COUR D'APPEL CANADA PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No: 500-09-001357-953

COUR D'APPEL CANADA PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No: 500-09-001357-953 (500-05-001438-892) DATE: 13 MARS 2001 ___________________________________________________________________ EN PRÉSENCE DE: LES HONORABLES MARC BEAUREGARD J.C.A. MARIE DESCHAMPS J.C.A. MICHEL ROBERT J.C.A. ___________________________________________________________________ PIERRETTE MONTAMBAULT et FRANÇOIS MONTAMBAULT, APPELANTS / INTIMÉS INCIDENTS - (demandeurs en reprise d'instance) et JACQUES MONTAMBAULT, (demandeur) c. HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT, INTIMÉ / APPELANT INCIDENT - (défendeur) ___________________________________________________________________ ARRÊT ___________________________________________________________________ [1] LA COUR statuant sur les pourvois principal et incident contre un jugement de la Cour supérieure du district de Montréal prononcé le 31 juillet 1995 par l'honorable Paul P. Carrière qui accueillait en partie l'action des appelants et condamnait l'intimé à payer aux appelants la somme de 54 092,56 $ avec les intérêts, l'indemnité et les dépens; [2] Après étude du dossier, audition et délibéré; AUTHENTIFICATION = GGV70F9UAE0R2 500-09-001357-953 PAGE: 2 [3] Pour les motifs exprimés dans l'opinion de la juge Deschamps auxquels souscrit le juge Robert; [4] REJETTE avec dépens le pourvoi principal; [5] ACCUEILLE en partie sans frais le pourvoi incident et réduit à 18 332,72 $ le montant de la condamnation. [6] Pour les motifs exprimés dans son opinion, le juge Beauregard aurait rejeté sans frais le pourvoi principal, accueilli sans frais le pourvoi incident et réduit la condamnation à 53 000 $. ________________________________ MARC BEAUREGARD J.C.A. ________________________________ MARIE DESCHAMPS J.C.A. ________________________________ MICHEL ROBERT J.C.A. Me Denis Boudrias, Me Guy Chaput Boudrias, Panet-Raymond Avocats des appelants Me Luc Bigaouette Desjardins Ducharme Avocats de l'intimé Date d'audience: 11 mai 2000 Domaine du droit: RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIF (DROIT) AUTHENTIFICATION = GGV70F9UAE0R2 500-09-001357-953 PAGE: 1 ___________________________________________________________________ OPINION DE LA JUGE DESCHAMPS ___________________________________________________________________ [7] Un hôpital est-il à l'abri des poursuites lorsqu'il suspend les privilèges de pratique d'un médecin ou, plus généralement, dans quelles circonstances un corps public peut-il être tenu aux règles de la responsabilité civile extracontractuelle? [8] Devenu omnipraticien en 1977, le docteur Jacques Montambault détient des privilèges de pratique au Centre hospitalier Maisonneuve-Rosemont (C.H.M.R.). Il s’intéresse à la gériatrie. Le 10 février 1986, bien qu’il ne détienne pas de certificat dans cette spécialité, il est nommé chef du service d’évaluation gériatrique. Le 11 novembre 1986, il est confirmé dans ce poste pour une période de deux ans se terminant le 31 décembre 1988. Il a peu de contacts avec les malades. Il s’occupe surtout de l’aspect théorique de la gériatrie et de l’organisation d’un congrès de gérontologie. [9] Après plusieurs plaintes du personnel par suite d’incidents inacceptables survenus depuis décembre 1986, le docteur Jean Duckett, chef du département de médecine générale du C.H.M.R., le 11 décembre 1987, propose au docteur Montambault de prendre un congé avec solde et de consulter un psychiatre pour une évaluation. En janvier 1988, le docteur Jacques Gagnon, psychiatre, voit le docteur Montambault. Il note une personnalité narcissique et de type limite (borderline). Il remarque aussi que le docteur Montambault ne reconnaît pas ses problèmes de comportement et qu’il serait imperméable à une psychothérapie. [10] En février 1988, après plusieurs rencontres, le docteur Duckett demande au docteur Montambault de démissionner, ce que ce dernier refuse de faire. Peu après, le docteur Raymond Barcelo, président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (C.M.D.P.) conseille au docteur Montambault de prendre congé, ce qui est aussi refusé par ce dernier. Le docteur Montambault est alors avisé que des mesures disciplinaires seront probablement prises contre lui. [11] Le 11 mars 1988, après consultation avec le directeur général du C.H.M.R., monsieur Claude Desjardins, le docteur Barcelo décide de suspendre d'urgence les privilèges de pratique du docteur Montambault. Cette décision est expliquée par monsieur Desjardins qui relate que, devant le comportement du docteur Montambault, il a été décidé de prévenir plutôt que d’attendre qu’une crise ne se produise. La suspension d'urgence est ratifiée le 14 mars 1988 par le conseil d'administration du C.H.M.R. AUTHENTIFICATION = GGV70F9UAE0R2 500-09-001357-953 PAGE: 2 [12] Au début de juin 1988, monsieur Desjardins propose au docteur Montambault de réorienter sa pratique vers le département de santé communautaire. Selon monsieur Desjardins, comme le docteur Montambault n’a ni les aptitudes d’un clinicien ni celles d’un gestionnaire, il est souhaitable qu’il puisse se faire valoir dans un département où il ne rencontre pas de patients et où il n’a pas à diriger une équipe. Le docteur Montambault refuse cependant la proposition; il estime que sa crédibilité sera affectée dans le milieu de la gériatrie s’il ne conserve pas son titre de chef de service en gériatrie. [13] Le 13 juin 1988, le comité de discipline entend une plainte portée contre le docteur Montambault. Après avoir rencontré les nombreux témoins et étudié deux expertises, l’une faite à la demande du C.H.M.R. et l’autre émanant d’un psychiatre retenu par le docteur Montambault, le comité de discipline, tout en reconnaissant l'existence de troubles psychiatriques ou de personnalité, recommande que soit annulée la suspension des privilèges de pratique du docteur Montambault. [14] Le 15 juin 1988, le C.M.D.P. recommande à son tour au conseil d’administration du C.H.M.R. d’annuler la suspension des privilèges de pratique. Le C.M.D.P. approuve cependant la destitution comme chef de service et recommande que la réintégration se fasse au département de santé communautaire. [15] Le 27 juin 1988, le conseil d’administration entend les observations du docteur Montambault et de son avocat. Le procès-verbal indique qu’il ressort des commentaires de ces derniers que la seule décision qui pourrait satisfaire le docteur Montambault est sa réintégration à titre de chef du service d’évaluation gériatrique. Le conseil d’administration s’y refuse, le destitue de son poste de chef de service et révoque ses privilèges de pratique. [16] Le même jour, soit le 27 juin 1988, le docteur Montambault est informé qu’il a échoué à l’examen oral clinique de gériatrie de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. [17] En juillet 1988, le docteur Montambault se pourvoit contre la suspension de ses privilèges de pratique devant la Commission des affaires sociales (C.A.S.). La destitution comme chef de service n’est pas sujette à révision. [18] À compter du 15 juillet 1988, sur les conseils de son avocat, le docteur Montambault accepte de suivre une thérapie. [19] Pendant l’été 1988, le docteur Montambault travaille à temps partiel dans différents centres. Au début de septembre 1988, il est exclu du comité organisateur du congrès de gérontologie. AUTHENTIFICATION = GGV70F9UAE0R2 500-09-001357-953 PAGE: 3 [20] En octobre 1988, il postule comme directeur du programme de gériatrie à l’hôpital Douglas. Sa candidature comme directeur n’est pas retenue, mais il est invité à faire partie de l’équipe comme praticien, ce qu’il refuse. [21] À l’automne 1988, sa santé se détériore. Il est hospitalisé pendant plus d’un mois au début 1989. Le 6 février 1989, il poursuit le C.H.M.R., lui reprochant d’être la cause de ses problèmes. [22] Le 20 septembre 1989, la C.A.S. annule la suspension d’urgence au motif qu’il n’y avait pas de risque pour la santé et la sécurité des patients. Elle infirme la décision révoquant les privilèges du docteur Montambault. Elle la remplace par une suspension de trois mois, soit du 27 juin au 27 septembre 1988. Elle estime que le docteur Montambault a fait preuve d’inconduite, mais que le problème était plus psychiatrique que disciplinaire. Elle précise qu’elle n’a pas à tenir compte de la capacité du docteur de reprendre le travail après la suspension. Pour elle, la sanction disciplinaire, seul point sur lequel elle a compétence, ne doit pas être plus sévère du fait de l’incapacité possible résultant d’une maladie psychiatrique. [23] Le C.H.M.R. demande la révision judiciaire de la décision. Le 13 août 1990, la Cour supérieure rejette la demande. [24] Le 4 octobre 1990, l’avocat du docteur Montambault demande au C.H.M.R. de le réintégrer mais de le considérer en congé de maladie, ce qui est refusé. Le docteur Montambault n’est pas en mesure de travailler. Il est hospitalisé à de nombreuses reprises. [25] Le 29 avril 1993, le docteur Montambault se suicide. Sa mère et son frère reprennent l’instance. [26] Deux thèses s’affrontent en ce qui a trait à la cause des problèmes du docteur Montambault. [27] Selon le docteur Denis Morrison, témoignant pour le docteur Montambault, la suspension d’urgence du 11 mars 1988, la révocation des privilèges hospitaliers et la signification de la requête en révision judiciaire sont les facteurs qui ont provoqué la dépression et l’effondrement du docteur Montambault. [28] Pour le docteur Pierre Y. Létourneau, témoignant pour le C.H.M.R., les résultats des tests sont caractéristiques d’une dysfonction cérébrale plutôt que d’un problème de santé mentale. Selon lui, la structure de personnalité très détériorée qui existait bien avant les événements survenus en 1988 constitue la cause probable du renvoi du docteur Montambault du C.H.M.R. AUTHENTIFICATION = GGV70F9UAE0R2 500-09-001357-953 PAGE: 4 [29] Le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, témoigne aussi à la demande du C.H.M.R. Il diagnostique un trouble grave de personnalité narcissique qui paraît plus important en raison de la présence concomitante d'un trouble de personnalité limite. Selon lui, bien que la suspension d’urgence ait pu provoquer des blessures narcissiques, la destitution comme chef de service et la terminaison de ses fonctions au comité organisateur du congrès de gérontologie sont beaucoup plus uploads/Sante/ jugement-jacques-montambault.pdf

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  • Publié le Jan 26, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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