Semer en tout de l'oraison. _______ I. - Pratique des oraisons jaculatoires. II
Semer en tout de l'oraison. _______ I. - Pratique des oraisons jaculatoires. II. - Avantage de cette pratique. Faire soigneusement son oraison ; faire de toute sa vie une oraison, telles sont, disons-nous, les conditions requises pour l'union profonde, véritable, avec Dieu. Il faut y ajouter : le soin de semer au long de ses journées le plus possible d'aspirations vers Dieu. C'est l'habitude des oraisons jaculatoires. Montrons comment on doit la comprendre en pratique, et quels en sont les avantages. I L'habitude des oraisons jaculatoires. Il est clair que la plupart des âmes avides de piété vraie ne demanderaient pas mieux que de penser souvent à Dieu, mais comment procéder pour y parvenir ? D'abord, en s'entraînant à y penser de temps à autre. Commencer par le plus facile ; ainsi un acte d'offrande, chaque fois que l'on varie notablement d'occupation. "Si l'on ne peut, observe sainte Thérèse, pratiquer bien des fois par jour l'exercice de la présence de Dieu, du moins qu'on le fasse de temps en temps... Le souvenir de cette compagnie que nous avons en nous, ne dura-t-il qu'un instant, il serait déjà pour nous d'un immense profit"(1). Fénelon entre dans plus de détails : "Profitez du temps de la journée où vous n'avez qu'une demi- occupation des choses extérieures, pour vous occuper de Dieu intérieurement ; par exemple, travaillez à votre ouvrage dans une présence simple et familière de Dieu. Il n'y a que dans les "conversations" que cette présence est moins facile : on peut néanmoins se rappeler souvent une vue générale de Dieu, qui règle toutes les paroles et qui réprime, en parlant aux créatures, les délicatesses de l'amour-propre. "Ayons soin de ne pas prendre trop de part à tout ce qui se dit et fait, et de ne pas trop nous en remplir. Dès que nous avons vu ce que Dieu demande de nous dans chaque chose qui se présente, bornons-nous là, et séparons-nous de tout le reste. Par là, nous conserverons toujours le fond de notre âme libre et égal... "Un excellent moyen de se conserver dans la solitude intérieure et dans la liberté de l'esprit, c'est, à la fin de chaque action, de terminer là toutes les réflexions, en laissant tomber les retours, tantôt de vaine joie, tantôt de tristesse, parce qu'ils sont un de nos plus grands maux. Heureux à qui il ne demeure rien dans l'esprit que le nécessaire ; et qui ne pense à chaque chose que quand il est temps d'y penser !" Après d'autres conseils, tous excellents, il conclut : "Séparons-nous de tout plaisir qui ne vient point de Dieu. Retranchons les pensées et les rêveries inutiles. Ne disons point de paroles vaines." Un détail encore qui vaut son prix : "Un peu de présence de Dieu pendant le repas(2), surtout quand ils sont longs et qu'on y est souvent 1 Sainte Thérèse : Chemin de la Perfection. Chap. XXIX, p. 213. 2 Sainte Margueritte-Marie ne disait-elle pas que, très souvent, les repas étaient pour elle le moment de la journée où elle se sentait le plus unie à Dieu. de loisir, servira beaucoup à vous retenir dans les bornes de la sobriété, et à vous fortifier contre votre excessive délicatesse. Il y a encore certains moments de la table où la première faim fait qu'on parle peu ; alors on peut, en mangeant, penser à Dieu ; mais tout cela ne doit se faire qu'à mesure que la pensée et le goût en viennent sans se gêner"(3). Ces derniers mots de Fénelon, "à mesure..." "sans gêner...", sont tout à fait à retenir. La grande règle qui commande la vie spirituelle dans son ensemble est d'éviter soigneusement tout ce qui peut entraver "la sainte liberté des enfants de Dieu", c'est-à-dire ce qui replie, comprime, enlève la dilatation, l'élan, ce qui provoque la contention de l'esprit aux dépens de la paix, de la sérénité. Certaines âmes ont pu lire dans telle vie de Père du Désert(4), voire même de tels saints personnages de notre époque, qu'ils s'essayaient à des retours vers Dieu atteignant des chiffres déroutants. Ne nous apprend-on pas que saint Léonard de Port-Maurice, par exemple, avait pris cette résolution : " Je répèterai l'invocation : Mon Jésus, miséricorde, mille fois le jour, ou mentalement ou vocalement"(5) ; que saint Louis de Gonzague ne cessait au témoignage d'une révélation de sainte Madeleine de Pazzi(6), de lancer vers le ciel, suivant l'archaïque expression, les flèches de continuels actes d'amour ; que saint François Xavier redisait tellement souvent : O sanctissima Trinitas ! O Très Sainte 3 Fénelon [Archevèque de Cambrai] : Instructions et Avis, No VII, Œuv., éd. Vivès, 1854, T. I, p. 530 et suivantes. 4 Il est relaté dans le célèbre ouvrage Vitae Patrum qu'un saint solitaire avait élevé son cœur à Dieu cent trois fois durant une conversation. (Migne : P. L. T. 73, c, 943) - Notons que les cénobites et les premiers moines avaient peu, semble-t-il, l'habitude de la longue oraison. Dans une lettre à Proba, saint Augustin écrit : "On dit que nos frères en Egypte, prient fréquemment, mais que leurs prières sont très coutes et comme des traits décochés vers le ciel", et le motif est intéressant à noter, - "de peur que l'attention, si nécessaire à celui qui prie, ne finisse par s'émousser et par s'éteindre dans des prières plus longues" (Migne : P. L. T. 33, col. 501). - Cette seule remarque, très psychologique, ne suffit-elle pas à justifier la nécessité des méthodes, pour qui veut, au moins dans les débuts, s'exercer avec fruit à la prière tant soit peu prolongée. 5 Livre de ses résolutions, chap. 6. Nombre d'autres traits intéressants sont relevés par M. l'abbé Chatel dans sa brochure : L'exercice angélique des oraisons jaculatoires. 6 Elle-même avait adopté la pratique d'offrir à Dieu cinquante fois par jour le précieux sang de Jésus-Christ pour les pécheurs et les âmes du purgatoire. Trinité ! que les idolâtres avaient pris l'habitude de répéter, sans la comprendre, cette exclamation(7) ; que durant la dernière guerre, un aumônier irlandais, le P. William Doyle, écrivait dans son journal, six mois avant sa mort survenue près d'Yprès, le 16 août 1917 : "Claire lumière que Dieu me demande de tendre à 100,000 aspirations quotidiennes. Je sens que Jésus demande cela en réparation pour ses prêtres"(8). Faudra-t-il, pour parvenir à l'union divine, rivaliser avec ces exceptionnels privilégiés, aspirer à semblables tours de force, tout au moins s'efforcer à cette mathématique écrasante ? Non pas. S'il convient, en principe, de rendre aussi nombreuses et aussi peu espacées que possible nos oraisons jaculatoires, encore est-il que le rythme de leur fréquence doit obéir aux deux règles suivantes que les grands auteurs spirituels, - Alvarez de Paz notamment, si précieux entre beaucoup, parce qu'il cherche toujours à établir le dosage exact entre l'effort de générosité et le repos de l'âme(9) - rappellent à l'envie : éviter la fatigue qui amènerait vite le dégoût(10) ; suivre l'attrait de la grâce, le Saint-Esprit ne demande pas à tous la même mesure. Quoiqu'il en soit, ne nous étonnons jamais, et surtout ne nous décourageons jamais, si, malgré nos résolutions sagement prises, - nous raisonnons que dans cette hypothèse, - nous ne parvenons pas, surtout au début, au chiffre fixé, ou bien si nous constatons être parvenus aujourd'hui à un chiffre moins élevé que la veille. Nous sommes par 7 Vie, par le P. Bouhours, L. VI. 8 Revue d'Ascétique et de Mystique, avril 1921, p. 128 à 136. Il est évident que ces aspirations, vu leur nombre prodigieux, ne pouvaient pas être toujours formulées, mais devaient souvent consister soit dans une simple élévation de l'esprit, soit dans un battement d'amour, soit dans un éclair de l'âme. - Un très intéressant article, publié depuis en brochure, a paru sur ce Jésuite irlandais, dans le Messager du Cœur de Jésus, fév. 1925. 9 De inquisitione pacis. L. IV, p. 111, c. 10. 10 Notons soigneusement qu'un certain dégoût, provenant non de l'excès des efforts, mais de la simple lâcheté, ne peut légitimement suffire à nous faire abandonner nos pratiques, du moment qu'à l'estimation de notre esprit de foi, contrôlé si besoin par l'assentiment du directeur, nous avons cru devant Dieu, en toute sagesse, devoir et pouvoir nous y arrêter. Les récollections du mois et surtout les retraite de l'année, ont en partie pour but d'assurer, dans notre vie spirituelle, les mises au point nécessaires. définition des êtres inconstants, et la terre est le pays où l'on marche beaucoup moins de victoire en victoire que de revanche en revanche. Le P. de Caussade note fort exactement : "Il ne faut jamais être surpris qu'un jour de grand recueillement soit suivi d'un autre plein de dissipation ; telle est notre condition dans la vie présente. Cette variation est nécessaire, même dans les choses spirituelles, afin de nous tenir dans l'humiliation et dans la dépendance de Dieu. Les saints eux- mêmes ont passé par ces alternatives"(11). Tout cela est bel et bon, diront uploads/Religion/ plus-raoul-oraisons-jaculatoires 1 .pdf
Documents similaires










-
35
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mai 06, 2021
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 0.1960MB