THÉOLOQIE. — Discours sur Dieu. Il sera question ici de la théologie chrétienne

THÉOLOQIE. — Discours sur Dieu. Il sera question ici de la théologie chrétienne, catholique. On peut la définir provisoirement : une discipline où, à partir de la Révélation et sou» sa lumière, les vérités de la religion chrétienne se trouvent interprétées, éla- borées et ordonnées en un corps de connaissances. Après une section consacrée au nom, cet article com- portera un exposé historique, col. 346, et une étude spéculative, col. 447. 1. INTRODUCTION ! LE MOT. — Comme beau- coup de mots de la langue ecclésiastique, le mot théologie est passé tel quel, par simple transposition, du grec et du latin dans les langues modernes. Avant T H É O L O G I E 342 de s'y fixer dans son sens actuel, le mot OeoXoYÎ0'!tout comme les mois 6ciA6yoç et OeoAoyeïv, a connu des usages assez divers, qu'il n'est pas commode dé rame- ner à quelques lignes simples. On se rétérera nu Thé- saurus de Suicer et aux excellentes études de Petau, Dogmata theologica, 1.1, Proleg., c. i; de Mattès, art. Théologie, dans le Dicl. encyclopéd. de la théol. Mlh. de Wetzer et "Welte, trad. Goschler, t. xxni, p. 310 sq.; de F. Kattenbusch, art. Théologie, dans la Bealency- klop&die de Hauck, t. xxi, p. 901 sq. ; de J. Stigimayr, Mannigfache Bedeutung won » Théologie » und • Theo- logm v, dans Théologie und Glaube, t. xi, 1919, p. 296- 309; df P. Batiffol, Theologia, Iheologi, dans Ephem. theol. lovan., t. v, 1928, p. 205-220; de F. Katten- busch. Die Bnfstetivng einer christlichen Théologie. Zur Geschichie der A usdriicke OcoXoyIa, OeoA.oyeÏM, OscAôyoç, dans Zeiisch. f . Theol. u. Kirche, nouv. série, t. xi, 1930, p. 161-205. I. DANS LE PAGANISME. — Le mot 6eoî.oy[a n'a que rarement, dans l'antiquité païenne, le sens qu'il prendra dans le christianisme de doctrine sur Dieu. Les païens n'envisagent la divinité que du point de vue d'une explication des choses de ce monde; ils appel- lent théologiens les poètes du passé qui, comme Orphée, Homère et Hésiode, ont composé des théogonies, ou encore les prosateurs qui ont formulé des spéculations sur l'origine du monde. Aristote oppose à ces « théolo- giens », qui donnaient du monde une explication my- thologique, les « philosophes » comme Thaïes ou Anaxi- mandre et les « physiologues », qui cherchaient l'expli- cation des choses dans les choses elles-mêmes et dans les éléments physiques. Platon, qui emploie lui-même une fois le mot OsoXoyia pour désigner la mythologie en sa valeur éducative profonde, Rép., 379 a, sera classé par les néoplatoniciens, el même par certains Pères de l'Église, parmi les « théologiens ». Stigimayr, art. cité, p. 296-297; Kattenbusch, art. cite, p. 163. Aristote, en un passage fameux. Met., VI, i, 1025 a, 19, distingue trois parties dans la philosophie < théo- rique » : la mathématique, la physique et la théologie; celle-ci, qui est évidemment la plus digne des trois, est identique à la « philosophie première », c'est-à-dire. à la métaphysique. De fait, Aristote nous a livré, dans le livre XII de la Métaphysique, une doctrine philo- sophique sur Dieu qui a une réelle valeur de science. Un énoncé semblable concernant les trois sciences théoriques se trouve à Met., XI, vin, 1064 b, 2; le pas- sage esl peut-être inauthentique. Il est certain que, dans le reste de son œuvre, Aristole emploie 8Eoï.oyla et les mots apparentés pour désigner la mythologie, et non plus la métaphysique. Kattenbusch, art. cité, p.167. L'emploi du mot au sens de doctrine concernant Dieu est donc, sinon douteux, du moins, exceptionnel avant les stoïciens. Zenon divisait la philosophie en logique, éthique et physique, el Cléanthe, son suc- cesseur, subdivisant chacune de ces espèces en deux, distinguait dans la dernière la physique et la théolo- gie. Vers la fin du n" siècle avant Jésus-Christ, Pané- tius de Rhodes distinguera trois sortes de théologie ; du moins semble-t-il être l'auteur de cette distinclion qu'on retrouvera chez son disciple indirect, Varron, dans un texte auquel tait allusion Tertullien, Adii. na(., il, 1 et 2, et que nous a conservé saint Augustin : Tria gênera theologise dicit esse, id est rationis quce de diis explicatur, eorumque wum mylhicon appellari, alterum physicum, lertium civile..., .De civ. .De;', 1. VI, c. v, F. L., t. xu, col. 180; cf. 1. IV, c. xxvit, et 1. VI, c. xn. Ainsi les stoïciens ont-ils connu un emploi du mot theologia comme désignant, d'après l'équivalent que donne saint Augustin, la ratio quse de diis explica- tw, l'explication qu'on donne des dieux, laquelle peut être prise de trois points de vue : du point de vue 343 THÉOLOGIE. LE MOT 344 poétique, qui correspond à la mythologie, du point de vue rituel, c'est-à-dire quant au culte essentiellement politique des cités païennes, enfin du point de vue des théories que les philosophes ont élaborées, qui revien- nent à donner une valeur et une formulation ration- nelles à la religion poético-mythologique et au culte public des cités et que Varron appelle theologia nafu- ratis, parce que cette théologie consiste à faire des dieux des personnifications des forces de la nature. On saisit là ce qui caractérise toute « théologie » païenne, où la divinité est toujours considérée comme une transposition ou une explication des choses de ce monde et non dans son mystère personnel ou sa na- ture intime : on n'obtient ainsi, remarque saint Augus- tin, qu'une pht/siotogia, et non une theotogia. De cio. Dei. 1. VI, c. vin, col. 186; comparer Contra Faus- tum, 1. XII, c. XL, t. xui, col. 275. Parmi d'autres acceptions plus particulières des mots OsoXAyoç. Qsoî-ofla., OeoXoYeÏv, celle qui se rap- porte au culte public devait, sous l'Empire, connaître un emploi considérable et qui se rapproche de certains emplois chrétiens.Ces mots se réfèrent alors au culte impérial et signifient : attribuer la qualité de dieu (à César), reconnaître pour dieu, louer et honorer comme dieu. Stigimayr, art. cité, p. 299; Kattenbusch, art. cité, p. 201. II, DANS LE CHRISTIANISME. — Les chrétiens ont une révélation portant sur le mystère de Dieu : celle du Père, du Fils et du Saint-Esprit; aussi eussent-Ils été portés, normalement, à entendre par théologie le tait de parler de Dieu en lui-même, s'ils n'avaient été plus ou moins longtemps gênés par les emplois païens du mot. Ceci est très sensible chez un Clément d'Alexandrie ou un saint Augustin, où le mot est tout proche de prendre son sens ecclésiastique définitif, mais se trouve encore déterminé par les emplois païens d'hier. Il est notable d'ailleurs que les Pères grecs se sont dégagés plus vite que les latins de cette espèce de prescription païenne. 1° Les Pères grecs. — Clément d'Alexandrie parle des « vieux théologiens « ; ce sont Orphée, Linus, Musée, Homère, Hésiode et autres ' sages ». Ils ont pris leur sagesse aux prophètes, en l'enveloppant d'allé- gorie, et ont ainsi appris auprès de ces prophètes 'ri;v OecAoyIav, Strom., v, 4, éd. Stâhlin, p. 340. Ici, eeoXoyia est pris absolument, pour signifier la connais- sance des choses divines. Clément croit que les philo- sophes ont voulu réaliser une science de Dieu qui serait « la vraie théologie ». Strom., v, 9, p. 364. « La philoso- phie, soit barbare, soit hellénique, a fait de la vérité éternelle une parcelle, non de la mythologie de Diony- sos, mais de la théologie du Verbe éternellement exis- tant. » Sirom., i, 13, p. 36. « On voit comment, pour Clément, de l'acception païenne du mot théologie se dégage une acceplion abstralLo qui pourrait s'appli- quer à la connaissance chrétienne de Dieu. Mais l'ac- ception païenne est encore la seule reçue, et c'est ain»i que le théologien par excellence est pour les pythago- riciens Orphée, Strom., v, 8, p. 360. i P. Batiflol, art. cité, p. 213. Origène, lui, parle bien des «vieux théologiens des Grecs », comme aussi de * la théologie des Perses », etc.; les théologiens sont pour lui le» auteurs païens qui ont traité de religion et dont la doc- trine s'appelle théologie. Mais, si Origène n'emploie pas eeoÂôyoç dans un sens chrétien, 11 commence à puri- fier l'acception des mots esoXoyIa, OeoXdyeîv, et il en connaît un emploi chrétien : dans le Contra Ce/suffi, VI, 18, éd. Koetschau, p. 89, et le Comm. in. Joan., n, 34, éd. Preuschen, p. 92, la théologie est une doc- trine véritable sur Dieu; puis, plus spécialement, une doctrine sur le Christ Sauveur, où celui-ci est vraiment considéré comme Dieu. Comm. in Juan., i, 24, p. 30. Quant au verbe ÔeoÀOYsîM, il est très fermement em- ployé, en parlant de Dieu ou du Christ, pour signifier : reconnaître, proclamer et confesser comme Dieu, un peu dans lé sens où les païens parlaient de la divinisa- tion de César. Batiffol, art. cité, p. 313-217. Chez Eu- sèbe de Césarée, la décantation des mots et leur accep- tion chrétienne sont chose acquise : il appelle saint Jean « le théologue > parce que son évangile est émi- nemment une doctrine sur Dieu, De ecclesiastica theo- logla, uploads/Religion/ congar-yves-theologie-dthc-xv.pdf

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  • Publié le Aoû 27, 2022
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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