Tous droits réservés © TTR: traduction, terminologie, rédaction — Les auteurs,
Tous droits réservés © TTR: traduction, terminologie, rédaction — Les auteurs, 1995 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 3 fév. 2021 04:58 TTR Traduction, terminologie, re?daction À partir de Georges Mounin : esquisse archéologique Jean-René Ladmiral Orientations européennes en traductologie Volume 8, numéro 1, 1er semestre 1995 URI : https://id.erudit.org/iderudit/037196ar DOI : https://doi.org/10.7202/037196ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Association canadienne de traductologie ISSN 0835-8443 (imprimé) 1708-2188 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Ladmiral, J.-R. (1995). À partir de Georges Mounin : esquisse archéologique. TTR, 8 (1), 35–64. https://doi.org/10.7202/037196ar Résumé de l'article À partir de Georges Mounin : esquisse archéologique — Georges Mounin est l'un des « pères fondateurs » de la traductologie: c'est donc à partir de cet auteur qu'on pourra entreprendre une archéologie de la discipline - au double sens où c'est à la fois vouloir le dépasser, « en partir », et où c'est aussi « partir » de ses travaux. Certes, il faut récuser la problématique de robjection préjudicielle, qui nous confronte aux apories de l'« intraduisible », en réinscrivant dans l'histoire les problèmes de la traduction. Encore devra-t-on ne pas se contenter d'une traductologie purement linguistique, voire d'une « traductologie de la langue ». Plus généralement, dans la foulée de l'héritage de Mounin, on sera amené à poser le problème de l'articulation entre traductologie et linguistique; on en viendra à s'interroger sur le statut du discours traductologique, sur la dimension philosophique qui est la sienne et sur la place qui lui revient dans le champ épistémologique des sciences humaines. À partir de Georges Mo un in: esquisse archéologique Jean-René Ladmiral 1. Continuité et dépassement En écrivant les pages qu'on va lire, mon intention n'est pas tant de rendre un hommage posthume au regretté Georges Mounin, de rédiger en son honneur ce qu'il est convenu d'appeler traditionnellement un «tombeau». Encore moins s'agit-il ici d'un article sur Mounin - qui s'attacherait à faire le bilan de son apport, important, dans le domaine de la traduction. Il convient d'entendre Y archéologie, dont j'annonce ici l'esquisse, au sens «foucaldien» du terme, c'est-à-dire au sens d'un discours qui se situe à l'articulation de l'épistémologie et de l'histoire des sciences, de l'histoire des sciences humaines - et, en l'occurrence, de l'histoire de cette science humaine nouvelle que constitue la traductologie1. Plus spécifiquement, je tiendrai ici le discours d'une «auto-archéologie», réunissant quelques éléments pour une reconstruction rétrospective de la logique de la recherche qui a été la mienne en traductologie; et d'abord il s'agissait esquisser le contexte historique dans la 1. Michel Foucault, les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines (Paris, Gallimard, 1966). 35 mesure où, comme le rappelle justement René Lourau, «il n'y a pas de genèse intellectuelle sans genèse sociale2». Il y a quelque vingt ou trente ans, m'étant placé devant l'échéance d'avoir à faire la théorie de ma pratique traduisante, j'ai eu la (bonne) surprise de découvrir que la littérature sur la question était alors d'une ampleur relativement limitée, à cette époque de la fin des années soixante. En français, il semblait qu'il n'y eût que les Problèmes théoriques de la traduction de Georges Mounin3 - mis à part la Stylistique comparée du français et de Vanglais de Jean-Paul Vinay et Jean Darbelnet, et quelques «classiques» comme Valéry Larbaud... De fait, comme on sait, cet ouvrage a longtemps fait autorité, en partie justement parce qu'il a été longtemps à peu près le seul qui fût connu; mais ces derniers temps la tendance est à le considérer comme «dépassé». À ce propos, il convient de reprendre une remarque épistémologique d'ordre général que j'ai faite en ce qui concerne la récente réédition de mon propre livre4 et qui vaut aussi pour celui de Mounin. En vertu d'une idéologie - qui, comme beaucoup de bonnes choses et... de moins bonnes, nous vient en Europe d'outre-Atlantique -, il semblerait qu'à peine quelques années après sa parution, un livre fût «dépassé» et dût disparaître des bibliographies en sciences humaines comme des librairies. À en croire d'aucuns, les livres vieilliraient en sciences humaines aussi 2. René Lourau, Sociologue à plein temps (Paris, L'Épi, 1978). 3. Georges Mounin, les Problèmes théoriques de la traduction (Paris, Gallimard, 1963; rééd. 1976: coll. «Tel», n° 5). 4. Traduire: théorèmes pour la traduction (Paris, Gallimard, coll. «Tel», n° 246, 1994). La première édition était parue en 1979, dans la Petite Bibliothèque Payot (n° 366); cette seconde édition en est la reprise, augmentée d'une préface (pp. v-xxi), avec une pagination identique (pour le corps du texte) et quelques coquilles en moins. (Je ferai désormais référence à ce livre en l'appelant Théorèmes...) 36 vite qu'en sciences exactes, ce qui, à l'évidence, est erroné et procède de cette idéologie qu'on appelle tout simplement depuis plus d'un siècle le positivisme. L'idée est qu'il n'est de connaissance que scientifique, et que les sciences humaines ne seraient crédibles qu'autant qu'elles s'identifient aux sciences exactes, qu'elles les singent! Il y aurait beaucoup à dire sur cette idéologie philosophiquement simpliste et fausse, et dont il n'est pas certain qu'elle ne recouvre pas les intérêts corporatistes plus troubles d'une sorte de syndicat des nouveaux venus de la production intellectuelle, dans le cadre d'un contexte de concurrence universitaire {publish or perish) et d'inflation éditoriale... Nous nous contenterons de rappeler que les sciences humaines constituent une culture spécifique de la modernité - une «troisième culture» pour ainsi dire, à côté de la «culture» traditionnelle et de ce qu'il faut bien appeler la culture scientifique5 - et que les travaux auxquels elles donnent lieu ne sont (heureusement!) pas soumis au même rythme d'obsolescence que les publications émanant de la recherche scientifique {stricto sensu). Voit-on qu'il faille renoncer à lire Freud et Piaget, Marx et Max Weber, Saussure et Jakobson, etc., au motif qu'ils seraient «dépassés6»? Il est vrai que les auteurs qui viennent d'être cités en exemple constituent pour les sciences humaines considérées ce qu'il est convenu d'appeler des pères fondateurs; et qu'il n'est pas moins certain que la recherche et la réflexion «avancent» ou «progressent» 5. Voir mon étude «Pour une philosophie de la traduction», Revue de métaphysique et de morale, n° 1 (1989), p. 14 et passim. Cette idée des sciences humaines comme troisième culture rejoint celle qui a été exposée depuis par WoIf Lepenies, les Trois Cultures. Entre science et littérature Vavènement de la sociologie (Paris, Éditions de la Maison des Sciences Humaines, 1990; trad. fr. H. Plard). 6. Ces deux derniers alinéas reprennent ma nouvelle préface aux Théorèmes..,,p. vi sq. 37 aussi à leur façon dans ces domaines. Il reste qu'en sciences humaines - et c'est une spécificité épistémologique de ces disciplines qui, justement, les désigne comme une troisième culture - les grands auteurs, ou même seulement les bons auteurs, gardent une bonne part de leur actualité et font périodiquement l'objet de relectures, voire de redécouvertes. En cela, on le voit, ils ne se distinguent guère des auteurs de la tradition philosophique. Au reste, Marx ou Freud, par exemple, ne sont-ils pas tout simplement des philosophes? et puis, pour ce qui nous occupe ici, il y a la relation particulière entre linguistique et philosophie. Quoi qu'il en soit, sans faire de Mounin un grand philosophe, je dirai que son œuvre reste à lire. Aussi Varchéologie dont j'ai annoncé ici l'esquisse ne veut pas dire qu'il n'y aurait plus qu'un intérêt «archéologique» à ses travaux, qui seraient comme les vestiges d'une préhistoire de la traductologie... Comme s'il convenait d'oublier Mounin - un peu comme il conviendrait d'«oublier Foucault», si l'on en croit un Jean Baudrillard7! Tel n'est pas du tout bien sûr le point de vue qui est le mien. Pour ma part, je tiens qu'il convient de voir en Mounin l'un des «pères fondateurs» de ce qui allait s'appeler plus tard la traductologie; et ce, même s'il a récusé par avance le mot lui-même. En tout cas, ses travaux ont eu pour ma propre recherche sur la traduction un rôle inaugural. C'est un peu ce qu'indiquait le rapprochement identifiant ses Problèmes théoriques de la traduction et mes Théorèmes pour la traduction que je me suis permis d'esquisser plus haut; et de fait c'est aussi, plus précisément, au sens d'une awfo-archéologie que la traductologie fait ici l'objet d'une «esquisse archéologique». 2. À partir de Mounin Par rapport à Mounin, je m'inscris dans un rapport intellectuel de filiation critique (ou dialectique), désignant ainsi un certain mode de 7. Jean Baudrillard, Oublier Foucault (Paris, Galilée, 1977). 38 relation intellectuelle où je distinguerai trois aspects. D'abord, pour ce qui nous concerne et en raison de ce qui vient d'être dit, c'est le premier auteur que j'aie lu uploads/Science et Technologie/ a-partir-de-georges-mounin-esquisse-archeologique-jean-rene-ladmiral.pdf
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- Publié le Aoû 23, 2022
- Catégorie Science & technolo...
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