Jean-Pierre Bayard Docteur ès lettres Maçonologie de l’Université de Haute-Bret
Jean-Pierre Bayard Docteur ès lettres Maçonologie de l’Université de Haute-Bretagne LE SYMBOLISME MAçONNIQUE TRADITIONNEL TOME II II. Hauts-Grades et Rites Anglo-Saxons 9 INTRODUCTION Le Symbolisme Maçonnique, qui prend racine dans les plus antiques civilisations, tout imprégné de la valeur spirituelle de la Tradition, se décèle dans tous les grades et dans tous les rites. Mais nous avons dit au début de la première partie de cet ouvrage pourquoi ce symbolisme serait principalement étudié à partir du Rite Ecossais Ancien et Accepté, le rite le plus pratiqué dans le monde. Nous avons ainsi montré divers aspects de ce symbolisme, en notant quelques variantes, proposées par d’autres obédiences et d’autres rites dont nous allons parler. Par contre le Régime Ecossais Rectifié avec le Grand Prieuré des Gaules mérite une étude particulière. En dehors de Le Forestier1, Jean Tourniac2 a montré toute la valeur de ce Rite qui imprègne l’esprit maçonnique ; il est probable qu’en France les C.B.C.S. auront à jouer un rôle important dans la transmission de la Tradi- tion. Mais le Rite Ecossais Ancien et Accepté, en dehors de son universalisme, nous apparaît digne d’être étudié dans la totalité de ses degrés. Tous les Ordres et Obédiences pratiquent les trois degrés de la Maçonnerie bleue : apprenti, compagnon et Maître. Mais plusieurs puissances maçonniques y adjoignent des grades complémen- taires ou Hauts-Grades : l’Ecossisme a ainsi 33 degrés, le Rite de Memphis 95 degrés. Pour certains commentateurs la Maçonnerie, d’origine corpora- tive, ne devrait avoir que trois degrés. Tout ce qui est supérieur ne serait alors que création philosophique, sans support réel. La Franc-Maçonnerie corporative fait intervenir, à partir de son troisième grade, le mythe d’Hiram, qui semble se désolidariser des secrets de métier. Tous les auteurs ont montré ce décalage ; en fait 1. René Le Forestier, La Franc-Maçonnerie Templière et Occultiste au XVIIIe et XIXe siècles, publié et préfacé par Antoine Faivre (Aubier- Montaigne). 2. Jean Tourniac, Principes et Problèmes Spirituels du Rite Ecossais Rectifié, Dervy. 1969 ; — Vie et Perspectives de la Franc-Maçonnerie Traditionnelle, Gédalge 1969. 10 le 3e degré appartient déjà à l’échelle des Hauts-Grades Ecossais ; ces derniers prolongent cette quête, élargissent son enseignement, développent les virtualités d’un premier témoignage. C’est la reconstruction du Temple. Nous sommes donc devant la hiérarchie d’un véritable courant spirituel, qui a repris à son actif d’anciens rituels pris plus spécialement dans les mouvements chevaleresques, alchimiques ou Rose-Croix, ou dans les mouvements corporatifs, ceux de la « Marque ». En fait, au siècle des Lumières, il y a eu profusion de rites et entre les trois grades de la Maçonnerie bleue et celui de Royal- Arch furent intercalés des grades de passage : Mark Master (Maître Remarquable), Past Master (Passé Maître, ancien vénérable d’une loge), Most Excellent Master (Maître Parfait). Ces degrés vont se retrouver avec ceux de Maître Secret, Maître Parfait. Nous étudie- rons ainsi le Royal Arch qui figure en réalité parmi les rites de la maçonnerie anglo-saxonne. Ces grades, qui apparaissent en France à partir de 17403, qui imprègnent le rite français, le rite Ecossais Ancien et Accepté sont dits de « Vengeance ». Au 3e degré on ne sait rien sur le sort des trois mauvais Compagnons qui viennent d’assassiner Hiram. Les « Elus » qui donnent leurs noms à une série de grades4, vont à la demande de Salomon, rechercher les meurtriers du Maître Archi- tecte et ils doivent en retrouver la Parole Perdue. Avec ce thème essentiel de la punition on trouve une influence de l’Ancien Testa- ment, de la Kabbale Hébraïque. Sont étrangers à la vengeance demandée par Salomon, le Grand Elu ou Chevalier Kadosch qui poursuit la vengeance des Templiers, et l’Elu Cohen. Le Forestier n’a pas été tendre pour cette complexité de grades et il écrit « pauvreté d’imagination, absence de toute valeur intel- lectuelle ou morale… » Cependant le symbolisme, le rituel, la légende du 3e degré conduisent à la compréhension du 4e degré et des grades qui vont suivre. Même le symbolisme des outils a sa propre continuité puisque le 4e degré fait appel au compas qui sert à mesurer l’uni- vers ; depuis le 1er degré le compas prend d’ailleurs une importance de plus en plus grande et cet outil de terrestre devient cosmique. On peut considérer avec le rituel du 3e degré qu’Hiram est immortel, qu’il est la connaissance et qu’ainsi il renaît dans chaque nouveau maître. Le quatrième degré ne devient alors qu’une anti- thèse du troisième. Bien que nous ayons déjà traité en partie l’historique des Hauts- Grades5, nous devons reprendre quelque peu ce commentaire. 3. Etienne Gout pense que le Maître Ecossais, apparu en France en 1743, ne serait que le Scots Master anglais de 1733. 4. Parfait Maçon Elu, Elu des Neuf, Elu des Quinze. Autrefois le Maître Elu 4e classe du système français à sept degrés s’apparentait au grade l’Elu. 5. Voir Le Symbolisme Maçonnique Traditionnel, 1re partie. 11 Lindsay6 a dit avec force que l’Ecosse n’était le berceau ni des grades, ni du Rite Ecossais, et qu’en 1751 il existait déjà 14 degrés en France. La Loge La Parfaite Harmonie à l’Orient de Bordeaux, fondée en 1742, issue de La Française qui existait en 1738, a joué un rôle important dans la naissance des Hauts-Grades. Même les grades anglo-saxons ont peut-être une ascendance française ; en tout cas il y a eu pénétration de la même pensée. En 1762 on trouve à Paris un Souverain Grand Conseil du 25e degré du Rite de Perfection, ayant deux secrétaires siégeant l’un à Paris, l’autre à Bordeaux. En 1766, ce Souverain Conseil prit le nom de « Souve- rain Conseil et Mère Loge du Grand Globe Français ». Etienne Morin appartenait à Bordeaux à « La Française » et à « la Parfaite Harmonie ». Etienne Morin, négociant en vins, après avoir été emprisonné à Londres, se rend à Saint-Domingue. Il fréquente le Comte de Grasse-Tilly, fils de l’Amiral, y rencontre son futur beau-père le maçon Delahogue ; la guerre des Esclaves en 1791 les oblige à se réfugier sur le continent américain, à Charleston. D’après Lindsay ces deux maçons possédaient dès 1796 le 32e degré de la Maçon- nerie Ecossaise. Grasse-Tilly remettait ensuite une patente du 33e grade à Delahogue et à quelques autres réfugiés à Charleston. On rejette ainsi la paternité attribuée à Frédéric II, Roi de Prusse. Grasse-Tilly est auprès de John Mitchell à Charleston le 31 mai 1801 et il reçoit patente pour créer d’autres Suprêmes Conseils ; le deuxième du monde est formé à Paris le 22 septembre 1804. Notons que le titre exact de l’organisme direct est « Suprême Conseil du Saint-Empire » et l’on songe immédiatement au Conseil des Empereurs d’Orient et d’Occident qui avait lui aussi dans ses armes l’aigle bicéphale. Il apparaît après les études les plus sérieuses — dont celles de Paul Naudon — que le Suprême Conseil a bien été formé par des Français. Pierre Mariel, dans Rituels des Sociétés Secrètes montre l’in- fluence du Chevalier de Ramsay, futur exécuteur testamentaire de Fénelon7 ; « ce grade d’un Maître d’armes de l’Ordre du Chardon, ordre équestre des Stuarts » a donné à la Franc-Maçonnerie une origine chevaleresque encore plus discernable dans le Régime Ecossais Rectifié. Si l’on s’en tient aux termes du Discours de Ramsay, la Franc- Maçonnerie se rattache aux croisés, aux Templiers et par là aux bâtisseurs de cathédrales. Le symbolisme chevaleresque, la valeur militaire sont en effet discernable dès le grade d’apprenti. La bannière, plus particulièrement, reste en usage à tous les degrés : 6. R.S. Lindsay, Le Rire Ecossais pour l’Ecosse, Le Symbolisme, p. 37. 7. Pierre Mariel annonce un ouvrage sur ce sujet (p. 161). Cette étude n’est pas parue mais François Ribadeau Dumas a publié un Fénelon (Editions du Mont Blanc 1968). tandis qu’Eliane Brault a écrit Le Mystère du Chevalier Ramsay édité par les Editions du Prisme (1973). 12 elle a un côté héraldique, symbolique, pour prendre toute sa valeur à l’étendard blanc et noir du 30e degré ; au 32e degré, cinq bannières décorent le camp des Sublimes Princes du Royal secret. La bannière du 33e degré nous est ainsi décrite par un rituel de 1813 : « Ce drapeau est de soie blanche garnie de franges d’or et d’argent ; il doit être de trois pieds et demi de long sur deux et demi de large. Dans le centre est l’aigle à deux têtes, les ailes ouvertes, le bec d’or ; il tient dans ses serres l’épée nue et sur un ruban bleu formant légende est écrit en lettres d’or, Deus meumque jus, le bâton est de huit pieds de long surmonté d’une pique ». C’est cependant dans la Maçonnerie rouge (4e au 18e degré) que nous trouvons le mythe essentiel de la « recherche » qui s’appa- rente à la queste du Graal, cycle arthurien qui débute comme un roman de chevalerie pour se terminer en un récit mystique. C’est bien dans la « Matière de Bretagne » que la doctrine secrète uploads/Religion/ 9782703308973.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2022
- Catégorie Religion
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