Dossier Les infections de la hanche de l’enfant Antoine Hamel Service de chirur

Dossier Les infections de la hanche de l’enfant Antoine Hamel Service de chirurgie infantile, CHU de Nantes, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes Cedex <antoine.hamel@chu-nantes.fr> Les infections de la hanche peuvent survenir à tout âge chez l’enfant. Elles sont graves car elles peuvent mettre en jeu le pronostic vital, et également être responsables de troubles de la croissance. Leur diagnostic et leur traitement constituent une réelle urgence médico-chirurgicale. Mots clés : infection ostéoarticulaire, arthrite, ostéomyélite L a hanche est un des sites les plus fréquents d’infection chez l’en- fant. Lorsque la cavité articulaire est atteinte, il s’agit d’une arthrite septi- que. Lorsque la métaphyse est infec- tée, il s’agit d’une ostéomyélite. Par- fois, l’infection touche à la fois la cavité articulaire et la métaphyse ; il s’agit alors d’une ostéoarthrite [1]. Les infections de la hanche se voient à tout âge, mais elles revêtent des caractéristiques différentes en fonction de l’âge de l’enfant. Sur le plan bactériologique, il faut distinguer trois périodes : le nouveau- né, dont l’infection est soit d’origine materno-fœtale, soit nosocomiale (après un séjour en réanimation par exemple) ; les germes bacilles Gram négatifs en sont fréquemment respon- sables. Chez le nourrisson et l’enfant de moins de 2 ans, ce sont les germes bacilles Gram négatifs, les streptoco- ques et le staphylocoque doré qui sont en cause. Après 2 ans, le staphyloco- que doré et Kingella Kingae sont les germes le plus fréquemment retrouvé. Sur le plan clinique, il faut distin- guer également plusieurs périodes. L’enfant qui ne marche pas : en cas de fièvre, les zones de croissance et les articulations doivent être palpées à la recherche d’une douleur. Chez l’en- fant qui marche, une boiterie ou un refus de marche impose également l’examen articulaire et la palpation des métaphyses fertiles. Sur le plan anatomique, l’infection de hanche avant l’âge de 6 mois est toujours une ostéoarthrite. Après cet âge, l’os- téoarthrite ne survient qu’après une arthrite ou une ostéomyélite qui aurait évolué plusieurs jours. Les pathologies infectieuses de la hanche sont des urgences médico- chirurgicales, elles mettent en jeu le pronostic vital (choc septique), et le pronostic fonctionnel (troubles de croissance secondaires). L’ostéomyélite Elle est spécifique de l’os en crois- sance. C’est une urgence. Définition Il s’agit d’une infection hémato- gène (c’est la conséquence d’une septicémie ou d’une bactériémie), de l’os en croissance (elle n’existe plus à maturité osseuse), atteignant de préfé- rence la métaphyse des os longs. L’ex- trémité supérieure du fémur est constituée de trois cartilages de crois- sance : deux sont sphéroïdes, celui de mtp Tirés à part : A. Hamel doi: 10.1684/mtp.2007.0052 mt pédiatrie, vol. 10, n° 2, mars-avril 2007 103 la tête fémorale, et du grand trochanter, et un discoïdal, la plaque de conjugaison (figure 1). L’extrémité supérieure du fémur est responsable de 30 % de la croissance totale du fémur. En cas d’épiphysiodèse postostéomyélitique, le fémur sera plus court, son extrémité sera modifiée (coxa vara, col court, etc.) [2]. Clinique Il s’agit le plus souvent d’un jeune garçon sans antécé- dent particulier qui va présenter brutalement un tableau fébrile avec une température élevée souvent supérieure à 39°, une douleur d’un segment de membre, associée à une impotence fonctionnelle le plus souvent marquée, voire totale. Le tableau est impressionnant avec une altération importante et rapide de l’état général. L’interrogatoire retrouve souvent un épisode inflammatoire habituelle- ment rhinopharyngé, non spécifique. La notion d’un trau- matisme bénin, fréquent chez l’enfant, est parfois incrimi- née à tort et retarde la première consultation. L’examen clinique est riche d’enseignements. La règle devant un enfant fébrile est de rechercher une otite et de palper les épiphyses fertiles. Le grand enfant indique très clairement la zone douloureuse et impotente, et la palpation attentive et douce montre qu’il existe une douleur vive située au niveau de l’extrémité supérieure du fémur. L’examen doit toujours commencer par le côté non atteint et aller pro- gressivement vers la zone suspecte, de façon à déclencher immanquablement la douleur au niveau du cartilage de croissance. Le fait sémiologique important est que la mo- bilisation très douce de la hanche est « libre » et qu’il existe quelques mouvements passifs possibles, peu ou non douloureux. C’est le signe qui fait la différence entre l’arthrite septique et l’ostéomyélite. L’examen clinique doit être complet ; il faut toujours palper toutes les aires ganglionnaires ainsi que l’abdomen, cela sera très utile au moment du diagnostic différentiel. L’examen doit recher- cher une porte d’entrée qui est le plus souvent cutanée [3]. Biologie On fera en urgence une numération-formule sanguine (NFS) qui révèle souvent une hyperleucocytose impor- tante. La C. réactive protéine (CRP) est certainement ac- tuellement le meilleur marqueur du syndrome inflamma- toire et le meilleur outil de surveillance de l’efficacité du traitement. Elle est le plus souvent élevée. L’ostéomyélite aiguë est la conséquence d’une septicémie : le maître examen sera l’hémoculture. Elles doivent être répétées si l’on veut avoir le plus de chance possible de mettre un nom sur le germe en cause. Il faut savoir que le germe n’est retrouvé que moins d’une fois sur deux. La multiplication des prélèvements est donc fondamentale. Il ne faudra pas hésiter à faire plusieurs ponctions métaphysaires osseuses, utiles pour l’identification du germe. Imagerie Le choix de l’imagerie répond à une stratégie tenant compte des informations fournies, du coût et de la facilité de réalisation des différents examens. La radiographie standard est souvent normale au début de l’évolution de l’ostéomyélite. Elle est toujours en retard par rapport à la clinique de 10 jours à 3 semaines chez l’enfant. L’écho- graphie est un examen simple, non invasif, reproductible, d’obtention aisée. Au tout début elle sera aussi négative, mais aura le grand avantage de permettre l’étude de la hanche (recherche d’un épanchement intra-articulaire). Chez le tout petit, enfant elle sera un examen fondamen- tal. L’échographie permet également de découvrir préco- cement l’existence d’un abcès sous-périosté. Scintigraphie La scintigraphie sera utile lorsque la clinique n’est pas formelle et parfois pour la surveillance du traitement. L’IRM est certainement l’examen le plus sensible, mais difficile à obtenir en urgence et nécessitant des conditions de sédation particulières chez le tout petit enfant. L’IRM sera très utile pour suivre l’évolution de l’ostéomyélite surtout si celle-ci évolue vers la chronicité ou la constitu- tion d’abcès intra-osseux. Traitement Le traitement de l’ostéomyélite est une urgence. Il est nécessaire de faire idéalement tous les prélèvements bac- tériologiques (ponction métaphysaire et prélèvements périphériques) rapidement avant de mettre en route le traitement antibiotique. Le traitement consistera en une double antibiothérapie antistaphylococcique de principe, intraveineuse durant une dizaine de jours. Le repos strict a b c d e f Figure 1. Anatomie de la hanche. a : insertion du muscle moyen fessier. b : grand trochanter. c : surface articulaire. d : capsule. e : membrane synoviale. f : cartilage de conjugaison. Les infections de la hanche de l’enfant mt pédiatrie, vol. 10, n° 2, mars-avril 2007 104 au lit et la décharge sont formels. L’antibiothérapie est poursuivie 4 à 6 semaines par une monothérapie per os. Évolution Vue au début et traitée en urgence, une ostéomyélite aiguë a généralement une évolution favorable. Le bilan biologique fait au 3e jour montre une chute significative de la CRP ainsi que de la polynucléose. Lorsque l’évolution est favorable, la douleur disparaît généralement dans les 48 à 72 heures qui suivent le début du traitement. Lors d’évolution défavorable, l’extrémité supérieure du fémur reste douloureuse et sensible, tandis que la radiographie montre des signes d’ostéolyse et des appositions périostées et c’est à ce moment que des exa- mens comme l’échographie et l’IRM pourront être très utiles, à la recherche d’un abcès sous-périosté, d’un abcès intra-osseux. Formes cliniques La forme du nouveau-né et du nourrisson est parti- culièrement grave, avec un pronostic redoutable pour la croissance restante. Dans les deux tiers des cas, l’infection survient dans les 2 premiers mois de la vie, et il existe un pic de fréquence au 30e jour. Chez le nouveau-né ou le nourrisson, l’ostéomyélite de l’extrémité supérieure du fémur est toujours une ostéoarthrite. La clinique est parfois extrêmement trompeuse car il peut manquer la fièvre, mais il existe toujours une limitation douloureuse de la mobilité de la hanche, avec un aspect pseudo-paralytique. La palpation de l’extrémité supérieure du fémur ou la mobilisation de la hanche sont toujours douloureuses. Il existe également une forme septicémique très bruyante qui doit faire automatiquement rechercher des localisations (parfois multiples) métaphysaires et articulai- res chez le nouveau-né. La biologie confirme l’état infec- tieux et l’échographie est l’examen qui permet de mettre en évidence l’épanchement articulaire, parfois associé avec l’abcès sous-périosté. La radiographie est également très utile, donnant parfois un aspect de luxation de hanche (sans dysplasie acétabulaire), due à un épanchement arti- culaire souvent très important (figure 2). Le traitement sera une urgence absolue avec évacuation et lavage arti- culaire, antibiothérapie et immobilisation antalgique. L’ostéomyélite subaiguë a un tableau clinique moins évident que celui de l’ostéomyélite aiguë et il s’agit sou- vent d’une boiterie, d’un refus de marche. Il faut penser à la possibilité de l’ostéomyélite et faire uploads/Sante/ les-infection-de-hanche-chez-l-x27-enfant.pdf

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  • Publié le Sep 21, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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