressement que nous mettons à le reproduire. Nous avons compté sur ce premier accueil du public lorsque nous avons formé le projet de donner une nouvelle édition de la Triple Couronne de la Mère de Dieu, et cependant, loin d’y puiser un motif de découragement, nous nous sommes sentis plus résolus encore de donner nos soins à cette nouvelle édition de l’admirable livre du P. Poiré. Il nous a semblé, en effet, qu’une publication qui peut contribuer à fonder sur des bases plus solides la dévotion envers la très sainte Vierge ne saurait venir plus à propos, dans un temps où le culte de Marie si négligé en France, pendant de longues années, se ranime avec une ferveur inespérée, et fait présager de nouvelles faveurs et une nouvelle protection pour notre patrie, de la part de Celle à qui les changements politiques n’enlèveront pas plus le titre de Reine des Français, que les efforts de l’hérésie n’ont pu lui ravir celui de Reine du ciel et de la terre. Un heureux entraînement pousse de plus en plus les âmes vers la Mère des miséricordes. Combien de cœurs qui ne connaissaient pas Dieu, il y a quelques années, et vivent aujourd’hui de la vie de la grâce, parce que Marie a daigné abaisser sur eux les regards de sa tendresse maternelle ! Les fêtes de la Mère de Dieu sont maintenant célébrées par les fidèles avec un enthousiasme et une confiance qui rappellent les âges de foi ; le Mois de Marie, solennisé d’abord, et comme avec mystère, dans quelques oratoires isolés, voit chaque année nos plus solennels sanctuaires s’ouvrir successivement à ses pompes, et il a désormais pris place dans nos mœurs catholiques. Au sein de la capitale, des prodiges de grâce émanent sans cesse du très saint Cœur de Marie, qui a choisi pour le centre de ses influences l’Église de Notre-Dame des Victoires, ce trophée de notre antique foi sur l’hérésie. De toutes parts, les fidèles se pressent autour des chaires sacrées, du haut desquelles on proclame les louanges de Marie, et ses titres à la confiance de l’univers. Chaque année, chaque jour pour ainsi dire, voit paraître de nouveaux écrits dont le but est d’exalter la Mère de Dieu, et d’épancher les sentiments d’amour et de reconnaissance qui sont dans les cœurs. Les pratiques de la piété envers Marie qu’on aurait crues affaiblis, sont redevenues plus chères que jamais aux enfants de l’Église. Le saint Scapulaire est porté avec ferveur ; la dévotion du Rosaire s’est ravivée sous une forme nouvelle et plus touchante encore ; les pèlerinages aux sanctuaires de Marie sont aujourd’hui plus fréquentés que jamais, et la médaille de la Mère de grâce repose sur la poitrine de ceux qui croient, souvent même de ceux qui ne croient pas encore. Mais ce qui témoigne plus haut encore de cet heureux entraînement des peuples fidèles vers Marie, c’est l’ardent enthousiasme avec lequel ils la saluent dans le mystère de sa Conception Immaculée. La foi, libre encore 1, prévient de toutes parts la décision solennelle de l’Église, il est permis d’espérer que le siècle ne s’achèvera pas avant que la voix apostolique n’ait proclamé 1 Dom Guéranger écrit avant la définition solennelle du dogme de l’Immaculée Conception (1854). Depuis cette définition, celui qui nierait ou douterait que la sainte Vierge ait été exempte de toute souillure du péché originel perdrait par le fait même la foi catholique. La triple couronne de la Mère de Dieu, page 2 comme un dogme l’incommunicable prérogative de la Mère de Dieu, sainte et immaculée dans son origine, comme elle est pleine de toutes grâces dans son progrès et dans sa consommation. Que manque-t-il donc au triomphe de Marie, environnée de tant d’hommages toujours croissants ? une seule chose, c’est que le sentiment qui porte vers elle toutes les classes des fidèles, et devient chaque jour plus dominante et plus irrésistible, soit éclairée par l’étude plus approfondie des grandeurs et des amabilités de cette auguste Reine. En un mot, le dogme de Marie, Mère de Dieu, Reine du ciel et de la terre, source de miséricorde et colonne de l’Église, a besoin d’être mieux étudié et mieux compris. Le lait des enfants doit faire place au pain des forts, et il est temps de montrer que notre amour envers notre commune Mère, s’il a sa source dans la reconnaissance que nous font concevoir ses bienfaits, s’appuie en même temps sur toute l’économie de notre sainte religion, c’est-à-dire sur le plus imposant et le plus vaste ensemble de vérités qu’il ait été donné à l’homme de connaître. Aimer Marie, c’est le devoir de toute créature de Dieu ; connaître Marie, c’est avoir l’assurance de l’aimer toujours ; mais c’est en même temps pénétrer les divins secrets du mystère de l’Incarnation, dans lequel Dieu nous a donné le moyen de remonter à lui par la charité. Le dogme du Dieu-Homme est la clé de toutes les vérités, dont la foi et la pratique nous conduisent à notre fin ; le dogme de la Mère de Dieu nous apporte de nouvelles lumières pour mieux comprendre le don merveilleux que le Verbe divin a daigné nous faire de lui-même. Il ne suffit donc pas pour honorer Marie de chanter ses louanges, et de se laisser aller aux charmes de son amour. Dans les choses de la religion, le sentiment procède de la foi, et la foi a besoin de s’agrandir et de se développer toujours dans la contemplation des vérités qu’elle nous révèle. Dieu a fait luire sa lumière sur nous, afin qu’elle soit de notre part l’objet d’une recherche continuelle qu’il récompense toujours par de nouvelles illustrations. Étudions les saintes Écritures, méditons les augustes témoignages qu’elles rendent de Dieu et de sa vérité ; pénétrons dans l’enseignement de l’Église, commentaire vivant de ce livre divin ; dans les prières de son culte, dans les écrits de ses saints Docteurs, dans les actes et les monuments de sa foi, à travers les siècles, et bientôt le dogme qui nous ravissait déjà pour le simple rayon que nous avions entrevu, deviendra à notre œil ébloui un soleil éclatant et immense qui répandra sa lumière sur notre intelligence tout entière, et fournira à notre cœur un aliment de vie indispensable. C’est parce qu’on a négligé cette étude vivifiante que la compréhension des vérités de la foi a perdu quelque chose parmi nous. Les lieux communs ont trop souvent remplacé la doctrine solide, et on a trop laissé faire le sentiment qui, laissé à lui-même, finit par s’épuiser, ou devient stérile. On ne s’en aperçoit que trop déjà dans un certain nombre de livres sur la dévotion à Marie, dans certains discours prononcés à son honneur. À la surface, il semble que ces œuvres sont pleines de vie, l’expression étonne parfois par son hardiesse et son à-propos ; mais le temps approche où le formulaire de convention s’appauvrira de plus en plus ; on cherchera encore à être neuf, et on ne le pourra plus qu’en devenant étrange. Alors, on sera forcé de comprendre qu’on faisait fausse route. Il est donc temps d’étudier à fond le dogme chrétien dans ses rapports avec l’auguste Mère de Dieu. Tout nous en fait un devoir, et la sincérité des hommages que nous lui rendons, et le désir que tous les enfants de l’Église doivent ressentir de transmettre à l’amour qu’ils éprouvent pour celle que toutes les générations doivent appeler Bienheureuse. Un livre exact et profond dans sa doctrine, vaste et pour ainsi dire universel dans son plan et dans ses détails ; un livre tout imprégné de la piété antique, en même temps qu’il présente le plus magnifique ensemble des vérités théologiques appliquées à son divin objet ; un livre dont le style a vieilli sans doute, mais qui est demeuré tout rayonnant de la haute poésie ; un livre écrit avant les influences jansénistes sur la France, et se révélant de nouveau lorsque tous les cœurs et toutes les La triple couronne de la Mère de Dieu, page 3 intelligences catholiques ne demandent qu’à connaître de plus en plus Marie, afin de l’aimer davantage, et de se vouer plus étroitement à son service ; la réimpression d’un tel livre nous a semblé venir en son temps. Certes, il ne manque pas d’ouvrages pieux et savants sur la Mère de Dieu, et si l’on voulait reproduire maintenant tous les livres qui seraient dignes de figurer dans le plan d’une Bibliothèque Mariale, le chiffre pourrait aisément s’élever à plusieurs milliers de volumes. Mais il fallait choisir un ouvrage qui recueillît, autant que possible, les rayons épars dans ces innombrables compositions, dont la série commence uploads/Religion/ la-triple-couronne-de-la-mc3a8re-de-dieu-prc3a9face-dom-gueranger.pdf

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  • Publié le Mar 17, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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