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Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 1 1/3 Covid-19 : pourquoi Mélenchon refuse d’appeler fortement à la vaccination PAR PAULINE GRAULLE ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 7 SEPTEMBRE 2021 Si le mouvement insoumis s’accorde sur l’efficacité de la vaccination, le candidat rechigne à y appeler formellement. Officiellement, il s’agit de « convaincre plutôt que contraindre ». D’autres y voient une manière de préserver une partie de l’électorat sur un sujet miné. On était resté avec l’image de Jean-Luc Mélenchon, sur un plateau de France 5, un jour de janvier 2021 : « En aucun cas » je n’irai au « machin de Pfizer », lançait-il, devant des journalistes médusés. Six mois plus tard, changement de ton sur la vaccination. Les milliards de doses inoculées à travers le monde et surtout, l’intense lobbying interne de son entourage politique ont, semble-t-il, eu raison des « je ne suis pas rassuré » et autres sorties suspicieuses sur l’ARN messager – « un procédé tout à fait nouveau et dont on ne connaît pas les conséquences » – du leader insoumis. Jean-Luc Mélenchon, à Valence (Drôme), lors du discours de clôture des universités d'été du mouvement, le 29 août 2021. © OLIVIER CHASSIGNOLE / AFP Après un hiver équivoque, puis un printemps à « redresser la barre », selon l’expression d’un proche visiblement soulagé de l’évolution, fini de ressasser les peurs. En juillet, le candidat en campagne, accusé de donner du grain à moudre aux « antivax », tenait à mettre publiquement les points sur les i : « Pour que les choses soient claires, à vous qui m’écoutez, tout le groupe des parlementaires insoumis est vacciné, ou en cours de vaccination. Je le suis moi-même », soulignait-il, la mine grave, derrière le pupitre de son QG de campagne. Puis de rappeler la ligne de la formation qu’il compte mener à la victoire en 2022 : anti-passe sanitaire, anti-vaccination obligatoire, et raccord avec les préconisations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de politique vaccinale. À savoir « convaincre plutôt que contraindre ». Côté contrainte, depuis le 12 juillet et les annonces d’Emmanuel Macron sur le passe sanitaire, les Insoumis ont mis les bouchées doubles pour dénoncer un dispositif attentatoire aux libertés individuelles et qui instaurerait « la société du contrôle généralisé ». Au point qu’à gauche, la formation reste l’une des rares à avoir indiqué soutenir la mobilisation des « anti-passe ». Sur le volet « convaincre » en revanche, on ne peut pas dire que le prétendant à l’Élysée ait mis les grands moyens. Dans un pays où 15,5 % des Français éligibles de plus de 12 ans (soit près de 9 millions de personnes) demeurent les exclus (volontaires ou non) des circuits vaccinaux, pas question pour Jean-Luc Mélenchon de donner la moindre consigne. Une position assumée par Manuel Bompard, son directeur de campagne : « On dit que oui, le vaccin réduit les risques. Mais on reste sur la ligne de la liberté individuelle : ce n’est pas à nous de prendre la responsabilité de dire aux gens ce qu’ils doivent faire, d’autant qu’on n’a pas le recul suffisant pour dire s’il y aura des effets secondaires ou pas », explicite le stratège de La France insoumise (LFI), mouvement qui s’est pourtant montré particulièrement prolixe en termes de « propositions très concrètes » pour répondre à la crise sanitaire (lire ici) depuis le début de la pandémie. Le contraste est saisissant avec les homologues étrangers. Notamment les fers de lance de la gauche états-unienne, Bernie Sanders et Alexandria Ocasio- Cortez, qui, depuis six mois, s’échinent à encourager les classes populaires à se faire injecter ce sérum « sûr, efficace, et gratuit » à coups de messages sur les réseaux sociaux et de vidéos pédagogiques – y compris en langue espagnole. L’élue new-yorkaise a Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 2 2/3 même réussi à obtenir, au printemps, la mise en place d’un centre de vaccination dans les quartiers les plus pauvres du Queens. Rien de tel de ce côté-ci de l’Atlantique. Cet été, pendant que le variant Delta ravageait les départements d’outre-mer (où Jean-Luc Mélenchon réalise d’excellents résultats électoraux), le leader insoumis pouvait écrire des dizaines de lignes sur son blog pour adresser ses louanges au mouvement « anti- passe » sans rappeler à aucun instant que le vaccin s’imposait, du moins pour l’instant, comme la seule option à même de réduire la mortalité et la contagiosité du virus. Et tandis que le leader communiste Fabien Roussel s’époumonait, fin août, lors de ses universités de rentrée à Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), pour « appeler massivement les Français à se faire vacciner » (« Le seul moyen de se passer d’un passe sanitaire, c’est la vaccination généralisée ! Il faut tous être vaccinés ! Le Parti communiste français a toujours fait confiance à la science, à la médecine au progrès : jouons pleinement notre rôle pour la vaccination généralisée ! »), Jean-Luc Mélenchon n’en disait mot lors de son discours de clôture des «Amfis », les universités d’été du mouvement. Si ce n’est pour condamner les « faux débats » entre « les vax et les antivax ». Un sujet politiquement explosif Une ligne très modérée sur la vaccination donc, laquelle n'est pas sans faire grincer des dents en interne. Chez les quelques députés insoumis pro- vaccination obligatoire, la lettre envoyée au premier ministre, le 5 juillet, s’interrogeant sur la vaccination obligatoire des soignants (« Pourquoi eux […] et pas les enseignants et les parlementaires ? ») a eu du mal à passer. De même que chez certains militants : « Cela choque beaucoup au sein du Parti de gauche [parti membre de La France insoumise - ndlr], moins chez LFI, que les responsables du parti n’appellent pas à se faire vacciner », glisse un connaisseur de la maison qui a pris ses distances. D’aucuns se souviennent aussi d’une France insoumise plus allante avec la vaccination. Interrogés sur le sujet durant la campagne de 2017 par des associations spécialisées, les responsables du programme expliquaient alors, dans la pure tradition de la gauche républicaine : « Il est vrai que certains vaccins sont administrés via des adjuvants chimiques pouvant contenir des substances potentiellement cancérigènes comme l’aluminium. Mais seule une campagne de vaccination obligatoire peut permettre de se protéger d’une maladie infectieuse, en complément de la prévention. » Mais entre cette nouvelle ère d’incertitude ouverte par le Covid et la défiance grandissante envers les institutions (publiques comme privées, les « Big Pharma » en premier lieu), les temps ont changé. Caroline Fiat, soignante et députée insoumise, souligne le risque d’une démarche proactive contre- productive : « Ce n’est pas le rôle des politiques de faire de la santé publique, car quand les politiques s’en mêlent, cela crée de la défiance », reconnaît celle qui estime que c’est à Santé publique France (SPF) de faire le job. Par ailleurs, poursuit-elle, « dès qu’on aborde le sujet du vaccin, que ce soit Jean-Luc Mélenchon ou moi-même, on se prend tous les “antivax” dans la figure : c’est d’une violence inouïe… » D’où la pusillanimité à aborder ce sujet, politiquement explosif, à sept mois d’une présidentielle ? Pour les adversaires de gauche, pas de doute : « Mélenchon a une stratégie de rupture, c'est pourquoi il colle au discours de ceux qui sont en défiance avec les institutions », accuse-t-on au PS, favorable à la vaccination obligatoire. Dans un mouvement passé maître dans l’art du syncrétisme programmatique (sur le rapport à l’Europe ou à la Ve République par exemple), l’hypothèse qu'il faudrait ménager la chèvre et le chou n’a en tout cas rien d’incongru. D’autant que les Insoumis ont fait de la mobilisation des classes populaires l’alpha et l’oméga de leur stratégie pour gagner en 2022. Et qu’un rapport de la Fondation Jean Jaurès pointait, à l’automne 2020, le fait que Directeur de la publication : Edwy Plenel www.mediapart.fr 3 3/3 l’électorat de 2017 de Jean-Luc Mélenchon recelait en son sein un nombre non négligeable de personnes rétives à la vaccination. « Les Insoumis sont aussi bigarrés que le mouvement lui-même. Certains sont pour la vaccination, d’autres dubitatifs sur les vaccins proposés », reconnaissait d'ailleurs, dans son post de blog du 13 août, le député des Bouches-du-Rhône, soulignant que « l’essentiel est le but commun qui nous rassemble dans cette action : l’abrogation du Pass sanitaire ». Autrement dit, mieux vaut se concentrer sur ce qui rassemble, et non sur ce qui divise. Cet été, lors des Amfis, les lignes de fracture sont ainsi apparues au grand jour suite à l’intervention de Barbara Stiegler. Invitée à deux tables rondes, la philosophe a fait tinter quelques oreilles. Elle y affirmait ainsi que la vaccination n’aurait qu’un « léger » effet de freinage de la maladie, que les vaccins étaient « hautement contaminateurs » en ce qu’ils pourraient faire croire que les gestes barrières ne sont plus nécessaires, ou qu’il faudrait se « scandaliser » que les « quelques-uns, comme Laurent Muchielli, [sociologue dont Mediapart a uploads/Sante/article-981474.pdf

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  • Publié le Fev 20, 2022
  • Catégorie Health / Santé
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