Méthodes d'élaboration de cristaux massifs pour l'optique. Bernard Ferrand LETI

Méthodes d'élaboration de cristaux massifs pour l'optique. Bernard Ferrand LETI/DOPT/SCOPI/LCDO/Matériaux/CEA-Grenoble 17 rue des Martyrs, F-38054 GRENOBLE CEDEX 9, FRANCE bernard.ferrand@cea.fr http://www-leti.cea.fr Résumé. Depuis le début des années 80, on assiste à un développement considérable des recherches sur les cristaux pour l'optique. L'avènement des diodes laser de puissance d'une part et l'exploitation des effets optiques non-linéaires dans les dispositifs optiques d'autre part ont contribué au développement de nouvelles sources lasers solides compactes et performantes donnant des émissions dans toute une gamme de longueurs d'onde ouvrant ainsi le champ à de nouvelles applications. Ces recherches ont nécessité l'élaboration de nouveaux cristaux laser et non-linéaires mais également relancé les études autour de cristaux connus en s'appuyant sur de nouveaux dopages par des terres rares ou des ions de transition. Toutes les techniques de croissance classiques ont été mises à contribution pour élaborer ces cristaux. Dans cet article nous décrirons ces principales techniques de croissance cristalline en s'attachant à développer des exemples concernant des cristaux ioniques ayant des applications en optique. Nous décrirons plus particulièrement les méthodes de croissance faisant appel à une transformation liquide-solide. Parmi les techniques de croissance, on peut distinguer les méthodes à croissance rapide et les méthodes à croissance lente. Les méthodes à croissance rapide (quelques mm/h) opèrent aux températures élevées permettant d’obtenir de gros monocristaux et sont généralement caractérisées par une croissance dirigée à partir d’un bain fondu. Les méthodes à croissance lente (quelques mm/jour) procèdent généralement à des températures plus basses et s’imposent quand la fusion du cristal n’est pas congruente. Ce sont généralement les méthodes de croissance en solution faisant appel à un solvant et la synthèse hydrothermale. En fin de chapitre nous mentionnerons rapidement les techniques de transformation vapeur-solide permettant la croissance de monocristaux massifs. Mots-clés. Monocristaux, cristallogenèse, matériaux pour l’optique. 1. INTRODUCTION Le fondateur de la cristallogenèse scientifique est le professeur A. Verneuil. Dans un compte-rendu à l’Académie des Sciences en 1904, il décrit une technique de croissance par fusion à la flamme qui lui permet d’obtenir les premiers monocristaux de saphir et rubis [1]. En 1916 Jan Czochralski réalise la première expérience de tirage d’un fil d’étain monocristallin à partir d’un bain fondu [2,3]. Puis de nouvelles techniques de croissance apparaissent : Bridgman (1923), Kyropoulos (1926), Stockbarger (1936)... En réalité, dès la fin du XIXe siècle, de nombreux cristaux avaient été synthétisés par des techniques à base de réactions chimiques et de solvants [4]. Plus que la pierre naturelle, le cristal synthétique va entrer dans la physique moderne comme la forme parfaite de la matière solide [5]. Élaboration et caractérisation des cristaux massifs et en couches minces pour l’optique © EDP Sciences, 2003 http://dx.doi.org/10.1051/bib-sfo:2002807 Toutes ces techniques de cristallisation, pour se développer, vont devoir attendre soit des débouchés industriels, soit une meilleure compréhension de la physique du cristal, et surtout à partir des années 30, une meilleure compréhension des conceptions atomistiques de la cristallogenèse. Article disponible sur le site EDP Sciences et disponible sur le site http://sfo.edpsciences.org ou http://dx.doi.org/10.1051/bib-sfo:2002807 B. Ferrand : Méthodes d’élaboration de cristaux massifs pour l’optique. 2/19 L’intérêt croissant des cristaux pour la recherche depuis les années 50 va faire apparaître de nouveaux procédés d’élaboration et la cristallogenèse va permettre d’obtenir des cristaux que la nature elle- même n’a pas su créer. Les nombreux travaux qui lui sont alors consacrés vont déboucher sur d’extraordinaires applications techniques, notamment dans le domaine de l’électronique et de l’optique. L’importance des monocristaux demeure aujourd’hui essentielle pour les technologies présentes et futures [6]. Les cristaux naturels se sont formés lentement par cristallisation de laves en refroidissement ou par évaporation lente. En laboratoire, quelques heures, voire quelques jours, suffisent pour faire croître un cristal. Pour obtenir un cristal il faut donner aux atomes la possibilité de se déplacer et de se réarranger correctement. R.A. Laudise a proposé une classification des méthodes de croissance qui résume la plupart des procédés actuels [7]. Parmi les techniques de croissance, on peut distinguer les méthodes à croissance rapide et les méthodes à croissance lente. Les méthodes à croissance rapide (quelques mm/h) opèrent aux températures élevées permettant d’obtenir de gros monocristaux et sont généralement caractérisées par une croissance dirigée à partir d’un bain fondu. Les méthodes à croissance lente (quelques mm/jour) procèdent à des températures plus basses et s’imposent quand la fusion du cristal n’est pas congruente. Ce sont généralement les méthodes de croissance en solution faisant appel à un solvant et la synthèse hydrothermale. Si dès 1910, l’industrialisation de cristaux de rubis pour la joaillerie démarrait dans le laboratoire d’A. Verneuil à Paris (30 fours), puis dans l’usine Djevahidjian à Monthey en Suisse, c’est le développement de l’électronique et des dispositifs à semi-conducteurs qui va faire évoluer les techniques de cristallogenèse. La découverte du transistor dans les laboratoires Bell aux USA en 1950 va permettre de lancer le tirage d’un premier cristal industriel de grandes dimensions : le germanium [8]. Puis ce sera le silicium, ainsi que les semi-conducteurs III-V (AsGa, InP) et II-VI (CdTe). La découverte en 1960 du premier cristal laser, le rubis ou alumine dopée chrome : Al2O3:Cr3+, obtenu par croissance Verneuil, lance le développement de la cristallogenèse des cristaux pour l’optique [9]. C’est d’ailleurs grâce au rubis que fut mis en évidence expérimentalement pour la première fois l’effet LASER. L’année suivante, l’effet laser est obtenu à 1,064 µm dans un monocristal de CaWO4 dopé Nd, obtenu par tirage Czochralski [10]. Puis ce fut la découverte du monocristal de grenat d’yttrium et aluminium : Y3Al5O12. Outre les cristaux lasers (à matrices ioniques ou à semi-conducteurs) [11], les applications faisant appel à des effets optiques non-linéaires ont permis le développement de nombreux nouveaux monocristaux [12]. 2. LES DIFFÉRENTES MÉTHODES D'ÉLABORATION DES CRISTAUX Dans cet article, nous décrirons les principales techniques de croissance cristalline en s'attachant à développer des exemples concernant des cristaux ioniques ayant des applications en optique. Comme évoqué précédemment, nous présenterons d'abord les techniques à croissance rapide utilisées pour les cristaux à fusion congruente, puis les techniques à croissance lente adaptées aux cristaux à fusion non congruente. Nous décrirons plus particulièrement les méthodes de croissance faisant appel à une transformation liquide-solide. En fin de chapitre nous mentionnerons rapidement les techniques de transformation vapeur-solide permettant la croissance de monocristaux massifs. 2.1. Les méthodes à croissance rapide 2.1.1. La méthode Verneuil Le procédé de fusion à la flamme est resté pratiquement inchangé jusqu'à ce jour, comme l'avait décrit A. Verneuil au début du 20e siècle. Ses avantages sont liés à l'absence de creuset, à la possibilité d'obtenir de très hautes températures (> 2000° C) et à sa simplicité qui lui a conféré un exceptionnel développement industriel. La poudre du matériau à cristalliser est fondue dans la flamme d'un chalumeau oxhydrique. Son entraînement est réglé par le choc périodique d'un petit marteau et après passage dans le chalumeau, la poudre fondue vient cristalliser sur un germe. Celui-ci est placé sur un support mobile inférieur et protégé par un moufle réfractaire qui entoure le cristal naissant (Fig. 1). B. Ferrand : Méthodes d’élaboration de cristaux massifs pour l’optique. 3/19 La vitesse de croissance d'une boule de quelques dizaines de millimètres de diamètre est de l'ordre du cm/h, ce qui entraîne des contraintes importantes dans le cristal et une qualité cristalline pas toujours excellente. Ce sont surtout les forts gradients thermiques qui génèrent des contraintes et les inclusions de gaz qui expliquent la mauvaise qualité cristalline. Néanmoins dans l'industrie des lasers solides, les lasers à rubis et saphir-titane utilisent couramment des monocristaux d'Al2O3 dopé (Cr3+ ou Ti3+), obtenus par méthode Verneuil. En France aujourd’hui la société RSA Le Rubis fabrique et commercialise des monocristaux de saphir obtenus par méthode Verneuil. FIG. 1. Principe de la méthode Verneuil. 2.1.2. La méthode Czochralski La technique la plus couramment utilisée aujourd'hui pour la production de nombreux monocristaux est le tirage Czochralski. Elle consiste à cristalliser le matériau à partir de sa phase liquide en trempant à la surface du bain fondu un germe monocristallin orienté du cristal à obtenir. Le bain se solidifie sur le germe légèrement plus froid. Le cristal formé est extrait en tirant lentement ce germe vers le haut. On peut contrôler le diamètre de croissance du cristal en faisant varier la température du bain ou la vitesse de tirage. Aujourd'hui on utilise une pesée du cristal (ou du creuset) pour contrôler le diamètre du cristal. La température du bain, du moins à l’interface, est fixée par l’équilibre solide-liquide. En réalité, on fait varier l’apport de puissance au bain, le cristal compensant la différence en générant plus ou moins de chaleur latente de solidification, donc en modifiant son diamètre. La pesée du cristal n’est pas utilisée pour le silicium car le solide est plus léger que le liquide. B. Ferrand : Méthodes d’élaboration de cristaux massifs pour l’optique. 4/19 FIG. 2. Principe de la méthode de tirage Czochralski. Un appareillage Czochralski est généralement composé de 2 parties : une partie supérieure supportant la tête de tirage et une partie inférieure où se trouve le creuset calorifugé, chauffé par induction haute fréquence (Fig. uploads/Science et Technologie/ elaboration.pdf

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