Les erreurs en FLS : signe de dysfonctionnement ou aubaine ? Mhadeb Boudabous P

Les erreurs en FLS : signe de dysfonctionnement ou aubaine ? Mhadeb Boudabous Professeur d’enseignement secondaire, Tunisie Résumé : Le présent article s’intéresse à une notion capitale en didactique des langues, à savoir l’erreur, et ce en analysant le statut assigné à ce concept, mais aussi les mécanismes sous-jacents à son apparition, tout en affinant son traitement et son accompagnement lors de l’apprentissage. Très souvent marginalisée, conçue comme un aléa de l’apprentissage et reléguée à un rang mineur, l’erreur s’avère cependant primordiale puisqu’elle permet de nous rendre compte d’une instauration en cours chez l’apprenant du système de la langue à acquérir, d’où la légitimité de commettre des erreurs qui font partie intégrante de ce processus. Vu que « la connaissance et l’erreur coulent des mêmes sources mentales », selon l’expression de J. Raison, comment peut-on apprendre sans prendre en considération ces maladresses, leurs moments d’apparition, et leurs origines? Est-il possible de développer ses compétences sans un traitement efficace et une revalorisation de l’erreur ? Mots-clé : apprentissage-traitement des erreurs-compétence grammaticale-correction- Abstact : This article is interested in a basic notion of languages didactics, in other words mistakes, and this by analysing not only the status assigned to this concept, but also the mecanisms basic to its appearance, while improving its treatment and accompaniment during learning. Usually marginalised, conceived as a bad side of learning and left behind, the mistake however proves to be essential for the learner since it allows us to realize the current building of the language to be acquired, thus committing mistakes is ligitimate as it is an integral part of this process. Since « knowledge and error come from the same mental sources », according to J. Raison, how can we learn without taking into consideration these awkwardnesses, the time when they arise, and their origins ? Is it possible to develop one’s competences without an efficient treatment and revaluing of error ? Introduction « On n’apprend rien que l’on n’a pas soi-même redécouvert et reconstruit », P. Meirieu a déjà signalé la nécessité de s’impliquer pleinement dans ce processus d’apprentissage. L’erreur, qui est étroitement liée à l’acte d’apprendre, apparaît, du moins avant l’avènement de l’ère cognitive, comme une sorte d’échec qu’il faut absolument bannir. Paradoxalement, des éclairages didactiques ont démontré qu’il est fondamental de tirer profit de ces maladresses dans les différents moments de ce processus pour un apprenant qui est en train d’acquérir un nouveau système, et de faire en sorte que l’erreur soit « un outil pour enseigner » selon l’expression de J.P. Astolfi. La rédaction semble un moment propice à l’apparition des imperfections, en particulier les erreurs grammaticales ; ce choix s’explique par les affinités solides entre grammaire et production écrite d’une part, et par le fait que le corpus sur lequel prend appui cette recherche a été constitué en majeure partie suite à des tests écrits, d’une autre part. Dans ce qui suit, il sera question d’énoncé correct, de traitement d’erreurs, de grammaire de texte et de compétence grammaticale, qui sont autant de notions à détailler en vue d’analyser ce qui pourrait avoir trait au traitement des erreurs dans la classe de langue en FLS, tout en essayant de proposer des modalités d’utiliser de façon avantageuse l’erreur. Enoncé correct « L’élève n’écrit pas, il rédige L’enseignant ne lit pas, il corrige » (C.Masseron, 1981,47) Ainsi, de maints problèmes que recouvre la notion de correction sont évoqués. Il importe, d’emblée, d’interroger un moment la notion d’ « énoncé correct ». Pour cela, on peut se référer à H. Frei qui affirme: « le plus correct est ce qui, émis le plus aisément, est compris le plus aisément » (H.Frei, 1929,18). Ce linguiste, (coéditeur des Cahiers de F. de Saussure, de 1957à1972), considère les erreurs selon une perspective fonctionnelle. En vérité, un énoncé correct se fonde, d’après J. Lyons(1932), sur la notion d’acceptabilité : « une phrase acceptable est une phrase qui a été produite ou qui pourrait l’être, par un locuteur natif, dans un contexte approprié, et que les autres locuteurs natifs acceptent ou accepteraient comme appartenant à leur langage » (A. Brahim, 1994, 101). Cette acceptabilité est garantie par la combinaison de trois facteurs: la grammaticalité, l’intelligibilité et l’adéquation au contexte. C’est ce dernier critère qui, parfois, permet d’accepter un énoncé, même si le locuteur n’a pas respecté toutes les règles de la langue, puisque l’interlocuteur parvient à saisir le sens et l’intention de communication. C’est ce que prouve J.P.Cuq : ce qui prime c’est l’aspect communicationnel, et cela a des incidences sur les représentations des enseignants ainsi que des apprenants. Le traitement des erreurs En matière de traitement des erreurs, C. Tagliante affirme qu’il est indispensable que l’élève se rende compte qu’il ne peut apprendre véritablement qu’avec un traitement efficace et conscient des erreurs: « c’est donc par ses erreurs que l’apprenant progresse, qu’il teste ses hypothèses de fonctionnement du système nouveau qu’il est en train de se créer » (C.Tagliante, 1994,40). Cela dit, il est recommandé que l’enseignant ne corrige pas toutes les erreurs, de ne pas le faire systématiquement, ni immédiatement, mais de varier les modalités, les moments et les procédures de cette action. Les pratiques correctives, selon H. Besse et R. Porquier, doivent être en « cohérence par rapport aux attitudes d’apprentissage préalablement développées. Les erreurs apparues dans la classe sont en ce sens à considérer comme un matériau utile, grammaires pédagogiques et grammaires d’apprentissage entretenant là une relation dialectique constructive » (H. Besse et R. Porquier, 1984, 212). Ainsi, en transposant le savoir savant grammatical, il est fondamental de penser aux réalisations concrètes qui peuvent être effectivement attestées chez l’apprenant, et qui montrent sa compétence. Si l’enseignant a aidé l’élève à apprendre la notion de cause, et à s’approprier, par exemple, l’emploi de la locution conjonctive « non que…mais que », lors de la correction, il est judicieux de mesurer le degré de son acquisition, de voir si ce dernier a effectué une sorte de conceptualisation lui permettant de se représenter deux causes : une à écarter et une autre à retenir, de recourir au subjonctif lorsqu’il s’agit de nier, et à l’indicatif quand il s’agit d’affirmer. Le formateur est invité aussi à ne pas sanctionner des fautes d’orthographe ou de construction pour focaliser la correction sur ce qui a fait l’objet d’un apprentissage en amont. Voilà bien de quoi régaler les enseignants qui se plaignent des incorrections toujours nombreuses et variées, et en ce sens, C. Tagliante a bel et bien raison d’employer le terme d’ « aubaine », en évoquant les erreurs. En considérant par exemple l’extrait suivant, au lieu d’exprimer une sorte de déception pourquoi ne pas tenter de comprendre les raisons véritables qui poussent l’élève à commettre des erreurs pareilles 1? (l’élève développe ici un avis personnel sur la télé) : Elle a des effets et trés graves sur les enfants de sorte que elle rendre les enfent isoli car ils ne jouent pas avec leurs camarades A première vue, c’est une partie de production entachée d’erreurs et d’incorrections, ce qui peut amener l’enseignant à désespérer de les corriger ou d’aider l’apprenant à les dépasser. Mais, en adoptant une attitude qui ne dénigre pas ces maladresses, on les perçoit plutôt comme un matériau utile à partir duquel on oriente les situations d’enseignement- apprentissage. Seulement, comment s’y prendre afin de profiter justement de cette aubaine évoquée supra par C.Tagliante? Pour un traitement efficient des erreurs Pour envisager une correction profitable à l’apprenant, des didacticiens recommandent d’amener ce dernier à une régulation constante de son apprentissage, en procédant à un accompagnement des erreurs pour toute activité dans la classe de langue. Les exemples qui suivent sont susceptibles d’éclairer cette orientation. Exemple A : Selon certaens2, le voyage est un refuge face à la platitude de la vie quotidienne, au stress, et à l’ennui. Mais esque le voyage est toujours réels ? Estque est ce qu’il ‘a d’autres moyennes de voyagé ?! 1 Ces extraits font partie d’un corpus, en l’occurrence des tests réalisés auprès d’élèves de 3ème du secondaire 2 Cf. ces annotations (souligner, marquer en rouge, ajouter, barrer,) sont faites par les enseignants ayant corrigé ces tests qui constituent notre corpus). La correction conçue ainsi ne peut être efficace, parfois, dans la marge, l’enseignant ajoute des abréviations du genre : « ortho., conj., constr., etc. »3, mais est-ce qu’il se demande comment l’élève assimile ces remarques ? Et comment tire-il profit de cela ? Dans un pareil cas, il s’avère profitable que l’apprenant se charge lui-même de l’exercice de la correction, il a déjà su dégager une problématique, et c’est en fait un progrès à valoriser, mais est-il capable de la reformuler seul ou cela nécessite-t-il le soutien d’un camarade ou de l’enseignant qui l’aide à faire face à des maladresses d’ordre morphologique? Exemple B : le voyage c’est une moyenne pour changé la routune de la vie. Mais aussi il y a boucous d’avantages, Il faire connaitre l’autre … Les annotations en marge ou interlinéaires peuvent-elles vraiment être utiles à l’élève qui uploads/Sante/ traitement-des-erreurs 1 .pdf

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  • Publié le Nov 12, 2021
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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