LES FONDEMENTS MATHÉMATIQUES DE LA STATISTIQUE MÉDICALE EXPOSÉS DE MANIÈRE ÉLÉM

LES FONDEMENTS MATHÉMATIQUES DE LA STATISTIQUE MÉDICALE EXPOSÉS DE MANIÈRE ÉLÉMENTAIRE PAR J. HIRSCHBERG docteur en médecine Nous pouvons autant que nous savons. LEIPZIG ÉDITIONS VON VEIT & COMP. 1874 introduction (p. v à xii) traduite par Pierre Ageron Cercle d’histoire des sciences de l’IREM de Basse-Normandie juillet 2011 Ce qui est en noir est traduit de l’allemand. Ce qui est en vert est traduit du latin. Ce qui est en rouge est traduit de l’anglais. Ce qui est en bleu est en français dans le texte. Depuis que la médecine existe, on a enregistré les effets, réels ou présumés, des moyens thérapeutiques utilisés. Mais ce n’est que dans notre siècle que des justifications chiffrées globales des expériences thérapeutiques (et médicales en général) sont apparues de manière un peu plus fréquente. En 1835 eurent lieu à l’Académie des sciences de Paris de vifs débats sur l’applicabilité des méthodes numériques à la médecine ; en 1837, la querelle s’enflamma de nouveau à l’Académie de médecine de Paris, mais le monde médical ne fut pas convaincu. On ne voulait pas accorder au calcul des probabilités de droit de citoyenneté au sein de la médecine parce que, disait-on, on ne peut pas faire de science avec des probabilités. C’est ainsi que selon Bouillaud : « La somme de nos certitudes en matière d’étiologie, d’anatomie pathologique, de diagnostic et de thérapeutique est énorme : que dis-je ? La médecine ne serait pas une science, mais une sorte de jeu de hasard, sil elle ne roulait tout entière que sur des probabilités. » Bien qu’elles se trouvent dans son Essai sur la philosophie médicale, ces phrases sont peu philosophiques. En effet, la mathématique pure mise à part, l’ensemble de nos connaissances s’accommode d’un degré plus ou moins élevé de probabilité *), qui certes, dans certaines sciences comme la physique et la chimie, coïncide presque avec la certitude. Le calcul des probabilités, tout à fait indispensable dans dans beaucoup de domaines des sciences de la nature, ne mérite en aucune façon le peu de cas que font de lui certains médecins, le regardant de haut. « En astronomie et dans plusieurs partie de la physique, l’utilisation du calcul des probabilités a conduit depuis environ 50 ans à une précision auparavant insoupçonnée dans la détermination des constantes, ainsi qu’à d’autres découvertes importantes. Cette sorte de calcul ne sert pas seulement à retrouver les résultats les plus probables à partir d’un plus grand nombre d’observation, mais permet aussi de juger exactement de la certitude qui a été gagnée. Elle écarte par là tout arbitraire et enseigne à donner de l’importance à la fiabilité de chaque pas. Dans d’autres sciences, on n’en a fait usage qu’exceptionnellement, et dans celles-ci, il n’est pas rare, de nos jours encore, que soient avancées des lois qui ne sont ni fondées par elles-mêmes, ni suffisamment confirmées par l’expérience. – À partir de perceptions isolées, c’est-à-dire souvent très peu sûres, on veut dériver des lois générales. Des observations superficielles, qui sous certaines conditions souvent douteuses laissent plus ou moins deviner un lien entre des phénomènes, tiennent souvent lieu de théorie démontrée. » (Hagen) On conviendra sans peine que ces dernières phrases s’appliquent aussi à la science médicale. Il serait certainement de la plus haute importance d’apprendre à connaître les erreurs possibles dans les résultats dérivés des séries d’observations médicales et par conséquent leur degré de certitude, d’autant plus qu’une simple évaluation révèle que ces erreurs ne sont pas peu considérables. Il existe une grande différence entre la statistique habituelle (démologie) et la statistique médicale : dans la première, les comptages dont l’on veut tirer des conclusions peuvent être complètement menés à terme ; dans la seconde, ils ne peuvent être conduits qu’en petite partie. On peut parfaitement bien déterminer combien de pour cent de la population se trouve en ce moment dans sa première décennie de vie ; mais on ne peut pas compter quel est actuellement chez nous le pourcentage de mortalité par pneumonie. Dans la statistique pathologique et thérapeutique, on doit toujours surmonter la difficulté qui consiste à abstraire les lois à partir d’une induction quelque peu incomplète. Le calcul des probabilités peut nous aider à surmonter cette difficulté ; il peut et il doit nous montrer : 1) jusqu’où étendre les observations médicales pour que les résultats puissent prétendre à une validité générale ; 2) quel degré de précision possèdent les séries d’observations habituellement rendues publiques. Un présupposé évident du calcul est l’exactitude des observations individuelles sur lesquelles il repose ; on pourrait formuler pour cette condition le célèbre axiome de Morgagni de la manière suivante : les observations ne doivent pas seulement être comptées, mais aussi pesées. *) C’est pourquoi on ne se risquera à essayer de constater selon des principes physiques l’apparition d’une maladie, sa mortalité et l’influence sur elle de différentes *) Presque toutes nos connaissances ne sont que probables. Laplace. *) Cette vérification, sur laquelle on ne peut pas avancer de règles générales, peut seulement être mise en œuvre, selon des principes logiques, par des experts. Dans son Calcul des probabilités p. 104, Hagen a de la manière la plus brillante mis en évidence par un exemple comment on peut, dans le cas rare d’une série d’observations simulées, exposer la fiction avec l’aide du calcul des probabilités. thérapeutiques que dans les domaines médicaux où le diagnostic peut être établi avec sûreté et seulement avec des séries d’observations provenant de chercheurs compétents. L’objet présente cependant des difficultés tout à fait spécifiques. La méthode statistique (observation massive) est déjà en elle-même est largement en retard sur les méthodes expérimentales. Mais de même que le physicien doit appeler à la rescousse les observations massives dans les domaines où il ne peut pas expérimenter avec des substances pures et des phénomènes isolés, par exemple en météorologie, de même on a en thérapeutique absolument besoin d’observations massives, pour constater des lois sur le cours naturel des maladies et l’efficacité des traitements ; au reste, il s’avèrera même que des observations massives bien regroupées peuvent parfois jouer le rôle de l’expérience. En outre, les maladies n’existent pas véritablement : il n’y a que des individus malades, et les cas individuels que l’on justifie par les mêmes noms de maladies ne sont pas des unités identiques. Cependant, dans la nature organique, il n’y a pas non plus de genres et d’espèces, mais seulement différents êtres individuels, que le zoologiste et le botaniste rassemblent en groupes plus ou moins grands d’après leur similitude et leur parenté, et c’est certes à bon droit qu’ils le font. Pour que les expériences médicales prennent la forme d’une science, nous sommes obligés de regrouper les observations individuelles : c’est ce que l’on fait avantageusement depuis toujours. Les contradictions et la confusion, notamment en matière thérapeutique *) , proviennent en partie du fait qu’on dénombrait, certes, mais qu’on ne prenait pas en compte les lois des nombres, ou qu’on ne pouvait pas les prendre en compte **). Un fondement véritablement scientifique de la statistique médicale à travers le calcul des probabilités écartera les jugements ignominieux sur la statistique que l’on aperçoit si fréquemment dans la littérature médicale d’aujourd’hui ***). Les réserves de principe sur la question de savoir si on peut vraiment appliquer les méthodes numériques et le calcul des probabilités à la nosologie et à la thérapeutique ont été pour la première fois repoussées au début du siècle précédent, brièvement mais complètement, par Jacob Bernouilli *). « Ils objectent en premier lieu que la rationalité des calculs est une chose et que celle des maladies et des variations de l’air en est une autre, que dans ceux-là, le nombre est déterminé et que dans celles-ci, il est indéterminé et vague. À quoi je répondrai que les deux doivent être considérés comme incertains et indéterminés par rapport à notre connaissance. Mais que les uns et les autres soient ainsi **), en soi et et par nature, nous n’arrivons pas davantage à le concevoir qu’il puisse être conçu qu’une même chose soit à la fois créée et non créée par l’Auteur de la nature : car ce que Dieu a fait, par le fait même qu’il l’a fait, il l’a aussi déterminé. » ***) *) Andral : Avec 30 ou 40 observations vous pourrez établir le diagnostic et l’anatomie pathologique d’une maladie ; mais il vous faudra plusieurs années pour arriver à un résultat satisfaisant en thérapeutique. **) Le très éminent Bouillaud se plaint ainsi de l’introduction des méthodes numériques en médecine : « Je ne possède pas pour mon compte tous les éléments nécessaires. » ***) La statistique se rend, comme une fille publique, au premier venu. (Les Mondes). On peut tout faire démontrer aux statistiques. (Edinburgh Med. Journal) *) J. Bernouilli L’art de conjecturer partie IV, p. 227 **) C’est-à-dire : indéterminés. ***) C’est-à-dire : ce qui nous apparaît comme le fruit du hasard ne l’est pas par nature, mais dépend de causes que nous ne connaissons pas. En 1840, Gavarret †), en s’appuyant sur les calculs de Poisson uploads/Sante/ stat-medecine.pdf

  • 16
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Aoû 17, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1575MB