LES ILLUMINES D’AVIGNON DOM PERNETY ET SON GROUPE JOANNY BRICAUD 2 LES ILLUMI
LES ILLUMINES D’AVIGNON DOM PERNETY ET SON GROUPE JOANNY BRICAUD 2 LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD 3 AVANT-PROPOS Jamais l’illuminisme en France n’a brillé d’un plus vif éclat qu’au 18e siècle, au temps de la philosophie raisonneuse et des aurores d’émancipation sociale. Chose étrange ! L’ère des encyclopédistes et des philosophes allait être aussi l’ère des prophètes et des thaumaturges. En face de Voltaire, de Diderot, de d’Alembert, incrédules et sceptiques, allaient se dresser Swedenborg, Martinez Pascalis, Saint-Martin, Mesmer et Cagliostro, fondateurs de groupes mystiques adonnés à toutes les pratiques de la théurgie, de ta magie et de l’illuminisme. De tous ces groupes, un des moins connus, bien qu’il soit mentionné dans tous les dictionnaires et dans toutes les encyclopédies, est sans contredit celui des Illuminés d’Avignon, dont le fondateur est le bénédictin Antoine Joseph Pernety. Les écrivains qui se sont occupés de ce groupement ne lui ont consacré que quelques pages qu’ils ont copiées les uns sur les autres, sans souci de vérification. Le travail que nous offrons aujourd’hui au lecteur est basé sur des documents manuscrits de première main, émanant soit de Pernety lui-même, soit d’affiliés influents. Il présente, sous son véritable jour, ce groupe si peu connu des illuminés d’Avignon. 4 LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD 5 CHAPITRE PREMIER : PERNETY BÉNÉDICTIN Antoine-Joseph Pernety naquit le 18 février 1716, à Roanne en Forez, d’une famille nombreuse et peu aisée, de petite bourgeoisie. De sa jeunesse, nous ne savons rien ou presque rien. Ses premières études furent dirigées par son cousin, l’abbé Jacques Pernetti, de Lyon1. Cet abbé, qui avait obtenu un canonicat de second ordre à la primatiale de Lyon, cultivait les lettres avec ardeur, s’appliquant particulièrement à l’étude de l’histoire naturelle et des beaux-arts. Une de ses œuvres, les Lettres philosophiques sur les Physionomies2, fixa sur lui l’attention des érudits et lui valut même d’être chargé de l’éducation de M. de Boulongne, qui fut plus tard conseiller et intendant des finances. Une deuxième édition de cet ouvrage fut même traduite en allemand. Antoine-Joseph, dont l’intelligence était vive et l’application pleine de promesses, fut initié de bonne heure aux mathématiques, aux sciences naturelles, aux beaux-arts, par son cousin, qui guida insensiblement sa vocation vers la vie religieuse. C’est ainsi qu’il fut amené, jeune encore, à endosser la robe, le capuce et le scapulaire de Saint-Benoît. Il prononça ses vœux comme bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, le 29 juin 1732, dans l’abbaye de Saint-Allire de Clermont3. Les abbayes bénédictines étaient, on le sait, de véritables académies d’érudition, d’art et de théologie, des collèges d’hommes distingués, dans toutes les branches du savoir humain. Dom Pernety révéla dès l’abord un tempérament exceptionnel, toujours au travail, inlassable à la peine, jamais rassasié de recherches, apte à toutes les tâches, curieux de tous les domaines. En 1747, il fit paraître, en collaboration avec dom Jean-François de Brézillac, une traduction française en trois volumes du Cours de mathématiques, publié en allemand par Chrétien Wolff, professeur à l’Université de Hall. Mais les traducteurs ne se contentèrent pas d’une simple traduction, ils y ajoutèrent des traités entiers, avec quantité d’observations et d’annotations, qui renouvelèrent presque entièrement cet ouvrage. 1 Né le 28 octobre 1696, non à Chazelles-sur-Lyon, comme le disent les biographes, mais à Lyon même, paroisse Saint-Paul. C’est à tort que les dictionnaires font de l’abbé Jacques Pernetti l’oncle d’Antoine-Joseph. Ce dernier, dans une lettre dont nous aurons l’occasion de parler, l’indique comme étant son cousin. L’abbé Jacques Pernetti parvint à un âge avancé et mourut à Lyon, le 6 février 1777. On remarquera qu’il écrivait son nom Pernetti, mais il est inscrit le 30 octobre 1696, sur les registres de la paroisse Saint-Paul, à Lyon, sous le nom de Pernety. Antoine-Joseph et tous les autres membres de la famille ont d’ailleurs signé Pernety. 2 1 vol. in-8 o. Chez J. Neaulme, à La Haie, 1748. 3 Histoire littéraire de la congrégation de Saint-Maur, par Tanin, p. 690-691. 6 LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD En même temps, dom Pernety collaborait au huitième volume de la Gallia christiana et publiait un commentaire de la règle de Saint-Benoît sous le nom de Manuel bénédictin4. Peu après, ses supérieurs l’ayant détaché à l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés pour collaborer à un livre d’ascétisme entrepris par quelques religieux, il en profita pour herboriser dans les environs de Paris et apprit le dessin afin de copier les plantes qu’il rencontrait. Cela ne suffisant pas encore à son activité, il composa vers le même temps un Dictionnaire portatif de peinture, de sculpture et de gravure, qui parut en 17575. C’était une véritable dispersion en attendant d’avoir trouvé sa voie. L’hermétisme et l’alchimie étaient alors en vogue. En 1742, l’abbé Lenglet-Dufresnoy avait fait paraître une Histoire de la Philosophie hermétique6, ouvrage donnant un aperçu complet de l’histoire de l’alchimie depuis les temps les plus reculés jusqu’au 18e siècle. Il l’avait complété par la traduction du Véritable Phitalèthe (Entrée au Palais fermé du Roi), traité pratique de l’art sacré, par des commentaires de Ripley et un ample catalogue des auteurs notables qui se sont occupés du Grand Œuvre et des recherches hermétiques. Dom Pernety, ayant trouvé cet ouvrage dans la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le lut avec avidité et, comme beaucoup de ses contemporains, fut séduit par cette étude; mais il y apporta une érudition et une ardeur tout à fait extraordinaires. Tous les ouvrages alchimiques qu’il put rencontrer y passèrent et son avidité n’était pas encore assouvie, lorsque tout à coup une sorte d’illumination vint éclairer son esprit : la mythologie antique n’était qu’une allégorie de l’art hermétique ! Quarante ans auparavant, l’abbé Antoine Banier, académicien, avait déjà publié une Explication historique des Fables7, dont l’édition définitive, parue de 1738 à 1740, en trois volumes, devint la Mythologie et les Fables expliquées par l’Histoire8, ouvrage dans lequel il avait tenté de donner, des fables antiques prises dans leur ensemble, une explication historique. L’orientaliste Fourmont l’aîné avait, vers la même époque, fait paraître les Réflexions sur l’origine, l’histoire et la succession des anciens peuples chaldéens, hébreux, phéniciens, égyptiens, grecs, etc., jusqu’au temps de Cyrus 9 , pour prouver que les mythes pouvaient se réduire en un enchaînement d’allégories historiques. L’évhémérisme plus ou moins allégorique de Banier et de Fourmont ne pouvait satisfaire un esprit comme celui de Pernety, porté aux idées générales et grand ami de tout ce 4 1 vol. in-8°. Paris, 1754. 5 1 vol. in-8°. Paris, 1757. Traduit en allemand. 6 Histoire de la philosophie hermétique accompagnée d’un catalogue raisonné des écrivains de cette science ; avec le Véritable Phitalèthe, revu sur les originaux, 3 vol. in-12. Paris, Coustelier, 1742. 7 Explication historique des fables, où l’on découvre leur origine et leur conformité avec l’histoire ancienne, 2 vol. in-12. Paris, Le Breton, 1711. 8 3 vol. in-4°. Paris, Briasson, de 1738 à 1740. 9 2 vol. in-4°. Paris, de Bure, 1747. LES ILLUMINES D’AVIGNON – J. BRICAUD 7 qui revêtait un aspect insolite ou merveilleux; aussi bien allait-il donner à la mythologie une interprétation des plus inattendues. En deux gros volumes parus en 1758 et qu’il intitula les Fables égyptiennes et grecques dévoilées et réduites au même principe, avec une explication des hiéroglyphes et de la guerre de Troie10, il donnait aux curieux un traité de mythologie fondé entièrement sur l’allégorisme hermétique. Il expliquait d’abord, dans un discours préliminaire, que tous les anciens sages, les Mages de la Perse et les Gymnosophistes de l’Inde, les Chaldéens d’Assyrie, Orphée, Pythagore et bien d’autres philosophes de la Grèce avaient une très grande connaissance des plus rares secrets de la nature, mais que cette connaissance demeura toujours renfermée dans un cercle très étroit de personnes, et qu’on n’en communiqua que quelques fragments au reste du monde, en raison des inconvénients qui auraient résulté pour la société de sa divulgation. Mais comment se communiquer d’âge en âge ces secrets admirables et les tenir cachés en même temps au public ? La transmission purement orale était un moyen bien incertain, «la mémoire des hommes étant un membre trop fragile pour qu’on puisse s’y fier». Les traditions de cette espèce s’obscurcissent à mesure qu’on s’éloigne de leur source, au point qu’il devient impossible de débrouiller le chaos ténébreux où l’objet et la matière de ces traditions se trouvent ensevelis. Confier ces secrets à l’écriture en langue vulgaire, c’était s’exposer à les voir rendus publics par la négligence de ceux qui auraient pu les perdre, ou par l’indiscrétion de ceux qui auraient pu les voler. Bien plus, il fallait ôter jusqu’au moindre soupçon, sinon de l’existence, au moins de la connaissance de ces secrets. Il n’y avait donc d’autres ressources que celle des hiéroglyphes, des symboles, des allégories, des fables, qui, étant susceptibles de plusieurs explications différentes, pouvaient servir à instruire les uns pendant que les autres demeureraient dans l’ignorance. C’est, dit Pernety, le parti que prirent tous les philosophes hermétiques du monde : « Ils amusaient le peuple par uploads/Religion/ les-illumines-avignon-par-bricaud.pdf
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- Publié le Sep 28, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
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