1 SEMINAIRE DE FORMATION SUR LA CYBERCRIMINALITE Thème : Le traitement juridiqu

1 SEMINAIRE DE FORMATION SUR LA CYBERCRIMINALITE Thème : Le traitement juridique de la cybercriminalité : aspects nationaux, régionaux et internationaux. Module 1 : Introduction générale à la cybercriminalité La modernisation des infractions: les cyber infractions M. Papa Assane TOURE Magistrat Conseiller Technique au Ministère de la Justice Docteur en Droit Privé et Sciences Criminelles Expert en Cyberdroit 2 INTRODUCTION GENERALE A LA CYBERCRIMINALITE Le développement moderne des technologies de l’information et de la communication (TIC) constitue, de nos jours, un tournant majeur de la civilisation humaine1. Mais, l’essor contemporain des réseaux numériques a entrainé l’apparition d’une nouvelle forme de criminalité charriée par les premières lueurs de la société sénégalaise de l’information, appelée « cybercriminalité ». Le cyberespace est devenu criminogène. En effet, l’espace dématérialisé qu’offrent les TIC, notamment Internet, est de plus en plus le lieu virtuel de commission de divers agissements répréhensibles2. L’attaque dont a été victime le site officiel du Gouvernement du Sénégal3 en mai 2001 de la part d’un pirate informatique se disant membre de la « Hack Army »4 ainsi les actes sabotage informatique par cheval de Troie dirigés contre le site d’information en ligne nettali.com en janvier 20085, ont fini de convaincre de l’expansion de la cybercriminalité au Sénégal. Le phénomène cybercriminel est difficile à conceptualiser. Cette difficulté d’appréhension conceptuelle tient en partie au fait qu’il ne fait l’objet d’aucune définition légale6. C’est certainement la raison pour laquelle il y a en doctrine une diversité de conceptions de la cybercriminalité. Mais, il est possible de retenir un modèle conceptuel du phénomène cybercriminel résultant des travaux du onzième congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale du 18 au 25 avril 2005. Selon les conclusions du congrès, l’infraction informatique recouvre : « tout comportement interdit par la législation et/ou par la jurisprudence qui: a) est dirigé contre les technologies de calcul électronique et de communication elles-mêmes; b) fait intervenir l'utilisation de technologies numériques pour la commission de l'infraction; et c) suppose l'utilisation incidente d'ordinateurs pour la commission d'autres infractions »7. Il s’agit ainsi des comportements infractionnels qui supposent l’implication des technologies numériques (systèmes, logiciels, données informatiques, cartes bancaires, Internet etc.) dans le processus criminel soit objet soit comme moyen de commission d’infractions. La cybercriminalité présente des particularités criminologiques certaines. En effet, il est devenu classique de la présenter sous les traits d’une délinquance marquée essentiellement par l’immatérialité 1 P.DANDJINOU, « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (T.I.C) et les objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique », in « l’Afrique et les objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique », P.N.U.D 2003, p. 552 2 W. CAPELLER, « Un net pas très net », in « l’immatériel et le droit », Arch. phil. dr, n° 143, p. 167 ; M. QUEMENER et J. FERRY, Cybercriminalité. Défi mondial, 2e édition, Economica, 2009, p. 1 ; M.QUEMENER, « Cybercriminalité : aspects stratégiques et juridiques », in « De la cybercriminalité à la cyberguerre », Rev.Déf.nat.séc.coll, mai 2008, p. 23 3 http://www.gouv.sn 4 V. « Le site Web du Gouvernement attaqué par un hacker », in Batik, Osiris, n° 22, mai 2001, p. 4 5 Ch. Mb. GUISSE, « Sabotage et destruction du site Nettali.com : le parquet aux trousses d’un « cheval de Troie » : http://www.osiris.sn/article3464.html 6 En ce sens, M. QUEMENER et Y.CHARPENEL, Cybercriminalité ; Droit pénal appliqué, Economica, Paris, 2010, p. 7, n° 27. 7 Onzième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, Bangkok, 18-25 avril2005, disponible sur http : //www. un.org/ events /11thcongress /docs /bkkcp15f.pdf 3 de son objet8, la « transnationalité » de sa nature, la fugacité de ses contenus ainsi que par l’anonymat de ses acteurs. Ces spécificités de la cybercriminalité ont vite favorisé un brouillage des repères des mécanismes traditionnels d’appréhension de la criminalité. Les réponses traditionnelles du système pénal, conçues et élaborées pour un environnement matérialisé et national, se sont vite révélées inadaptées pour saisir la délinquance de l’âge du numérique9. Ces difficultés d’appréhension juridique de la cybercriminalité dans l’ordre pénal ont été aggravées par la rigueur des méthodes d’interprétation pénale postulant une interprétation stricte de la loi pénale. Les principales infractions pénales à la disposition des juges et des douaniers conçues pour la répression de formes classiques de criminalité se sont souvent révélées inadaptées au traitement de la cybercriminalité. Pourtant, à l’image de l’espace terrestre maritime ou aérien, le cyberespace n’est pas une zone de non droit et ne saurait être rebelle à toute activité régulatrice de ses contenus10. Dans ce contexte de mutations de l’ordre pénal, il a paru nécessaire pour l’architecture pénale du Sénégal d’apporter des réponses adaptées à la cybercriminalité, en vue de conjurer le développement de paradis numériques préjudiciables à l’éclosion d’une société de l’information sécurisée. Les pouvoirs publics sénégalais ont, dès janvier 2005, entrepris, un vaste chantier juridique de réforme ayant donné naissance à plusieurs textes de loi, dont la loi n° 2008-11 du 25 janvier 2008 portant sur la cybercriminalité qui a été intégré au Code pénal et au Code de procédure pénale et la loi n° 2008-41 du 20 août 2008 sur la cryptologie et son décret d’application n°2010-1209 du 13 septembre 2010. Récemment, le nouveau code des douanes adopté a pris en charge certains aspects de la cybercriminalité dans les activités de la douane. Ce texte a été marqué par l’érection de certaines cyberinfractions en délits douaniers de la troisième classe (art. 392 du code des douanes) et l’érection de la contrefaçon en en délits douanier de la première classe (article 390 du code des douanes). Ce nouveau texte a également innové en mettant à disposition des douaniers de nouvelles techniques d’investigation dans l’environnement électronique (saisie électronique et infiltration) Au plan régional, la CEDEAO a adopté une directive du 19 août 2011portant lutte contre la cybercriminalité ayant pour objet de l’harmonisation des législations pénales des Etats Membres. 8 M.VIVANT, « L’immatériel, nouvelle frontière pour un nouveau millénaire », J.C.P, éd.G, 2000, I. 193 ; P. SIRINELLI et M. VIVANT, De l’irrésistible ascension de l’immatériel, R.L.D.I, n°1, janvier 2005, p. 3 9 En ce sens, A CISSE, « Quel cadre juridique pour le Sénégal ? Éléments de synthèse », Séminaire « Informatique et libertés, quel cadre juridique pour le Sénégal ? » A.D.I.E, Dakar 29 et 30 août 2005 ; ND. DIOUF, « La procédure pénale à l’épreuve des nouvelles technologies de l’information », Rev. Ass. sén. dr. pén, n° 5, 6,7 et 8, 1997-1998, p.13 ; P.A TOURE, « L’audit des normes applicables à la cybercriminalité », Communication, Séminaire, « Informatique et libertés, quel cadre juridique pour le Sénégal ? », ADIE, Dakar, 29 et 30 août 2005. 10 Ph. AMBLARD, Régulation de l’Internet, l’élaboration des règles de conduite par le dialogue internormatif, Facultés Universitaires Notre Dame de la Paix de Namur, Bruyant, Bruxelles, 2004, p. 1 4 La loi uniforme de l’UEMOA du 3 septembre 2008 relative à la répression des infractions en matière de chèque, de carte bancaire et autres instruments et procédés électroniques de paiement a prévu un dispositif de répression des fraudes portant sur les instruments électroniques de paiement. Dans le cadre de l’OAPI, l’Annexe VII de l’Accord relatif à la création d’une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle (OAPI) conclu à Bangui le 02 mars 1977, modifiée en 1999, a procédé à une extension du champ des œuvres protégeables au titre du droit d’auteur aux programmes d’ordinateur et aux bases de données. Plus récemment, la 23e session ordinaire de la conférence de l’Union africaine tenue le 27 juin 2014 à Malabo ( Guinée équatoriale) a adopté la Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel. Cette convention comporte un chapitre III consacré à la promotion de la cybersécurité et à la lutte contre la cybercriminalité. A l’échelle internationale il n’existe pas encore une convention au niveau des Nations Unies consacrée à la lutte contre le cybercrime. Mais, le Conseil de l’Europe a adopté la Convention de Budapest sur la cybercriminalité du 23 novembre 2001 ouverte à l’adhésion des Etats non membres du Conseil de l’Europe. Il s’agit alors du premier traité international contre le phénomène de la cybercriminalité. Au Sénégal, comme dans les instances internationales, la gouvernance de la lutte contre la cybercriminalité est passée par l’articulation d’un véritable mouvement de modernisation des infractions pénales11. Les rédacteurs de la loi du 25 janvier 2008 sur la cybercriminalité et du nouveau code des douanes ont eu pour souci de dissiper le malaise des autorités judiciaires et des agents de l’administration douanière, par la création d’incriminations nouvelles spécifiques aux TIC en vue de combler les vides juridiques constatés dans la législation pénale (I) et par l’adaptation des incriminations classiques aux dites technologies (II) I. L’adoption d’incriminations nouvelles spécifiques aux TIC L’essor contemporain de la révolution numérique a généré l’apparition de nouveaux « biens » caractérisés par leur immatérialité qualifiés par la doctrine de « biens informationnels »12 ou de « biens informatiques »13. uploads/Science et Technologie/ aspects-juridiques-de-la-cybercriminalitv.pdf

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