Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préve
Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique Juliette Gueguen Isabelle Dufaure Caroline Barry Bruno Falissard Avec l’expertise critique d’Hadrien Reyre et de Luca Semerano 10/01/2014 2 Evaluation de l’efficacité de la pratique du jeûne comme pratique à visée préventive ou thérapeutique Revue de la littérature médicale scientifique et de la littérature destinée aux professionnels RESUME Le jeûne est une pratique ancienne, qui trouve actuellement un regain d’intérêt dans des contextes très variables : du rituel religieux à la pratique médicalisée en passant par le simple choix de vie. Le terme jeûne englobe plusieurs types de pratique : jeûne complet (seule l’eau est permise), jeûne partiel (apport calorique très modeste, autour de 300 kcal/jour), jeûne continu ou jeûne intermittent. En France, contrairement à d’autres pays d’Europe, le jeûne à visée préventive ou thérapeutique n’est pas à ce jour proposé dans un cadre médicalisé. Jeûner induit des modifications métaboliques qui pourraient être utilisées à bon escient dans diverses situations pathologiques. Cependant, aucune donnée clinique reposant sur des essais méthodologiques rigoureux ne peut étayer aujourd’hui le bien-fondé de cette piste, qui reste donc pour l’instant essentiellement théorique. Il faut toutefois noter la grande difficulté qu’il y a ici, encore plus qu’ailleurs, à réaliser des essais thérapeutiques conformes aux canons du méthodologiquement correct. Par exemple, arrêter partiellement ou non de s’alimenter pour « aller mieux » résulte souvent d’un cheminement personnel profond ; il n’est donc pas aisé de le décider à l’issue d’un tirage au sort. Ainsi, seulement quatre études respectant le principe de la randomisation ont été retrouvées dans la littérature internationale traitant du sujet, dont une seule méthodologiquement bien menée : il s’agit d’un essai réalisé en 1991 sur 53 patients atteints de polyarthrite rhumatoïde. Cet essai est positif (i.e. en fin d’essai les patients du groupe « jeûne » allaient mieux que les patients du groupe 3 contrôle, sans intervention nutritionnelle), mais le fait qu’il ait été réalisé sur un si petit nombre de sujets et n’ait pas été répliqué ne permet pas de conclure avec un minimum de confiance que le jeûne est une pratique intéressante dans un tel contexte. D’autres études (non randomisées) présentant des analyses comparatives intergroupes ont été réalisées sur l’efficacité du jeûne dans la polyarthrite rhumatoïde, mais avec un bras contrôle différent, à savoir le régime méditerranéen. Ces études n’ont pas retrouvé de supériorité du jeûne. Concernant les autres indications traitées dans ce rapport (pathologies chroniques, facteurs de risque cardio-vasculaire, obésité, sommeil, cancer), les études analysées ne permettent pas non plus de conclure, de par leur faible nombre, leur faible effectif, et leurs qualités méthodologiques discutables. Comme toujours, de nouvelles études doivent être réalisées, et certaines sont d’ailleurs en cours, en particulier sur l’utilisation du jeûne en cancérologie, utilisé pour limiter les effets secondaires des chimiothérapies. Enfin, soulignons que si la pratique du jeûne encadré médicalement semble globalement peu dangereuse, des risques réels existent dans des contextes différents et la plus grande prudence est alors de mise. Au total, le jeûne est une pratique complexe à évaluer, en particulier car il fait référence à d’autres dimensions que la seule dimension thérapeutique, et est souvent associé à une philosophie de vie. Les études qui s’intéressent au jeûne en tant que pratique thérapeutique sont à ce jour encore peu nombreuses et leur qualité méthodologique est souvent insuffisante et surtout limitée par la dimension particulière du jeûne. D’autres études sont nécessaires, ainsi qu’une réflexion autour de la méthodologie la plus adéquate et la plus pertinente pour réaliser de telles études. 4 ABREVIATIONS ANSES : agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation de l’environnement et du travail β-HB : β hydroxybutyrate CNOM : Conseil national de l’ordre des médecins CRP : protéine C réactive DHEAS : dehydroepiandrostérone sulfate ECR : essai contrôlé randomisé FC : fréquence cardiaque FENAHMAN : Fédération française de naturopathie IAHP : Association internationale des praticiens hygiénistes (International Association of Hygienic Physicians) IL6 : Interleukine-6 IMC : indice de masse corporelle MIVILUDES : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires NFS : numération formule sanguine OMNES : Organisation de la médecine naturelle et de l’éducation sanitaire OMS : Organisation Mondiale de la santé PA : Pression artérielle (PAd : pression artérielle diastolique ; PAs : pression artérielle systolique) POP : polluants organiques persistants PR : polyarthrite rhumatoïde RCT : voir ECR (randomized controlled trial) VS : vitesse de sédimentation TA : tension artérielle 5 SOMMAIRE Résumé ................................................................................................................................................. 2 ABREVIATIONS ...................................................................................................................................... 4 Sommaire .............................................................................................................................................. 5 Généralités sur le jeûne ........................................................................................................................ 7 Définitions ............................................................................................................................................ 7 Jeûne, naturopathie et hygiénisme ...................................................................................................... 8 Fondements conceptuels ................................................................................................................... 13 Physiologie du jeune .......................................................................................................................... 14 Statut du jeûne en France .................................................................................................................. 16 Controverses ...................................................................................................................................... 18 Indications .......................................................................................................................................... 19 Traitements ........................................................................................................................................ 20 Recherche ........................................................................................................................................... 22 Revue de la littérature Scientifique ..................................................................................................... 25 Méthodologie ..................................................................................................................................... 25 Glossaire ............................................................................................................................................. 27 Description de la Littérature Scientifique identifee ........................................................................... 28 Polyarthrite rhumatoide, Fibromyalgie et douleurs choniques ......................................................... 31 Pathologies chroniques ...................................................................................................................... 54 Facteurs de risque cardio-vasculaires ................................................................................................ 64 Obésité ............................................................................................................................................... 71 Effets secondaires de la chimiothérapie ............................................................................................ 75 Sommeil .............................................................................................................................................. 77 Discussion ........................................................................................................................................... 79 Sécurité du Jeune a visée préventive ou thérapeutique ...................................................................... 83 Introduction ........................................................................................................................................ 83 6 Matériel et méthodes ......................................................................................................................... 84 Résultats ............................................................................................................................................. 84 Annexes .............................................................................................................................................. 99 Bibliographie ......................................................................................................................................103 Rapport des experts ...........................................................................................................................106 Conclusion ..........................................................................................................................................113 7 Nous allons lire dans les pages qui suivent une synthèse des informations relatives à l’efficacité et à la sécurité du jeûne comme pratique thérapeutique. Ces informations seront tirées soit de la littérature médicale scientifique nationale et internationale soit de la littérature spécialisée destinée aux professionnels. Ce corpus sera ensuite analysé et critiqué par deux experts spécialisés dans l’évaluation des thérapies. Le document se terminera par une conclusion. GENERALITES SUR LE JEUNE Le jeûne est une pratique qui a existé de tout temps, associée à divers objectifs : meilleure santé, auto-guérison, pratique spirituelle ou religieuse, ou encore à visée revendicative (grève de la faim). Ce document s’intéresse à l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité de la pratique du jeûne uniquement dans sa dimension revendiquée de pratique à visée préventive ou thérapeutique. Ce document ne s’intéresse pas aux autres dimensions du jeûne (spirituelle, religieuse, protestataire). DEFINITIONS Jeûne : Le jeûne complet consiste à s’abstenir de tout aliment (solide et liquide), à l’exception de l’eau, pendant une période plus ou moins longue. Le terme « jeûne » englobe plusieurs types de cures et de jeûnes : jeûne complet (ou total), jeune partiel (ou cures), jeûne continu ou intermittent : - Un jeûne est total (ou complet) si l’apport calorique est nul. Au cours d’un jeûne total, seule l’eau est permise. En cas d’arrêt des apports hydriques, on précisera le terme en parlant de jeûne sec. - Un jeûne est partiel si l’apport calorique n’est pas nul, tout en restant très modeste (en général de 250 à 300kcal/jour au maximum). La diète repose en général sur des jus de fruits ou de légumes, sans apport calorique solide. En particulier, le jeûne de type « Buchinger »1 consiste en un régime à base de bouillons de légumes, de jus de fruits et de légumes fraîchement pressés, avec un 1 Du nom du médecin qui a développé ce type de cure et ouvert un centre dans les années 1950. https://www.buchinger- wilhelmi.com/content/fr/dr-otto-buchinger?language=fr 8 peu de miel et une abondance de tisanes et d'eau, pour un apport calorique moyen de 250 Kcal/jour. - Un jeûne peut être continu ou intermittent (cures où l’on jeûne un jour sur deux par exemple, ou un jour par semaine). o En cas de jeûne continu, sa durée est variable (de 1 à > 40 jours). En cas de jeûne intermittent, l’étalement et le rythme du jeûne sont variables. o Un jeûne continu peut ou non être précédé d’une phase préparatoire, avec modification progressive de l’alimentation (où l’apport calorique décroit progressivement). o Un jeûne continu peut ou non être suivi d’une phase de reprise progressive de l’alimentation. - Un jeûne peut ou non être réalisé sous supervision médicale. - Un jeûne peut ou non être associé à un repos complet2, ou au contraire à une activité physique. - Un jeûne peut être pratiqué par un sujet sain (plutôt à visée préventive) ou par un sujet malade (plutôt à visée curative). Il est donc important, lorsqu’on évalue l’efficacité et la sécurité du jeûne, de préciser de quel type de jeûne il s’agit. Dans la suite du rapport, nous présenterons différentes études, dans lesquelles différents types de jeûne ont été pratiqués. Nous préciserons à chaque fois les éléments disponibles dans l’étude permettant de caractériser le jeûne. JEUNE, NATUROPATHIE ET HYGIENISME Historiquement, la pratique du jeûne dans un but de prévention, de conservation ou d’optimisation de la santé, a été développée et portée par les courants naturopathes et hygiénistes. Nous présentons donc ci-dessous les définitions de la naturopathie et de l’hygiénisme. Naturopathie : Si l’on retient la définition proposée par l’OMS, d’une manière générale la naturopathie met l’accent sur la prévention et la promotion de la santé à travers l’usage de méthodes uploads/Sante/ inserm-rapportthematique-evaluationefficacitejeune-2014 1 .pdf
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Licence et utilisation
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- Publié le Jui 15, 2022
- Catégorie Health / Santé
- Langue French
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