RECHERCHES AUGUSTINIENNES VOLUME XII ÉTUDES AUGUSTINIENNES 8, rue François-Ier

RECHERCHES AUGUSTINIENNES VOLUME XII ÉTUDES AUGUSTINIENNES 8, rue François-Ier 75008 Paris 1977 I.S.B.N. 2-85121-022-X L'interprétation augustinienne . , du magnum sacramentum de Ephés. 5, 32 La Bible œcumemque donne la traduction suivante des versets de l'Épître aux Éphésiens 5, 31-32 : << C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, il s'attachera à sa femme et tous deux ne seront qu'une seule chair (Genèse 2, 24). Ce mystère est grand : je déclare qu'il concerne le Christ et l'Église ». Cette traduction est accompagnée d'une note qui se termine en ces termes : «L'apôtre, qui a reçu révélation du mystère, en découvre ici un nouvel aspect : l'union conjugale du Christ et de l'Église. Le mariage a pour vocation de la refléter ; il ne relève donc pas simplement des exhortations morales, mais il se situe au cœur du mystère et trouve une signification proprement chrétienne >>. Cette interprétation devenue classique est rappelée dans un article de Louis- Marie Chauvet1 : «Ainsi, la Bible s'ouvre et se clôt dans la joie des noces: joie de l'Homme et de la Femme au jardin d'Eden; joie du Nouvel Adam (Rom. 5) et de la Nouvelle Ève (cf. Ap. 12) à la consommation des temps. La première est la figure de la seconde. C'est dans cette tradition que S. Paul s'inscrit. Citant, à propos du mariage, Gn. 2, 24 (« ... et tous deux ne seront qu'une seule chair»), il ajoute : «Ce mystère est grand : je déclare qu'il concerne le Christ et l'Église>> (Éph. 5, 32). Raccourci saisissant de toute la tradition biblique sur l'union conjugale ! Le « myste- rion » en question, c'est-à-dire, selon le sens du terme dans l'apocalyp- tique juive dont hérite saint Paul, la révélation du dessein caché de Dieu, trouve dans le mariage sa .figure symbolique. C'est d'ailleurs pourquoi celui-ci doit se modeler sur 1' amour du Christ et de l'Église : « Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église et s'est livré pour elle>> (Éph. 5, 25). L'union conjugale d'un chrétien et d'une chrétienne «membres du corps du Christ>> (5, 30), tirés de sa chair et de ses os, comme r. Louis-Marie CHAUVET, Le mariage, un sacrement pas comme les autres, dans La Maison-Dieu, n° 127, 3e trimestre 1976, p. 64-105. 4 ANNE-MARIE LA BONNARDIÈRE l'ajoute une variante ancienne, ou, selon la tradition johannique, créés avec l'Église à partir du côté transpercé (cf. Io. 19, 34), a pour vocation d'être le reflet de l'amour du Christ qui se livre pour son Église. Le mariage chrétien se situe au cœur du Mystère du Christ )). Telle est l'interprétation reçue aujourd'hui de Éphés. 5, 31-32. Toutefois le consensus des théologiens ne nous semble pas unanime, si nous en jugeons par les lignes suivantes extraites d'un article de Joseph Moingt2 : «Il ne suffit pas de dire, comme on le fait trop souvent, qu'il (le mariage) est saint parce qu'il est signe d'une chose sacrée, comme si toute union d'un homme et d'une femme était par elle-même signe de l'union sponsale du Christ et de l'Église. Ce n'est pas parce que l'Ancien Testament exprime volontiers l'alliance de Dieu et de son peuple dans un langage sponsal que le mariage se trouve érigé par la révélation en signe de cette alliance ; en fait, la situation humaine qui lui sert de référence est le plus souvent l'amour trahi, l'épouse infidèle, le mariage brisé. Saint Paul non plus ne dit pas expressément que le mariage est le signe de l'union du Christ et de l'Église ; mais il fait de celle-ci, à l'inverse, le symbole sur lequel celui-là doit se modeler. Le mariage est saint par lui-même, et béni de Dieu, dès lors que les époux s'attachent à réaliser l'unité qui leur a été donnée pour loi aux: origines : cc et les deux seront un seul être )). Mais cette annonce prophétique, ce mysterion a pris cc dans le cas du Chrfr.t et de l'Église J) un sens particulier et plénier, qui ne pouvait se réaliser de cette façon que dans ce cas précis et qui ne pouvait être connu que par révélation : la fusion du Christ et de l'Église en une seule personnalité et un seul corps (l'Église unie au Christ devient ce qu'Ève était pour Adam, lorsqu'elle était formée en lui et de lui) qui devient un foyer d'amour universel... )), La lecture de ces témoignages peu concordants nous a incitée à publier, sans plus attendre3, les résultats d'une recherche relative à l'interprétation qu?a donnée saint Augustin des versets 31-32 du chapitre cinquième de l'Épître aux Éphésiens. Les commentaires augustiniens de Éphes. 5, 31-32 dépassent à peine la quarantaine. Ils se répartissent tout au long de la carrière d'Augustin depuis son retour à Thagaste en 389 jusqu'à sa dernière œuvre contre Julien d'Éclane, en 428. D'entrée de jeu et en attendant les analyses plus détaillées qui vont suivre, on peut répartir en trois groupes les citations augustiniennes de Éphcs. 5, 31-32. Le premier groupe, de 2. Joseph MOINGT, Le mariage des chrétiens, Autonomie et mission, dans Recherches de science religieuse 62 (r974), p. 8r-rr6. 3. C'est-à-dire sans attendre d'avoir mis au point le fascicule (important) de la Biblia Augustiniana, consacré à l'Épître aux Éphésiens. Les volumes déjà exis- tants de la Biblia Augustiniana ont paru aux Études Augustiniennes, 8 rue François Ier, Paris 75008. «MAGNUM SACRAMENTUM '' - EPHES. 5,32 5 beaucoup le plus nombreux, comprend les citations qui appartiennent à des exposés de recherches exégétiques, qu'il s'agisse de textes de la Genèse4 ou des Juges5, qu'il s'agisse surtout de versets du Psautier6, qu'il s'agisse enfin d'un verset de l'Évangile de Jean7 • L'ensemble de ce premier groupe représente vingt-cinq citations dont cinq seulement renferment le premier membre du veffet Éphes. 5, 31 : Propter hoc relin- quet homo patrem et matrem et adhacrebit uxori suae8 ; dans tous les autres cas, la citation augustinienne ( d'ailleurs sans aucune variante) se réduit à : Et erunt duo in carne una ; sacramentum hoc magnum est : ego autem dico in Christo et in Ecclesia. Le second groupe des citations augustiniennes de Éphes. 5, 31-32 réunit les commentaires dispersés dans cinq Sermons9• Aucun de ces sermons ne renferme le fragment Éphes. 5, 31a. Dans le troisième groupe des citations de Éphes. 5, 31-32, nous classons les textes appartenant à des contextes polémiques : manichéen et gnostique10, donatiste11, pélagien12• Seuls trois textes du dossier anti- manichéen présentent la citation de Éphes. 5, 31a13. A la constatation de la rareté du fragment Éphes. 5, 31a, nous devons joindre une autre remarque que nous a révélée le classement exhaustif (autant que faire se peut !) des citations augustiniennes du chapitre 4. De Genesi contra manichaeos II, 13 (rg) et II, 24 (37) ; De Genesi ad litteram I, l (r) ; VIII, 5 (IO) ; IX, lg (36) ; Quaest. in Hept. I, qu. 80. 5. Quaest. in Hept. VIII, 4g (26). 6. Èphes. 5, 31-32 est mis en relation avec un verset psalmique seize fois dans les Enarrationes in Psalmos (que nous énumérons ici dans l'ordre du Psautier et non dans l'ordre de la chronologie augustinienne) : ro, IO (Ps. IO, 7) ; 30, en. 2, s. l, 4 (Ps. 30, titre) ; 34, s. 2, I (Ps. 34, 11-12) ; 37, 6 (Ps. 37, 4b) ; 44, I2 (Ps. 44, 4) ; 54, 3 (Ps. 54, titre) ; 6r, 4 (Ps. 61, 4a) ; 71, 17 (Ps. 7r, l5b) ; 74, 4 (Ps. 74) ; go, s. 2, 5 (Ps. go, IO) ; l r8, sermo 22, 3 (Ps. l 18, gga) ; rr8, sermo 2g, g (Ps. l 18, 152) ; 138, 2 (Ps. 138) ; 138, 21 (Ps. 138, 15) ; 142, 3 (Ps. 142, titre) ; 150, 2 (Ps. 150, titre.) ; et une fois dans I'Epistula 140, 6 (18) (Ps. 21, 2b). 7. Io. 2, 6 dans Tract. in Io. Ev .. g, 10. 8. De Genesi contra manichaeos II, 13 (1g ; II, 24 (37) ; En. in Ps. 44, 12 ; Tract. in Io. Ev. g, IO; Qu. in Hept. VIII, 4g (26). g. Sermo 45, 5 ; Sermo Mai g8, 3 (en une fête d' Ascension) ; Sermo l2g, 3 ; Sermo 34r, 12 ; Sermo 362, 16. IO. De Genesi contra manichaeos II, 13 (rg) et II, 24 (37) ; Contra Adimantum 3, 3 ; Contra Faustum XII, 8 et XXII, 38 ; Contra Secundinum 21 ; Contra adversarium legis et prophetarum II, 34. l r. Ad catholicos epist. contra donatistas 4, 7 ; 7, I 7 ; IO, 24. 12. De nuptiis et concupiscentia I, 21 (23) ; II, 4 (12) ; II, 22 (54) ; Opus imper/. contra Iul. II, 5g (A). 13. De Genesi contra manichaeos II, 13 (rg) ; II, 24 (37) ; Contra Faustum XII, 8. Si l'on veut bien se reporter à la note 8 et faire le compte, on pourra vérifier que Ephes. 5, 31a n'apparaît que six uploads/Religion/ recherches-augustiniennes-volume-xii-1977.pdf

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  • Publié le Mar 03, 2021
  • Catégorie Religion
  • Langue French
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