En Bretagne, le suicide n’est pas une fatalité CONFERENCE DE CONSENSUS : Compre
En Bretagne, le suicide n’est pas une fatalité CONFERENCE DE CONSENSUS : Comprendre ensemble pour agir ANNEXES BIBLIOGRAPHIQUES CONTRIBUTIONS BIBLIOGRAPHIQUES ************** Sommaire I. DONNEES ET CONTEXTE REGIONAL Page 1 A. FAYET : Perspectives historiques sur la perception du suicide Page 13 J. BONNEAU : Tentatives de suicide et décès par suicide, quelques points de repère sur la situation bretonne comparée à la situation nationale Page 22 O. PIQUET : Epidémiologie du suicide en Bretagne Page 35 D. Travers : Descriptif du système de soins psychiatriques prenant en charge les tentatives de suicide au CHU de Rennes II. LE SUICIDE DES JEUNES ET DES ADOLESCENTS Page 37 V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Souffrance Psychique des jeunes en insertion Page 47 F. SANSELME : Données de cadrage sur le suicide des jeunes III. LE SUICIDE EN MILIEU DU TRAVAIL Page 49 V. MUNIGLIA : Texte de cadrage – Suicide- Souffrance- Milieux Professionnels IV. LE SUICIDE DES PERSONNES AGEES Page 63 A. CAMPEON : Le suicide du sujet âgé V. L’INFORMATION, LA COMMUNICATION ET LES DISPOSITIFS D’ECOUTE Page 70 F. COLAS : Les réseaux ou dynamiques locales en prévention du suicide sur la Bretagne Page 89 R. CHARDAVOINE : Les dispositifs de prévention du suicide en Bretagne VI. GLOSSAIRE Page 102 Quelques mots extraits … 1 Agathe FAYET- Perspective historique sur la perception du suicide en Occident - « Il n’y a qu’un problème philosophique vraiment sérieux : c’est le suicide. Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécu, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie. Le reste, si le monde a trois dimensions, si l’esprit a neuf ou douze catégories, vient ensuite. Ce sont des jeux ; il faut d’abord répondre. […] Ce jeu mortel qui mène de la lucidité en face de l’existence à l’évasion hors de la lumière, il faut le suivre et le comprendre. » A. CAMUS, Le Mythe de Sisyphe Eléments de problématique De toute histoire du regard que la société occidentale a porté sur ceux qui ont mis fin volontairement à leur vie, le trait principal qu’il importe de garder à l’esprit tient dans les nuances de jugements et la distance des pratiques à l’égard de la cohérence, de la stabilité et de la rigueur des lois humaines et religieuses qui qualifiait et réglementait cet acte. L’histoire de l’Occident dans son rapport à la mort volontaire est avant tout celle d’une condamnation d’un acte perçu comme inhumain et celle d’un silence qui avait valeur de réprobation. L’Eglise comme l’Etat sous tout régime se sont le plus souvent retrouvés unis dans une même attitude répressive à l’égard du suicide, rejeté comme l’œuvre de Satan et affront au pouvoir en place et à la société dans son ensemble. Cependant, les pratiques réelles ont pu différer et les mœurs évoluer plus rapidement que les lois en vigueur. Le point essentiel qui distingue les époques les unes des autres tient davantage dans l’acuité avec laquelle la question de la légitimité et des motifs du suicide a été interrogée. Comme G. Minois a pu le mettre en évidence dans son Histoire du suicide1, la Renaissance et les Lumières sont à cet égard les époques les plus riches. D’une question occultée par un dogme religieux qui condamnait sans appel le « meurtre de soi- même », l’humanisme naissant et la philosophie des Lumières ont fait resurgir une véritable interrogation sur les raisons et la nature d’un acte qui ne devait plus faire l’objet d’un jugement mais qui posait la question fondamentale du sens de l’existence et de la liberté humaine. Ce faisant, la question du suicide sortait momentanément des strictes limites de la morale. C’est au cœur de ce changement crucial qui s’opère dans les mentalités des élites vis-à-vis de la mort volontaire que le terme de « suicide » fait son apparition (en 1700), remplaçant les termes accusateurs d’« homicide » ou de « meurtre de soi-même ». La présente synthèse aura pour objet principal de montrer que, longtemps enfermée dans les carcans de la morale, la pratique de la mort volontaire, appréhendée sous l’angle de ses motifs et de ses causes, restera, malgré le transfert de l’autorité cléricale et religieuse à celle médicale et séculaire, renvoyée à la question de la responsabilité du suicidé. Elle évacuera l’interrogation véritable de l’acte par le biais de l’irresponsabilité du suicidé. Possédé par le diable, atteint de frénésie ou de mélancolie, ou bien encore souffrant d’un excès de bile noire, celui qui attente à sa vie ne peut être en pleine possession de ses moyens ni de sa raison. Le suicide philosophique, la décision consciente de se retirer volontairement du monde n’existe ou n’est jamais véritablement envisagé ni accepté dans les moeurs. L’objection de la folie ou plus rarement de la maladie dispense de juger mais aussi de comprendre. Le suicide sera dépénalisé en France en 1791, mais sa condamnation persistera bien longtemps après. 1 G. Minois, Histoire du suicide, La société occidentale face à la mort volontaire, Fayard, Paris, 1995 2 De la condamnation chrétienne et civile du suicide : le plus grand des pêchés Ni l’Ancien Testament ni le Nouveau n’établissent une doctrine ou une position définie sur le suicide. Pourtant, reléguant à l’arrière plan et condamnant parfois tout un pan de son histoire qu’ont constitué les martyrs volontaires, la religion catholique va imposer à la société médiévale un prisme qui marquera longtemps la société occidentale, prisme à travers lequel le suicide sera perçu comme un acte funeste et le pire pêché qui soit. Le dogme du pêché : la condamnation de Saint Augustin et de la scolastique thomasienne Les textes fondateurs du christianisme ne sont en la matière aucunement explicites. Aux commencement de l’Eglise, la croyance dans le caractère haïssable de la vie sur terre et l’aspiration à rejoindre Dieu et la vie éternelle par une mort anticipée tendait davantage à disculper le suicide qu’à le ranger au rang des interdits. Ce fut pourtant le cas et le suicide se retrouve parmi les plus graves dans l’échelle des pêchés. Du fait du silence relatif de la Bible, l’Eglise n’élaborera que peu à peu une position cohérente. C’est avec La Cité de Dieu de Saint Augustin que s’instaure véritablement la doctrine rigoriste condamnant le suicide, doctrine qui restera celle de l’Eglise durant des siècles. Ainsi, peut-on lire sous la plume de Saint Augustin que « ceux qui sont coupables de leur mort n’ont pas accès à cette vie meilleure » que constitue la vie éternelle. L’interdiction du suicide est fondée sur le cinquième commandement de Moïse qui impose : « Tu ne tueras point », commandement qui s’applique aussi bien à soi-même qu’à autrui en vertu du fait que nul autre que Dieu, son créateur, ne peut disposer de la vie selon son bon vouloir. La vie est un don sacré et seul Dieu peut décider de son terme. Les bases théologiques de l’interdiction du suicide et de sa qualification comme crime, au même titre que le meurtre d’un tiers, se trouvent confirmées dans la scolastique de Saint Thomas d’Aquin. Les principes en sont les suivants : le suicide est un crime contre la nature et contre la charité puisqu’il contrevient à la tendance naturelle à vivre et au devoir de s’aimer soi-même. Il est de plus un crime contre la société dans la mesure où notre appartenance à une collectivité implique que nous ayons un rôle à y jouer, rôle auquel nul motif ne saurait justifier que l’on s’y dérobe. Enfin, le suicide est un attentat contre Dieu, seul dépositaire de notre vie. L’homme n’est en aucun cas propriétaire de sa propre destinée. A une époque où la religion constitue la manière de penser propre à la collectivité, la mentalité médiévale est fortement imprégnée par la condamnation de Saint Augustin et de Saint Thomas et partage leur sentence : le suicide est un crime, le désespoir un pêché et le suicidé un damné. Entre superstition et damnation : de l’explication religieuse du suicide au Moyen Age De cette interdiction religieuse va découler une explication du suicide qui emprunte à la rhétorique non seulement du pêché mais plus encore à celle des forces du mal. La mise en cause d’une intervention du malin trouvera un écho profond dans la mentalité superstitieuse du Moyen Age. Dans sa thèse sur les représentations de la pendaison de Judas Iscariote, Anne Lafran montre que le suicide de Judas s’inscrit dans une réflexion théologique et philosophique sur le libre arbitre. Autrement dit, est-on libre de se tuer ? Le dogme catholique après Saint Thomas répond sans ambiguïté par la négative. Mais plus encore, la question est la suivante : peut-on même penser cette liberté ? En aucune façon. Notre vie ne nous appartient pas, elle dans les mains de Dieu et c’est un crime que de croire que l’on est libre de choisir sa mort. L’impossibilité de penser le suicide dans les termes du libre arbitre se trouve scellée par un procédé puissant. L’Eglise a recours au uploads/Religion/ tmo-regions-ccps-7-annexes-bibliographiques.pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Sep 03, 2022
- Catégorie Religion
- Langue French
- Taille du fichier 1.0829MB