Shaykh’ Abd Al-Khâliq Al-Shabrâwî Les degrés de l’Âme Les stations spirituelles
Shaykh’ Abd Al-Khâliq Al-Shabrâwî Les degrés de l’Âme Les stations spirituelles sur la voie soufie Éditions Dervy Caligraphie de Haydar Jafar ISBN : 978-2-84454-389-9 Table des matières Préface La nécessite d'une guérison La démarche thérapeutique Qu'est-ce que la santé ? Revenir à soi, revenir à dieu Autres typologies de démarche spirituelle en Islam Introduction du traducteur de l’édition anglaise Prologue de l’auteur Introduction L'irascibilité (ghadab) La jalousie (hasad) La rancune (hiqd) L'avarice (bukhl) L'arrogance (kibr) La suffisance (ujb) L'illusion (ghurur) L'ostentation (riya') L'amour du prestige et du pouvoir (hubb al-jah wa’l-riyasa) Le fait de trop parler (kathrat al-kalam) La plaisanterie (mizah) Soigner sa propre apparence (al-tazayyun li l-khalq) La vantardise (tafakhur) Le rire (dahik) Les envies irrésistibles et la cupidité Le mauvais caractère (su’al-khuluq) CHAPITRE I CHAPITRE II CHAPITRE III CHAPITRE IV CHAPITRE V CHAPITRE VI CHAPITRE VII Postface Préface De quelques aspects de la guérison spirituelle Au cœur de l'islam se trouve le soufisme – on devrait plutôt dire les soufismes tant les pratiques varient à travers le monde islamique. Ses maîtres anciens ont répété à l'envi que l'homme doit se changer, se purifier, se transformer pour tenter de lever le voile qui lui cache son Créateur, présent au fond de lui mais inaccessible parce que l'homme est lui- même son propre voile. Faire disparaître le voile, c'est donc disparaître soi-même, pour que se réalise la parole de Dieu dans un hadîth qudsî : « Je suis selon ce que Mon serviteur pense que Je suis »1. Probablement par prudence, les maîtres soufis préviennent qu'il y a une exigence préalable à toute démarche de type soufi : il faut d'abord être un « bon » musulman. Pourtant le nom même de l'islam se rapporte à l'attitude intérieure qui définit le fait d'être musulman, et les significations multiples 1 Un hadîth est un récit, en général bref, rapportant une parole ou une manière de faire ou de se comporter du prophète Muhammad, que les bénédictions et la paix de Dieu soient sur lui. Dans un hadîth qudsî, le Prophète transmet une parole prononcée par Dieu et dont il a reçu l'ins- piration, mais qui ne fait partie de la révélation coranique. de la racine arabe s-l-m du mot islam définissent cette atti- tude : – perfection, intégrité, droiture ; – sécurité, paix, salutation ; – paix, pacifisme ; – pureté, absence de défaut, protection ; – acceptation, reconnaissance ; – soumission, capitulation, reddition. On peut facilement comprendre que le musulman qui a ré- ussi à installer en lui toutes ces qualités n'a plus besoin de soufisme, puisque ces qualités sont précisément celles que le soufisme cherche à développer chez le voyageur spirituel ! Alors ne faut-il pas inverser la proposition et dire que c'est au cœur du soufisme qu'on trouve l'islam, que le soufisme est en fait la voie qui peut mener à l'accomplissement en soi des attitudes qui définissent le musulman, et que c'est en par- courant la difficile voie des soufis que l'on a une chance de devenir intérieurement, authentiquement, un musulman? La nécessite d'une guérison L'islam a donc pour finalité de transformer l'homme. De quel type de transformation s'agit-il ? À cette question existent deux grandes catégories de réponses : – les réponses par l'éthique2 qui mettent en avant l'ar- 2 Voir par exemple l'œuvre de Ismâ’îl al-Fârûqî (1921-1986) ou celle de senal des valeurs morales, des comportements souhai- tables, de la loi et du légalisme, des châtiments, etc., propres à pousser l'homme à accomplir sa vocation éthique. De l'avis de beaucoup de voyageurs sur la voie, cette « voie éthique » accorde une place trop impor- tante aux pratiques formelles, et aboutit souvent à l'ap- parition d'un quasi-« clergé » (ulémas, mollahs, ayatol- lahs, etc.)3 : Abderrahman Soroush4 (un des leaders de la pensée iranienne contemporaine, né en 1945) dit au cours d'un entretien avec Mahmoud Sadri : « C'est pourquoi (...) j'ai affirmé que le clergé ne se définit pas par l'érudition ou la vertu, mais par la dépendance par rapport à la religion pour les moyens d'existence. » – les réponses par la psychologie5 qui partent d'un constat : l'homme est spirituellement malade. Il doit d'abord prendre conscience de ses maladies pour, en- suite, s'engager dans un véritable processus curatif pour essayer de guérir de ses maladies, maladies que le FâzlurRahman (1919-1988). 3 La voie soufie n'est pas à l'abri, dans quelques tariqa-s, de telles dévia- tions. D'où un mouvement spontané qui se dessine, selon certains, privi- légiant la constitution de groupes « soufis » autonomes. 4 Voir Les Nouveaux Penseurs de l'Islam, de Rachid Benzine, Albin Mi- chel. 5 En utilisant le mot « psychologie », dans un sens très large et imprécis, j'entends exprimer l'intériorité de la démarche, son lien avec des proces- sus de construction psychique, voire de guérison psychique. Je ne fais référence à aucune école de pensée particulière, même si les approches de Jung ou de Winnicott (avec le concept d'espace transitionnel) sont, selon certains, pertinentes pour « analyser » des démarches de nature spirituelle. shaykh Shabrâwî appelle les « traits de caractère néga- tifs »6. Guérir de ses maladies de l'âme suppose bien entendu une démarche de type thérapeutique : diagnostic, prescription, suivi du malade, adaptation des soins à l'évolution de la ma- ladie, etc. Le Coran utilise quatorze fois le mot mard (mala- die), six fois le mot shifâ' (guérison). Par exemple : Il y a dans leur cœur une maladie (2 : 10). Et quand je suis malade, c'est Lui qui me guérit (26 : 80). Le Coran parle des hypocrites (munâfîqûn), ceux qui ont la maladie au cœur (33 : 60), in- diquant par là sans ambiguïté le lieu où se situe la maladie. Quant aux symptômes, ils traduisent l'éloignement par rap- port à la fitra, la disposition naturelle, l'état de pureté origi- nelle à la naissance. Cet état initial correspond à ce que l'ana- lyse transactionnelle – qui n'est pas, contrairement à ce que beaucoup pensent, une approche behavioriste – appelle par- fois l’OKness initiale. La démarche thérapeutique Recouvrer la santé, c'est donc se débarrasser de l'accumula- tion des (mauvaises) habitudes acquises au long des années pour retrouver l'état inné de bonne santé initiale. Ainsi donc, 6 On peut remarquer que le propos des méthodes psychanalytiques (psy- chanalyse de Freud ou cure de psychologie analytique de Jung) n'est pas explicitement de guérir le patient, mais de l'aider à prendre conscience de la vérité sur son état. Les méthodes psychothérapeutiques, elles, se fixent comme objectif la guérison. C'est donc autant vers les premières que vers les secondes qu'il faut se tourner pour chercher des comparai- sons avec les méthodes soufies, qui traitent les deux aspects. redresse ta face vers la religion, en croyant originel, en sui- vant la prime nature selon laquelle Dieu a instauré les hu- mains (30 : 30). C'est se libérer des attachements, c'est se transformer intérieurement par un long processus. Telle est la finalité d'une démarche sur la voie soufie, comme elle est la finalité d'une démarche dans la voie bouddhique. C'est aussi celle, au moins par certains aspects, d'une démarche thérapeutique moderne. L'analogie n'est pas très facile à établir, en particulier parce que les termes utilisés dans l'une et l'autre approche ne sont pas toujours parfaitement définis, ou définis de façon unique. Ainsi parle-t-on beaucoup, dans les textes soufis, de la libération nécessaire des griffes de l'ego (nafs). C'est la voie de la guérison, c'est-à-dire la voie du paradis que Jésus avait déjà montrée en disant : « Celui qui est miséricordieux en ce monde est celui à qui sera manifestée de la miséricorde dans l'autre monde »7. Rarement défini, l'ego est plutôt appréhendé à travers des images, comme celle du cheval : la relation que chacun en- tretient avec son propre ego est comme celle du cavalier avec son cheval. Qui est aux commandes ? Le cheval sauvage qui fait de son cavalier ce qu'il veut, ou bien le cavalier qui a ré- ussi à dompter sa monture ? Winnicott exprime la même idée : « Le cavalier doit conduire sa monture, non être em- porté par elle »8. 7 Tarif Khalidi, Un Musulman nommé Jésus, Albin Michel, Paris, 2003, p. 154. 8 Donald Winnicott, « La localisation de l'expérience culturelle », dans Ce qui est commun aux approches soufies comme aux ap- proches thérapeutiques modernes c'est, comme on l'a dit, qu'il s'agit de soigner quelqu'un qui est malade, de le guérir si possible. L'homme d'aujourd'hui est lui-même coupé de sa réalité profonde. « Personne, en contemplant la surface mouvante de la mer, ne pourrait deviner les fosses inson- dables qui s'étendent en dessous. Beaucoup aujourd'hui fuient leur intériorité et pensent que seule la surface des choses existe vraiment, dans son animation incessante et rassurante »9. Qu'est-ce que la santé ? Avicenne (980-1037) a montré, à la suite des médecins grecs, d'abord que santé « psychologique » et santé physique sont liées, et ensuite que la santé se définit par un équilibre. Être malade, c'est donc vivre une rupture uploads/Religion/ les-degres-de-lame-les-stations-spirituelles-sur-la-voie-soufie-abd-al-haliq-al-sabrawi.pdf
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- Publié le Aoû 26, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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