Présences, revue d’étude des pratiques psychosociales Étudier sa pratique : une
Présences, revue d’étude des pratiques psychosociales Étudier sa pratique : une autoformation existentielle par la recherche Pascal Galvani Pascal Galvani est professeur au département des Sciences Humaines de l’Université du Québec à Rimouski. Il a toujours suivi un double parcours d’intervenant et de chercheur dans les domaines de l’animation, de la formation, du conseil et de la recherche-action. Ses travaux de recherche explorent l’accompagnement de la formation dans une perspective transdisciplinaire et transculturelle. Pascal_galvani@uqar.qc.ca Résumé Le programme de Maîtrise en Étude des Pratiques Psychosociales a été créé en 2001 à l’Université du Québec à Rimouski. Cette démarche originale de formation par la recherche s’adresse aux praticiens et aux praticiennes de l’intervention psychosociale. La caractéristique principale de cette maîtrise est d’offrir un accompagnement méthodologique individuel et collectif à la recherche en s’appuyant notamment sur les démarches d’histoire de vie, de praxéologie et de recherche-action. Cet article présente comment l’accompagnement méthodologique des professeurs et la co-formation du groupe de pairs s’inscrivent au croisement des perspectives phénoménologique et herméneutique qui nourrissent la quête de savoirs, de compétences et de sens. Il souligne combien l’explicitation des savoirs issus de l’expérience favorise l’autoformation du sujet par le développement d’une posture de praticien- chercheur. Le programme de Maîtrise en Étude des Pratiques Psychosociales se défini comme une formation par la recherche sur l’expérience pratique. Il s’agit d’une formation par production de savoirs, une explicitation théoriques des savoirs pratiques. La démarche du programme a été inspirée par un courant de pensée de type réflexif qui puise à des sources méthodologiques et épistémologiques nord-américaines (St-Arnaud, 1992; Schön, 1994; Pilon, 2005) et européennes (Desroche, 1990; Pineau, 1991; Chartier & Lerbet, 1993; Galvani, 2006). Cet article a pour objectif de montrer les aspects fondamentaux de cette démarche de formation universitaire, qui permet un accompagnement de l’autoformation dans sa triple dimension : existentielle, pratique et cognitive. Trois raisons me poussent à souligner cette perspective. La première est que je me suis moi-même formé en suivant le Diplôme Universitaire d’Étude de la Pratique Sociale à Tours de 1986 à 1989. La seconde est que mes recherches sur l’autoformation m’ont amené à travailler avec Henri Desroche et Gaston Pineau qui ont créé et développé la recherche en étude des pratiques. Et enfin parce que j’ai eu le bonheur d’accompagner des groupes de praticiens dans cette maîtrise à l’université de Tours et à l’UQAR depuis 20011. 1 Le point de vue européen est probablement plus développé dans cet article compte tenu de mon propre parcours. Pour une explicitation des sources nord-américaines et plus spécifiquement québécoises, voir J.-M. Pilon, "L'accompagnement d'une recherche praxéologique de type science-action", dans Jean-Marc Pilon et Carol Landry, Formation des adultes aux cycles supérieurs Quête de savoirs, de compétences ou de sens ?, Presses de l'Université du Québec, 2005, pp. 69-95 références pour citer ce document: Galvani P. 2007. « Étudier sa pratique, une autoformation existentielle par la recherche », Présences : revue d’étude des pratiques psychosociales, vol 1. Étudier sa pratique une autoformation existentielle par la recherche L L’ ’é ét tu ud de e d de es s p pr ra at ti iq qu ue es s : : u un ne e a au ut to of fo or rm ma at ti io on n p pa ar r l la a r re ec ch he er rc ch he e Ce dispositif de formation par la recherche a été élaboré par Henri Desroche il y a trente ans, dans un esprit de collaboration avec des groupes coopératifs du monde entier. Histoire et principes de la maîtrise par l’étude des pratiques Dans les années cinquante, Henri Desroche, sociologue des mouvements utopistes et communautaires, voyageait dans les pays du tiers-monde pour ses recherches sur les coopératives. Il y rencontrait alors de nombreux autodidactes, devenus par la force de l’expérience des experts de haut niveau dans leurs domaines. C’est ainsi que, disait-il, ses séjours initialement prévus pour ses enquêtes de terrains sont devenus des séminaires d’accompagnement coopératif des recherches des uns et des autres. Chemin faisant, Desroche inventait une véritable démarche d’autoformation collective à la recherche. Innovateur génial, Desroche institutionnalisa cette heureuse intuition pratique en créant le Collège Coopératif en 1958. Il s’agit alors « de combiner les connaissances théoriques et professionnelles pour former et certifier universitairement des cadres et animateurs de l’expansion coopérative, de l’éducation des adultes, ou du développement des communautés. » (Draperi, 1997, p.199) Le développement des Collèges Coopératifs dans plusieurs universités françaises débouchera au début des années quatre-vingt sur la création du Diplôme des Hautes Études des Pratiques Sociales. La formation est personnalisée en fonction des curriculum vitae, du temps disponible et de la destination professionnelle. L’enseigné devient chercheur : auparavant essentiellement récepteur il devient émetteur ; lecteur il devient auteur. C’est à ce métier de chercheur en sciences sociales que Desroche initie les stagiaires du Collège, initiation qui prendra de plus en plus d’importance jusqu'à s’affirmer comme conduite éducative originale. Au collège coopératif, « l’autobiographie raisonnée » (l’exercice maïeutique) permet de déterminer l’objet de recherche-action, la problématique de recherche et le terrain d’étude, en début de parcours de formation. Les apports didactiques, essentiellement de nature universitaire et pluridisciplinaire, constituent l’essentiel de la formation proprement dite. La formation par la recherche- action induit une étroite relation entre les objets d’études et les pratiques sociales et professionnelles des stagiaires. » (Draperi, 1997, p.204) L’historique et les multiples filiations de la démarche initiée par Henri Desroche mériteraient de plus longs développements2 mais ce bref survol historique permet de voir que depuis son origine la recherche en étude des pratiques se conçoit comme une maïeutique du sujet accompagnée dans une coopérative de production de savoirs. Dans cette démarche de formation par la recherche, l’appropriation par le sujet de son pouvoir de formation est une construction permanente de liens entre des savoirs formels, des savoirs d’action et des connaissances existentielles. L’autoformation apparaît comme une alternance de formations expérientielles non-formelles et de formations formelles qui permettent de construire des savoirs à partir de la réflexivité sur l’expérience (Pineau, 1999). L’autoformation exprime l’action de mise en forme et de mise en sens personnelle qui articule différentes sources de formation : l’existence, l’expérience pratique et les connaissances offertes dans l’environnement social. Il s’agit d’un processus vital et permanent de production d’une forme personnelle, cohérente et sensée de l’existence. Comme le disait Bernard Honoré, « L’homme existe en formation. Il n’en décide pas. Ce qu’il faut décider, ce sont les conditions de son existence formative. Ainsi, lorsqu’on parle d’actions de formation, il conviendrait de considérer qu’il s’agit d’actions portant sur les conditions favorables au dévoilement de la formation dans notre existence » (Honoré, 1992, p. 168) 2 Voir à ce sujet Desroche 1971, 1978, 1989, 1990 ; Draperi 1997, 2002, Chartier & Lerbet 1993 ; Courtois & Pineau 1991. Présences, revue d’étude des pratiques psychosociales L’accompagnement de l’autoformation La formation en étude des pratiques s’organise à partir de la réflexion des personnes sur leur expérience vécue. Le formateur se centre sur l’accompagnement méthodologique de l’autoformation et l’animation de la co-formation. La responsabilité des formateurs est d’accompagner l’autoformation pour la mettre en culture au lieu de la mettre en miettes par l’imposition d'un programme prédéterminé (Pineau, 1991, p. 39). Plusieurs démarches inspirent l’accompagnement de l’autoformation dans la maîtrise en étude des pratiques psychosociales. L’analyse critique de la vie quotidienne, culturelle, professionnelle, de loisirs... Il s’agit d’un conseil méthodologique à la réflexion critique appliquée aux situations vécues par les personnes en formation. L’accompagnement méthodologique se centre sur les différentes phases de la démarche de recherche : problématisation de l’expérience vécue, recherche d’informations et expérimentation active. On peut citer la méthode d’Entraînement Mental (Dumazedier, 1994) et les pratiques de formation expérientielle (Courtois & Pineau, 1991). L’histoire de vie en formation Les démarches d’histoire de vie en formation s’appuient, elles aussi, sur une démarche réflexive étendue à tous les domaines de la vie adulte. Elles privilégient une approche transversale de la quête de sens que représente toute formation (Josso, 1991; Galvani, 1997). L’exploration et le développement des savoirs d’action Les ateliers de praxéologie (St-Arnaud, 1992) l’entretien d’explicitation (Vermersch, 1996) et les groupes de codéveloppement professionnels (Champagne & Payette, 1997) développent l’accompagnement de l’autoformation des savoirs d’actions en s’appuyant sur la notion de praticien réflexif (Schön, 1994). Toutes ces pratiques d’aide à l’autoformation ont en commun de s’organiser sur un accompagnement méthodologique permettant d’articuler la réflexion sur l’expérience vécue avec une production individuelle ou collective de sens ou de connaissances (Galvani, 2006). Une coopérative de production de savoirs : croisement et échanges de savoirs Construire la formation sur une dynamique de problématisation et de modélisation de l’expérience signifie que l’on part des questions de la pratique mais que l’on n’y reste pas. Il ne s’agit pas d’une simple résolution de problème. Pour transformer les cadres de compréhension de manière formative il faut aussi questionner la manière dont on construit le problème. Organiser la co-formation par les échanges réciproques de savoirs C’est l’échange collectif sur les problématiques individuelles qui permet la prise de conscience que tout problème uploads/Science et Technologie/ galvani-autoformation-existentielle-recherche-revue-presences-vol1.pdf
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- Publié le Jan 17, 2021
- Catégorie Science & technolo...
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