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La Bibliotheque sur Internet de DOMUNI 28/06/05 8:22 - 1 (5) - http://biblio.domuni.org/index.php?f=articlesreligions/renegirard/index.htm DOMUNI | Bibliothèque | Science des religions Hommage à René Girard A l'occasion de son élection à l'Académie Française Par Michel Van Aerde 2. Le sacrifice au coeur de la culture Les trois textes qui suivent proposent une synthèse des intuitions de René Girard sur la question des Religions. 1. La violence et le sacré 2. Le sacrifice au coeur de la culture 3. Les textes judéo-chrétiens Ils sont issus du sentier Inithéo "Le Fait religieux". Pour plus d'information sur ce Sentier, cliquer ici. Le Sacrifice, au cœur de la culture A. Source des rites et des interdits La crise mimétique, quand elle s'est généralisée, qu'elle a `mûri' et a conduit finalement à l'exclusion d'une victime émissaire a été terriblement profonde, elle a traumatisé le groupe, elle a mis en danger son existence même. Elle a fait peut- être beaucoup de morts et laissé d'innombrables blessures et destructions. Le groupe, de toutes ses forces, veut échapper à cette épreuve qu'il vient de vivre, il fera donc tout ce qui est en son pouvoir pour éviter qu'elle se reproduise dans l'avenir. Au moment du dénouement de la crise, l'exclusion du bouc émissaire amène un apaisement, mais la solution n'est pas suffisante, elle n'est pas définitive. L'expulsion de la victime émissaire ne produit pas une réconciliation durable. Les mécanismes qui ont présidé au surgissement de la violence sont toujours présents. Dans cette optique deux institutions primitives très importantes deviennent intelligibles. Le premier impératif étant de ne pas refaire le geste qui a déclenché la crise, des interdits vont apparaître, des « tabous », des « prohibitions ». On voit ici que des interdits qui pouvaient paraître insensés, ont une raison profonde qui portent d'abord sur l'origine de la violence. Les interdits vont porter sur le mimétisme, c'est clair. Comme les interdits ne suffisent pas pour que surgisse, d'une manière ou d'une autre le spectre de la violence généralisée, on va continuer à canaliser celle-ci vers l'extérieur de la communauté, par le phénomène des rites. La Bibliotheque sur Internet de DOMUNI 28/06/05 8:22 - 2 (5) - http://biblio.domuni.org/index.php?f=articlesreligions/renegirard/index.htm 1. Les interdits Tout d'abord, on n'aura pas le droit d'imiter les autres, parfois même on n'aura pas le droit de prononcer leur nom, car le nom est considéré comme le double mimétique de l'individu etc. etc. Pour donner un exemple d'interdit qui paraît absurde : dans beaucoup de communautés primitives on tue les jumeaux. Lorsque les jumeaux naissent, on en tue un, ou les deux : on s'en débarrasse ... Pourquoi ? Parce que les jumeaux sont perçus comme trop semblables, dans une société où il faut des différences. Une trop grande similitude, comme entre des jumeaux, rappelle la crise mimétique : les jumeaux sont effrayants parce qu'ils sont liés à la violence. La communauté a donc l'impression que, si elle gardait les jumeaux, ils les conduiraient à la violence. Ceci se retrouve dans le mythe d'Oedipe avec Étéocle et Polynice, avec Ésaü et Jacob, avec Romulus et Remus (qui ont été effectivement abandonnés par leurs parents), avec Caïn et Abel etc. A nos yeux, il est évident que ces gens qui tuent leurs jumeaux sont dans l'erreur, mais s'ils le font, ce n'est pas pour des raisons qui leur paraissent mineures : ils le font parce qu'ils perçoivent ces enfants comme trop dangereux pour l'harmonie et la paix de leur communauté. C'est pour cette raison aussi qu'on ne les tue pas par la violence. Les tuer avec violence, les supprimer activement, serait commettre le geste interdit : le geste que l'on craint de la part des jumeaux. Alors on les « expose », c'est-à-dire qu'on les laisse mourir sans les toucher, pour être contaminé par le monde de la violence auquel on les identifie. Par la suite, on purifie leurs parents etc. 2. Les rites L'analyse des rites est encore plus facile que celle des mythes. Le rite commence par figurer la crise mimétique. C'est étonnant ! La communauté a terriblement peur d'y retomber, et voici qu'elle s'y jette volontairement ! Mais justement : elle s'y jette particulièrement lorsqu'elle a le plus peur d'y retomber, lorsqu'elle est menacée par la violence, par une épidémie, ou par une catastrophe naturelle : elle se jette dans la crise mimétique. On essaie d'expliquer en disant que les hommes sont fatigués, qu'ils veulent se relaxer, transgresser etc.. Ils agissent en fait pour des raisons beaucoup plus profondes, ils chercher à obtenir le soulagement qui s'est produit après la crise mimétique. Le groupe cherche à déclencher le mécanisme qui a jadis réconcilié la communauté. Ce mécanisme est représenté, joué. La mise à mort de la victime originaire est reproduite mais c'est une autre victime qui la remplace et cette victime peut n'être que figurée, très discrètement comme c'est le cas dans la fête de Carnaval. On y retrouve en effet tous les éléments de la crise mimétique : l'indifférenciation par les masques, le défoulement par la fête, la transgression des normes conventionnelles... tout ceci reproduit ce qui s'est passé lors de la crise mimétique originaire. A la fin, on brûle « Carnaval ». La `victime' a été sacrifiée, tout rentre dans l'ordre. Les interdits qui avaient été levés sont réaffirmés. La Bibliotheque sur Internet de DOMUNI 28/06/05 8:22 - 3 (5) - http://biblio.domuni.org/index.php?f=articlesreligions/renegirard/index.htm B. Les victimes 1. Le mécanisme victimaire est toujours inconscient Toutes les institutions religieuses primitives sont fondées sur le mécanisme du bouc émissaire mais pour qu'il fonctionne, il est absolument nécessaire qu'il reste méconnu. Il ne peut pas être efficace et produire son effet de réconciliation de la communauté s'il est conscient comme mécanisme d'exclusion. Autrement dit, nous ne pouvons connaître que les boucs émissaires des autres ! Si nous avons nous-mêmes des boucs émissaires, nous ne les percevons pas comme tels. Nous les considérons comme de vrais adversaires, menaçants et dangereux, des adversaires peut-être pas coupables au point d'avoir commis le parricide et l'inceste comme Oedipe, mais coupables cependant. Ils communiquent la peste à la communauté. Tous les peuples, lorsqu'ils éprouvent de graves difficultés, agissent de la même manière : ils cherchent des coupables, les trouvent, cachés en leur sein même (des proches, des frères), et ils les éliminent. Ils les tuent. Cependant ils ne savent pas qu'ils tuent à mauvais escient. C'est en vertu de cette ignorance que le mécanisme acquiert une efficacité réconciliatrice : la victime est considérée comme vraiment coupable de sorte qu'en l'expulsant, on a le sentiment que l'on expulse le mal lui- même. Le grand problème de la mythologie est celui qu'expose Aristote : c'est la faute tragique, l'« amartia ». Les héros mythiques sont tous coupables de quelque chose. D'une façon ou d'une autre, ils ont tous donné la peste à la communauté. Ils ont transgressé des lois qu'ils auraient dû respecter. 2. La victime est transfigurée Les victimes sont d'abord considérées comme coupables, menaçantes pour le groupe humain. Mais comme leur mort réconcilie la communauté, les victimes changent de statut par rapport au groupe. Elles ont en effet un rôle positif. Les victimes apparaissent alors non plus comme menaçantes mais comme salvatrices. Elles qui avaient transgressé les interdits, les enseignent au contraire à la communauté. Les victimes commencent d'abord par menacer la communauté : elles commettent une faute grave, ce qui paraît rendre les hommes malades etc. En expiation de leur crime, il leur faut subir un châtiment, tuer le dragon ou mourir d'une mort... et ainsi elles « sauvent » la communauté. La communauté inverse donc ses rapports avec la victime. Elle se voit elle-même comme passive et elle voit la victime comme super active (alors que dans la réalité c'est le contraire). C'est cette inversion qui empêchait de voir directement que, dans les mythes, il s'agit de victimes sacrifiées, tout comme dans les textes de persécution. C. Quelques exemples d'institutions culturelles Le mécanisme du sacrifice permet de réguler la violence qui accompagne La Bibliotheque sur Internet de DOMUNI 28/06/05 8:22 - 4 (5) - http://biblio.domuni.org/index.php?f=articlesreligions/renegirard/index.htm l'imitation et, ce faisant, il est à l'origine de toutes les institutions primitives de l'humanité. A partir du moment où le mimétisme est trop fort et qu'il ne peut plus être contenu comme dans les sociétés animales, les conflits deviennent inexpiables et ils conduisent au mécanisme du sacrifice qui permet d'expulser la violence comme vers l'extérieur du groupe. Au cours de son fonctionnement se mettent en place toutes les institutions humaines. Cette affirmation paraît peut-être fantastique mais on peut montrer ainsi que beaucoup de phénomènes, très différents entre eux, dérivent les uns des autres. 1. La fête, transgression des interdits Par exemple : dans ce qu'on appelle la « fête », la transgression des interdits avec une espèce de joie qui finit dans un sacrifice (nous l'avons vu : on brûle Carnaval). Dans d'autres rites, la transgression a au contraire un caractère sérieux, mais cela finit encore par un sacrifice. Dans d'autres rites, les rites d'initiation par exemple, la transgression a le caractère d'une épreuve : épreuve uploads/Religion/ le-sacrifice-au-coeur-de-la-culture.pdf

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  • Publié le Oct 11, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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