Collection Cultures Sensibles Arts et sciences Approches sémiotiques et philoso
Collection Cultures Sensibles Arts et sciences Approches sémiotiques et philosophiques des images Ouvrage dirigé par Anne Beyaert-Geslin et Maria Giulia Dondero Presses Universitaires de Liège 2014 Présentation Anne Beyaert-Geslin Université Bordeaux Montaigne, MICA Maria Giulia Dondero Université de Liège Fonds National de la Recherche Scientifique Cet ouvrage se propose d’examiner les rapports d’attirance entre deux domaines épistémiques différents, l’artistique et le scientifique, à partir de leurs pro ductions visuelles. Une comparaison entre des mondes aussi complexes et composites que l’art et la science demande de renoncer à toute ambition de généra li sation des pratiques qui les soutiennent, pour au contraire se lancer à la recherche des spécificités et des singularités respectives. Le présent ouvrage n’entreprend donc pas de réduire les différences mais offre justement un regard sur les différents arts (la peinture moderne et contemporaine, la sculpture, l’installation, l’art environnemental) ainsi que sur diverses disciplines scienti fiques (l’imagerie médicale, l’astrophysique, etc.) : cette diversification de points d’attaque permet d’analyser la démultiplication des concurrences, conflits et analogies entre les deux domaines et leurs fonctionnements sémiotiques respectifs. Comme le suggère Jean-François Bordron ici-même, la manière la plus heuristique de pénétrer dans ces deux mondes n’est pas d’opposer l’art à la science dans un tableau de traits distinctifs, ni non plus de les subsumer sous une notion qui les unifierait d’une façon trop générale, mais « de chercher quel espace de transformations permet de passer de l’un à l’autre domaine ou éventuellement quels obstacles doivent être contournés pour que ces transformations soient pos sibles ». Cette prise de position implique une interrogation sur la réciprocité de la transformation d’un fonctionnement dans l’autre : si l’art peut détourner la connaissance et transformer en œuvre ce qui n’était d’abord que la trace d’un travail scientifique (l’image scientifique peut transformer son statut en celui d’œuvre d’art tout en restant formellement la même image), il est plus difficile de repérer des cas de détournement de l’art en connaissance car il est rare qu’une image conçue dans le cadre de l’art puisse changer de statut et devenir utile dans les labo ratoires scientifiques. C’est à la recherche de cas exemplaires que cet ouvrage est voué, des cas qui puissent mettre en crise certaines distinctions qui risquent par ailleurs de banaliser la caractérisation de ces deux mondes. Une idée contre 8 Anne Beyaert-Geslin et Maria Giulia Dondero laquelle travaillent ces textes est par exemple que l’imagerie contemporaine se pré sente comme un enchaînement d’images (multiplicité scientifique) alors que l’énoncé artistique se présenterait comme un texte auratique et clos sur lui-même (unicité artistique de l’original). Surtout dans le cadre de l’art contemporain, la processualité artistique peut se condenser à l’intérieur d’une seule image (comme dans le cas de la vulgarisation scientifique), mais cette dernière se base sur une épaisseur du discours faite d’autres images avec lesquelles elle coopère dans la cons truction de son sens. La multiplicité et l’unicité se révèlent donc au fil de ces articles comme des pôles qui opposent non pas art et science mais certaines pra tiques transversales aux arts et aux sciences : dans les deux cas, le moment de l’expé ri mentation est toujours celui de la multiplication des esquisses/preuves, et le moment de la présentation sur le marché de l’art et de la vulgarisation, celui de la condensation discursive et de l’unicité d’objet. Pour aborder la multiplicité des rapports des mondes des arts et des sciences nous avons privilégié trois points de vue : l’importation des modèles scientifiques dans le monde de l’art, l’esthétisation des images scientifiques ainsi que la référence au monde de l’art au sein du discours scientifique, et enfin l’interrogation sur le problème de l’interprétation des images dans ces deux domaines respectifs 1. Le premier axe d’investigation est abordé par Anne Beyaert-Geslin qui s’inter roge sur l’importation des modèles scientifiques dans la production des œuvres d’art, autrement dit les modèles scientifiques se proposent en tant qu’alternative pour la dynamique de renouvellement des pratiques artistiques. De ce point de vue, l’art n’a pas seulement lui-même comme tradition où puiser ou d’où se détacher : il importe des iconographies forgées dans le monde scientifique, mais aussi des pro cédures de création et des modes de fonctionnement, tel le modèle de travail du laboratoire — que Beyaert-Geslin convoque à propos de Marcel Duchamp. Cette option prend donc la forme d’un emprunt : il s’agit de déplacer les modèles de représentation et de fonctionnement scientifiques dans le monde de l’art. Une 1. Une autre manière heuristique d’interdefinir les rapports entre arts et sciences est proposée par l’article de Colas-Blaise qui conçoit, d’un point de vue tensif, une « typologie des modes d’exploi tation du discours scientifique par le discours artistique, qui lui réserve dans l’espace d’accueil différents modes d’existence. Ainsi, on distinguera le contact entre l’art et la science, qui renvoie à des degrés d’intensité et d’étendue faibles et témoigne d’une simple disposition à la collaboration énonciative. Le questionnement (intensité forte et étendue faible) correspond à un investissement fort : l’apport scientifique frappe par son étrangeté et suscite la réflexion ; le question nement institue la science en objet du discours (discours au sujet de la science) : l’art interroge la science, par exemple la pratique du clonage ou les expériences transgénétiques. Le rôle de l’instrumentalisation (intensité faible, étendue forte) est d’inscrire la collaboration dans le temps et dans l’espace, en lui donnant une forme stabilisée, voire banalisée ; instrumentalisée, la science donne une impulsion au discours artistique qui se développe selon ou d’après la science. Enfin, l’exploration, qui met en œuvre des degrés d’intensité et d’étendue forts, tient du projet scientifico-artistique ; elle déploie un discours qui se construit avec ou à travers la science : l’art et la science entrent dans un rapport de “co-développement” ; il se peut ainsi que la créativité artistique remette le discours scientifique en perspective ». Présentation 9 certaine littérature a déjà abondamment repéré des cas célèbres comme le modèle fractal de Mandelbrot — qui devint un modèle génératif pour des peintures abstraites fractalistes 2 —, ainsi que des pavages géométriques qui structurent un certain nombre d’œuvres de M.C. Escher 3. Par rapport à la littérature existante, cet ouvrage vise à montrer que les artistes n’empruntent pas seulement les images, les esthétiques et les modèles représentationnels des scientifiques, mais également leurs pratiques de travail collectif, ainsi que leurs procédures d’expérience de pensée (Gedankenexperiment). Une deuxième manière d’envisager le passage d’images et de modèles visuels d’un univers à l’autre est d’analyser l’utilisation non scientifique de l’image scien ti fique : le devenir artistique de l’image et de l’objet scientifiques. Sortie de sa pratique d’origine qui en fait un instrument d’investigation des phénomènes, un objet scientifique peut acquérir couramment le statut d’œuvre d’art, comme en témoignent par exemple les célèbres chronophotographies de Jules-Etienne Marey. Témoignage d’un certain état du savoir sur le monde, l’objet de connaissance pré tend à l’art parce qu’une aura singulière l’a investi. Dans ce même cadre, on peut envi sager une autre forme de déplacement du rôle de l’image scientifique, proche de celle de l’artistisation de l’objet scientifique : sa valorisation esthétique. Cette dernière option possède selon Maria Giulia Dondero et Jacques Fontanille (2012) une valeur heuristique et épistémique dans la mesure où le connu permet d’aborder l’inconnu, notamment dans le cas de la vulgarisation, car la lecture esthétique permet de rapprocher deux mondes distants, celui de la perception quotidienne et celui du scienti fique à travers une « croyance dans la continuité des mondes physiques ». Dans d’autres cas encore, les scientifiques s’inspirent des iconographies artistiques pour fabriquer des images d’objets encore très peu étudiés, ou, plus fréquemment, surtout dans le cas de la physique théorique et de l’astrophysique, ils construisent des « vues d’artiste », à savoir des images non (encore ?) vérifiables par des modèles mathématiques et non (encore ?) reproductibles selon des paramètres contrôlables. Une troisième manière d’aborder la question des rapports entre arts et sciences est de se demander comment les étudier, quelles ressources théoriques et épisté mo logiques peuvent être utilisées dans les deux cas. Comment aborder la question de l’interprétation d’une œuvre d’art d’un côté et d’une image produite par des instru ments technologiques, de l’autre ? Quel rôle reconnaître à la création visuelle d’un auteur singulier et à la production collective d’images ? Comment mettre en relation la multitude d’interprétations des œuvres artistiques avec la nécessité d’en choisir une dans les laboratoires ? Comment envisager la différence entre l’espace mathé matique et l’espace constitué/occupé par une œuvre d’art, par rapport à notre perception ? 2. Voir à ce propos Chirollet (2005). 3. Voir à ce propos Luminet (2009). 10 Anne Beyaert-Geslin et Maria Giulia Dondero Importation de modèles scientifiques dans le domaine de l’art L’approche de la sémiotique visuelle — dont témoigne un certain nombre de textes recueillis ici — met en jeu un des objectifs majeurs de la recherche disciplinaire contem poraine : aborder l’image non seulement à partir de sa configuration interne (système des relations plastiques), mais à partir de ses pratiques de production uploads/Science et Technologie/ arts-et-sciences-approches-semiotiques.pdf
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- Publié le Nov 18, 2022
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