IV Prévention et prise en charge 537 Introduction : Du repérage à la prise en c

IV Prévention et prise en charge 537 Introduction : Du repérage à la prise en charge à l’école et à la pratique clinique La principale attente de la société concernant les troubles des apprentissages est la possibilité d’une prise en charge adaptée pour les enfants qui en ont besoin. On est en droit d’attendre de cette prise en charge qu’elle soit scien- tifiquement validée, c’est-à-dire qu’elle repose sur des principes et des méthodes qui ont fait la preuve de leur efficacité. On se heurte là à une pre- mière difficulté car, contrairement aux traitements médicamenteux qui doi- vent faire l’objet d’essais cliniques et sont soumis à autorisation de mise sur le marché, les divers modes de prises en charge préconisés pour les troubles de l’apprentissage ne sont pas soumis aux mêmes exigences. Cette situation nuit à la qualité de l’offre de soins et à sa lisibilité par les patients et leurs familles. Il reste donc un immense besoin de recherches cliniques dans ce domaine. Malgré tout, un certain nombre de méthodes (concernant essen- tiellement la dyslexie) ont été évaluées, et il est par conséquent possible de faire un état des lieux de ce que l’on sait de l’efficacité des différents traite- ments qui sont actuellement proposés. Toute prise en charge suppose au préalable un diagnostic. Ce diagnostic lui- même n’est pas sans difficulté, en premier lieu parce qu’il repose avant tout sur des symptômes comportementaux. Ceux-ci sont par nature plus difficiles à apprécier objectivement que des symptômes purement physiologiques, ce qui peut mettre en péril la validité du diagnostic. C’est pourquoi tout dia- gnostic d’un trouble des apprentissages doit se baser non seulement sur l’entretien et l’observation informelle pratiquée par le clinicien, mais égale- ment sur des mesures plus objectives telles que celles obtenues grâce à des batteries de tests dûment validées et étalonnées. Ces « outils », aujourd’hui indispensables à tout diagnostic valide, sont répertoriés et analysés. Malgré l’apport certain des batteries standardisées, il n’en reste pas moins que les données que celles-ci fournissent restent entachées d’« erreurs de mesure » non négligeables, car toute mesure comportementale est influencée par de multiples facteurs (fatigue, concentration, motivation, contexte, sans parler des traitements eux mêmes…) qui sont en partie hors de contrôle du profes- sionnel, comme du sujet lui-même. Une qualité essentielle d’une bonne bat- terie standardisée est donc sa capacité à fournir des mesures stables malgré les inévitables variations qui affectent le comportement (la « fiabilité test- retest »). Dans la majorité des cas, on atteint des fiabilités raisonnables mais Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie – Bilan des données scientifiques 538 loin d’être parfaites. Cette fiabilité relative affecte potentiellement celle du diagnostic, qui doit donc autant que possible se baser sur des mesures croisées et convergentes à travers différents tests. Plus fondamentalement, les troubles des apprentissages sont par définition des troubles développementaux, et sont donc par nature évolutifs. Les capacités cognitives de tous les enfants évoluent dans le temps (avec de grandes varia- tions), et celles des enfants porteurs de troubles des apprentissages évoluent dif- féremment. Il est par conséquent difficile de définir, sur la base des données collectées à un âge précis, des critères diagnostiques qui possèdent une stabilité absolue dans le temps. Il est donc courant qu’un enfant soit dyslexique une année mais pas la suivante, ou vice-versa. Il ne faut évidemment pas en déduire que l’enfant est guéri ou qu’il est subitement devenu dyslexique. Il peut simple- ment évoluer naturellement autour du seuil diagnostique, ou encore répondre à une intervention orthophonique ou à tout autre facteur dans son environne- ment. La notion de seuil diagnostique est d’ailleurs cruciale, dans la mesure où les capacités cognitives concernées varient continûment au sein de la popula- tion, sans discontinuité claire entre « la normalité » et « la pathologie », ce qui oblige donc à définir des seuils de sévérité forcément arbitraires pour définir le trouble exigeant une intervention. On voit donc ici l’importance de l’anam- nèse et du suivi longitudinal du développement de l’enfant par un profession- nel référent, pour pallier les insuffisances de la simple évaluation ponctuelle et de l’application aveugle de seuils diagnostiques. Les troubles des apprentissages ont encore ceci de particulier que, lorsqu’un diagnostic formel est possible, il est souvent bien tard pour intervenir. Il n’est jamais trop tard pour faire quelque chose, mais souvent une intervention plus précoce aurait été plus efficace et aurait évité bien des effets secondaires. Par exemple, lorsqu’un véritable diagnostic de dyslexie est possible, l’enfant a déjà subi au moins deux années d’échec dans l’apprentissage de la lecture, et a par conséquent accumulé du retard dans d’autres matières scolaires, ce qui peut engendrer une perte de confiance en lui, un rejet de l’institution sco- laire, et éventuellement déboucher sur des troubles anxieux, dépressifs ou de comportement. Au moment du diagnostic, l’enfant est donc déjà entré dans un cercle vicieux de l’échec dont il est extrêmement difficile de sortir. D’où l’intérêt évident de tenter des interventions plus précoces. Il faut néanmoins se garder de vouloir un véritable diagnostic plus précoce, car il manquerait cruellement de sensibilité et de spécificité. Ainsi, si l’on se mettait en tête de diagnostiquer la dyslexie au CP, étant donné les nom- breuses causes possibles de difficultés d’apprentissage de la lecture, on identi- fierait en fait beaucoup de mauvais lecteurs non dyslexiques, et par ailleurs on raterait un nombre non négligeable de véritables dyslexiques45. Pour ces 45. « Véritables dyslexiques » signifiant ici « vérifiant les critères diagnostiques usuels de la dyslexie lors d’une évaluation plus tardive ou sur le long terme » Introduction : Du repérage à la prise en charge à l’école et à la pratique clinique 539 raisons, il apparaît maintenant clairement préférable de prévoir une préven- tion pour les enfants qui sont « à risque » de développer une dyslexie et l’ensemble des mauvais lecteurs plutôt que de vouloir un diagnostic plus pré- coce conduisant directement à une prise en charge. La possibilité d’envisager une prévention pour des enfants « à risque » résulte directement des progrès de notre compréhension des causes des trou- bles des apprentissages. C’est dans le domaine de la dyslexie que des signes précurseurs ont le mieux été mis en évidence. Ces signes sont pour l’essen- tiel liés au langage oral et préexistent à l’apprentissage du langage écrit. Par ailleurs, la présence de troubles comportementaux, d’hyperactivité détecta- bles avant l’entrée au primaire est également un facteur de risque pour des troubles ultérieurs des apprentissages. Enfin, la mise en évidence de facteurs génétiques, avec pour corollaire les antécédents familiaux de troubles des apprentissages, permet de définir des enfants « à risque génétique » de déve- lopper un trouble des apprentissages. Ainsi, un enfant qui a un apparenté au premier degré dyslexique a environ un risque sur deux de devenir lui-même dyslexique. Ce type d’héritabilité est attesté, à divers degrés, dans l’ensemble des troubles développementaux. Il est important de souligner qu’aucun des facteurs de risque mentionnés ci-dessus ne permet une véritable prédiction individuelle de la dyslexie, autre que probabiliste. Ils doivent être simple- ment traités comme des facteurs de risque, c’est-à-dire attirer l’attention et augmenter la vigilance vis-à-vis des premiers signes de troubles des appren- tissages. Une autre possibilité en terme de prévention découle du fait que l’ensemble des mauvais lecteurs peut bénéficier d’une réponse pédagogique précoce « de première intention », indépendamment de tout diagnostic formel. Dès le CP, il est possible d’identifier un certain nombre d’enfants qui ont du mal à acquérir les bases de la lecture pour des raisons variées. De multiples études expérimentales montrent qu’une intervention pédagogique ciblée possédant certaines propriétés peut bénéficier à une proportion significative des mau- vais lecteurs. Pour les mauvais lecteurs non dyslexiques, cela revient à leur fournir un soutien pour compenser leur faible niveau de langage oral ou leurs handicaps socioculturels. Pour les mauvais lecteurs dyslexiques, cela permet de leur apporter précocement une aide ciblée efficace pouvant atténuer leurs difficultés et éviter à une partie d’entre eux d’entrer dans la spirale de l’échec. Bien entendu, pour les enfants qui ne répondent pas totalement à ce type d’intervention « de première intention », une véritable prise en charge médicale individuelle sera nécessaire. Un panorama des possibilités de pré- vention et des études scientifiques qui ont déjà été réalisées dans ce domaine est présenté dans cette partie. Enfin, la prise en charge des enfants porteurs de troubles spécifiques des apprentissages nécessite l’implication de plusieurs catégories de profession- nels et de multiples institutions. Il est crucial de clarifier le rôle dévolu à Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie – Bilan des données scientifiques 540 chacun de ces acteurs et de mettre en place un système qui permette de coordonner leurs actions et d’insérer chaque enfant dans un parcours de pré- vention et/ou de soins adapté. Le dernier chapitre de cette analyse fait plus particulièrement le point sur ces questions organisationnelles. 541 ANALYSE 21 Repérage, dépistage et diagnostic Les outils de dépistage et de diagnostic des troubles des apprentissages seront envisagés dans une démarche méthodologique partant du repérage des trou- bles ou uploads/Sante/ dyslexie-analyse-iv.pdf

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  • Publié le Jan 19, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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