Islam et arabité La dialogue islamo-chrétien Y a-t-il une nouvelle vision chrét

Islam et arabité La dialogue islamo-chrétien Y a-t-il une nouvelle vision chrétienne de l’islam ?Æ Youakim Moubarac W. A. Bijlefeld l'ayant fait d'une manière plus systématique pour l'ensemble de l'islamologie chrétienne contemporaine1, une suite de publications consacrées à l'Islam et éditées récemment en France a paru néanmoins mériter ici quelques réflexions, du fait que ces publications se présentent comme étant d'inspiration chrétienne. Nous allons signaler quelques-uns des titres les plus marquants et essayer de situer l'ensemble2. Une attention croissante. Il est certain que des chrétiens de plus en plus nombreux, catholiques et protestants, s'intéressent à l'Islam. Il y a à ce regain d'actualité des raisons diverses. La plus importante semble être pour la France l'affrontement avec l'Islam en Afrique du Nord. Mais le problème algérien n'est que la phase aiguë d'un affrontement plus généralisé. Que l'on songe à l'ensemble du Moyen-Orient et même à l'Iran, au Pakistan et à l'Indonésie, tout un ensemble de nations populeuses fondues dans la masse du Tiers-Monde. Il ne faudrait pas oublier d'autre part les populations musulmanes de la Chine communiste (près de dix millions) et des Républiques Soviétiques (vingt millions) en Asie Centrale3. Que l'on songe enfin, sur le plan proprement religieux, au phénomène d'extension de l'Islam en Afrique Noire, qui inspire tant d'appréhension aux missions chrétiennes. Il ne fait donc point de doute, l'Islam s'impose à l'attention du christianisme occidental sur le plan politique et lui pose bon nombre d'interrogations sur le plan religieux. Une connaissance très objective. C'est pour répondre à ces interrogations que les publications se multiplient. Il est vrai qu'elles doivent remplir d'abord une tâche très modeste: celle de donner de l'Islam une Æ Paru dans Informations catholiques internationales, 1er novembre 1959, repris dans la Pentalogie islamo- chrétienne, t. III, L’Islam et le dialogue islamo-chrétien, Beyrouth, Cénacle libanais, p. 81-93. connaissance rudimentaire à un public qui ignore tout de cette religion et de ses adeptes depuis les origines. Or, c'est sans doute l'aspect le plus heureux de la production. On peut dire qu'il existé à l'heure actuelle (ce n'était pas vrai en 1945) le moyen, pour un chrétien cultivé, de connaître très honnêtement l'Islam par les seules publications d'auteurs chrétiens et qui se présentent comme telles4. Mettant à profit les connaissances recueillies par plus d'un siècle d'orientalisme, ces auteurs donnent une connaissance très objective de la religion musulmane et de son expansion dans le monde. A cet égard, l' oeuvre la plus significative et la plus utile est sans doute celle de Louis Gardet. Rappelons son très dense petit volume récemment paru chez Fayard dans la collection « Je sais, je crois » : Connaître l'Islam. Rappelons aussi, en plus de ses laborieux ouvrages d'initiation à la théologie et à la mystique musulmane5, son très original volume sur la Cité Musulmane, vie sociale et politique, paru chez Vrin en 1954. Signalons d'autre part le volume de Pierre Rondot : L'Islam et les Musulmans d'aujourd'hui, qui se recommande de la collection « Lumière des Nations », à l'Orante et se présente comme l'ouvrage d'introduction à l'Islam le plus complet et le mieux à jour5bis. Mais dans quelle mesure de tels ouvrages présentent-ils une réflexion chrétienne sur l'Islam ? Ils nous donnent certes une connaissance de l'Islam par des chrétiens et l'on peut dire sans faire injure aux musulmans, que ceux-ci n'ont pas encore à l'heure actuelle, si l'on excepte quelques personnalités très marquantes, une connaissance analogue. du christianisme. Mais dans quelle mesure cette connaissance de l'Islam par les chrétiens est-elle une connaissance chrétienne, en ce sens qu'elle situerait plus correctement l'Islam sur le plan de l'histoire religieuse proprement dite ? Une vision intérieure. Elle s'en acquitte assurément par le fait primordial de l'objectivité. L'Islam est maintenant mieux reconnu comme tel par les chrétiens et c'est déjà le situer correctement sur le plan religieux que d'en donner une vue objective sur le plan de l'histoire profane. Il y a du reste plus que de l'objectivité. On peut parler de vision intérieure de l'Islam, depuis que le petit volume du P. Abd-el-Jalil, paru dès 1949 aux Éditions du Seuil, a rendu commune cette méthode d'investigation religieuse et vulgarisé quelques-unes de ses acquisitions : Aspects intérieurs de l'Islam6. Ce même fait est en quelque sorte rendu en creux par l'accueil généralement fait à une publication aussi négative que celle parue sous le pseudonyme de Zacharias7. Une réflexion chrétienne peu avancée. Mais, sans que cela soit la faute de personne, il semble qu'une réflexion chrétienne, proprement théologique, sur l'Islam, situant ce phénomène sur le plan de l'histoire prophétique, ne soit guère avancée. Nous avons retrouvé en quelque sorte un certain « sentiment religieux » de l'Islam, déjà éprouvé et formulé au Moyen Age par un Raymond Lull ou même par un Pierre le Vénérable. Nous ne l'avons pas encore formulé en une conception claire, en rapport avec nos connaissances scientifiques actuelles, conception susceptible de passer éventuellement sur le plan catéchétique. Si les chrétiens à l'heure actuelle savent mieux situer le judaïsme, voire l'ensemble des religions dites païennes, on ne saurait en dire autant de l'Islam. Cela du reste est manifeste sur le plan de la prière publique. Jusqu'à présent, fait très typique à notre sens, les grandes oraisons du Vendredi Saint, dont la liturgie a pourtant été rénovée récemment, ne font pas cas de l'Islam, qui est censé compter toujours parmi les religions païennes. Il est vrai que pour faire avancer la question, on bute sur de grandes difficultés. II y a d'abord l'état d'avancement des travaux théologiques sur le plan général de l'histoire religieuse. Nous y ferons encore allusion. Mais en ce qui concerne l'Islam, la réflexion qui a été profondément engagée dès les débuts de ce siècle est incontestablement sujette à la controverse. L'ensemble des ouvrages recensés ici est le fait de disciples du professeur Massignon. Ceux qui ne s'inspirent pas directement de son oeuvre, ne sauraient être compris si cette oeuvre n'avait pas vu le jour. Il est certain en tout cas qu'entre l'acribie critique et destructrice, chez un Lammens, de toute possibilité de prendre l'Islam religieux au sérieux et l'acribie non moins critique d'un Massignon, analysant une sorte de sur-Islam, aussi bien dans ses origines, que dans son développement religieux et mystique, que dans sa destinée transhistorique et apocalyptique, le choix est définitivement fait par l'ensemble des penseurs chrétiens en faveur de cette deuxième méthode. Est-ce alors la perspective et la peur de rapprochements trop hâtifs, d’électisme ou de syncrétisme faciles, qui auront arrêté les meilleurs artisans au seuil d'une possible réconciliation islamo-chrétienne, sur une position dite de « juste milieu »? Vincent Monteil s'en étonnait en rendant compte de l'ouvrage de Pierre Rondot déjà signalé : « Avouerais-je que je n'ai jamais pensé que le « milieu » fût « juste », et la Vérité en équilibre instable entre deux extrêmes mensongers? Louis Massignon a fondé une association de prière et de jeûne privé pour proposer, à des Chrétiens, comme à des Musulmans (sans pour cela proposer un « échange ») de « se mettre à la place » les uns des autres, dans l'esprit des Cinq Bases de la Foi: « Témoignage, pour la Vérité et la Justice»; prière au Dieu d'Abraham, père commun des «Scripturaires»; jeûne en commun «pour une paix sereine»; aumône « au nom de l'Hospitalité sacrée»; pèlerinage de Chrétiens et de Musulmans « aux Sept-Dormants d'Ephèse ou de Bretagne »... De cet esprit de « substitution » », un homme comme le cheikh El-'Oqbi est le noble représentant, dans une Algérie déchirée. Quelle autre voie évite de rester extérieurs, c'est-à-dire, en fin de compte, irréductibles l'un à l'autre: irréconciliables ? » A partir de ces propos qui nous semblent souligner la démarcation entre les chercheurs actuels, nous arrêterons nos réflexions sur quelques constatations simples. Un temps d'arrêt. Le mouvement déclenché par l'oeuvre de Massignon sur le plan d'un examen proprement religieux de l'Islam, marque à l'heure actuelle un point d'arrêt qui semble devoir. se prolonger dans un sens traditionnel de l'« orthodoxie ». Ce n'est pas sans rapport avec l'ensemble de l'évolution de la pensée religieuse dans le catholicisme contemporain. Cela ne veut pas dire que l'oeuvre en question ait été placée autrement que dans ce sens de l'orthodoxie, tant musulmane du reste que chrétienne, en matière de monothéisme, per viam negativam. Le P. de Grandmaison, le P. Maréchal et Jacques Maritain l'ont noté il y a trente ans. Aussi, l'option de Massignon pour Hallaj contre Ibn Arabi, mystique andalou dont l'ésotérisme est largement développé à l'heure actuelle par Henri Corbin, nous semble-t-elle significative sur ce plan8. Mystiques comparées. Il faut certes espérer beaucoup de l'oeuvre annoncée par Louis Gardet et Olivier Lacombe, sur la mystique comparée, en Inde, en Islam et dans le Christianisme. Le thomisme incontesté de ces deux auteurs est en tout cas une garantie pour l'accueil qui lui sera fait dans les milieux ecclésiastiques. En attendant, seule l'oeuvre du P. de Beaurecueil, des dominicains du Caire, consacrée à l'oeuvre mystique d'un théologien hanbalite strict, Abdallah Ansari (XIe siècle), nous semble tenir uploads/Religion/ y-a-t-il-une-nouvelle-vision-chretienne-de-l-x27-islam-dossier-h-p-215-2-pdf.pdf

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  • Publié le Jui 08, 2022
  • Catégorie Religion
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