RISQUER LA PSYCHOSE : OBJECTIONS FAITES AU « SYNDROME DE PSYCHOSE ATTÉNUÉE » Re

RISQUER LA PSYCHOSE : OBJECTIONS FAITES AU « SYNDROME DE PSYCHOSE ATTÉNUÉE » Renaud Evrard, Thomas Rabeyron Éditions Matériologiques | « PSN » 2012/2 Volume 10 | pages 45 à 67 ISSN 1639-8319 ISBN 9782919694167 DOI 10.3917/psn.102.0045 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- https://www.cairn.info/revue-psn-2012-2-page-45.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Éditions Matériologiques. © Éditions Matériologiques. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. 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(b) Maître de conférences en psychologie clinique, uni­ versité de Nantes, psychologue clinicien. Résumé. La cinquième version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5), prévue pour mi-2013, s’est vue proposer l’inclusion d’un nouveau diagnostic : le « syndrome de psychose atténuée ». Ce syndrome s’appuie essentiellement sur des pratiques cliniques avec des jeunes de 14 à 30 ans et deux décennies de recherches suggérant un « risque de psychose » qu’il serait crucial de traiter au plus vite pour en améliorer le pronostic. Nous avons effectué une revue de littérature pour comprendre ce que signifie ce nouveau syndrome, quelles sont ses bases théoriques et empiriques, afin d’examiner sa validité dans la pers­ pective de son éventuelle application. Notre analyse se divise suivant différents aspects de l’intense débat suscité par ce diagnostic : l’évaluation du besoin clinique, la pertinence d’un nouveau diagnostic, la qualité des recherches et leur application, le diagnostic différentiel et le rapport bénéfices/risques. Notre conclusion est que l’inclusion d’une telle entité clinique est prématurée sur le plan scientifique, et que sa conceptualisation achoppe sur plusieurs points, faisant courir le risque de surpathologiser des expériences humaines s’inscrivant dans un continuum allant du normal au pathologique. Mots-clefs : psychose atténuée, expériences réputées psychotiques, DSM-5, risque de psy­ chose, continuum psychotique. Abstract. The fifth version of the Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5), planned for the middle of 2013, has proposed the inclusion of a new diagnostic : the “attenuated psychotic symptoms syndrome”. This syndrome relies essentially on some clinical practices with young people between 14 and 30 years old and on twenty years of research that suggest a “psychosis risk syndrome” which would be crucial to treat early in order to improve the prognostic. We propose in this paper a literature review concerning this new syndrome and its theoretical and empirical basis, in order to examine its relevance in the perspective of its potential application. Our analysis follows the different aspects PSN volume 10, n° 2/2012 MÉTHODOLOGIE © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) | PSN, vol. 10, n° 2/2012 | Méthodologie | 46 of the intense debate about this diagnostic : evaluation of the clinical need, relevance of a new diagnostic entity, quality of the researches and their application, differential diagnostic and benefits/risks evaluation. We argue that the inclusion of this new diagnostic seems too premature from a scientific point of view, and that its conceptualization can be criticized on several points, especially the risk to over-pathologize human experiences belonging to a continuum between the normal and the pathological. Keywords : attenuated psychosis, psychotic-like experiences, DSM-5, psychosis risk, psy­ chosis continuum. Nouveaux syndromes psychotiques dans le DSM-5 La cinquième version du Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux (DSM-5) est prévue pour mi-2013, mais elle a déjà entraîné de nom­ breux commentaires qui pointent les risques d’une éventuelle description patho­ logisante de difficultés ordinaires de l’existence, brouillant davantage les fron­ tières incertaines entre normalité et pathologie. Nous nous concentrerons dans cette perspective sur la montée en puissance du modèle quasi-dimensionnel de la psychose refaçonnée dans ce manuel. L’extension problématique de la psychopathologie est illustrée par la propo­ sition d’une nouvelle entité à introduire dans le DSM-5 : le syndrome de risque de psychose (psychosis risk syndrom, ou PSR). Au cours du débat sur l’adop­ tion de ce nouveau syndrome, celui-ci a été rebaptisé quatre fois : syndrome de risque de première psychose (risk syndrome for first psychosis), syndrome de risque de psychose, syndrome de symptômes psychotiques atténués (atte­ nuated psychotic symptoms syndrome, ou APSS) puis syndrome de psychose atténuée (attenuated psychosis syndrome, ou APS). La « psychose atténuée » semble avoir un sens plus large que le « risque de psychose », tout en formulant la chose plus positivement, d’une manière moins difficile à porter. Le DSM-5 procède à une expansion des catégories de troubles mentaux selon deux méthodes : la première consiste à abaisser le seuil de catégories dia­ gnostiques déjà existantes, par exemple en supprimant des critères nécessaires pour valider un diagnostic ; la seconde consiste à créer de nouvelles entités diagnostiques qui décrivent des situations qui, loin d’être rares ou « orphelines » comme pour certaines maladies génétiques nouvellement détectées, sont en fait communes dans la population générale. Le syndrome de risque de psychose emprunte à ces deux méthodes en tant que nouvelle entité qui diminue, du même coup, le seuil de la psychose diagnostiquée. © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) | Renaud Evrard & Thomas Rabeyron | Risquer la psychose : objections faites au « syndrome de psychose atténuée » | 47 Nous allons analyser ce nouveau syndrome en suivant notamment certaines questions-clefs débattues par le psychiatre William Carpenter [10], professeur à l’Université du Maryland et à la tête du Psychosis Work Group pour le DSM-5. Ce groupe a fait une proposition publique en février 2010, révisée en août 2010 en fonction des critiques [17]. Le syndrome de psychose atténuée serait dia­ gnostiqué lorsque la personne remplit les six critères suivants : 1. Symptômes caractéristiques : des délires ou des hallucinations ou un discours désorganisé qui se manifestent sous une forme atténuée avec une capacité intacte à tester la réalité, mais dont la sévérité et/ou la fréquence incitent à ne pas les minimiser ou les ignorer ; 2. Fréquence/Actualité : ces symptômes doivent être présents dans le mois précédent et survenir à une fréquence moyenne d’au moins une fois par semaine durant le mois précédent ; 3. Progression : ces symptômes doivent avoir commencé ou s’être aggravés dans l’année précédente ; 4. Détresse/Invalidité/Recherche de traitement : ces symptômes sont suffi­ samment stressants ou invalidants pour que le patient et/ou son parent/ tuteur soit conduit à chercher de l’aide ; 5. Ces symptômes ne sont pas mieux expliqués par un autre diagnostic du DSM-5, notamment les troubles liés à des substances. 6. Les critères cliniques pour n’importe quel trouble psychotique du DSM-5 n’ont pas encore été rassemblés. Quels sont plus précisément ces symptômes atténués ? L’argument de la DSM-5 Task Force [16] défendant la première version de la proposition dé­ taillaient les notions de délires atténués, d’hallucinations atténuées, de gran­ diosité et de communication désorganisée : 1) Les délires atténués sont des sentiments de perplexité, de confusion ou d’étrangeté, liés à la pensée que soi-même, le monde ou le temps ont changé, souvent de manière indescriptible. Il s’agit d’idées de référence qui ne sont pas perçues comme directement menaçantes pour l’individu, des idées inhabituelles à propos du corps, de la culpabilité, du nihilisme ; des croyances surévaluées sur la philosophie, la religion ou la magie ; ou des sentiments de perte de contrôle sur les événements mentaux (insertion et diffusion de pensées). Les délires atténués comportent donc des idées inhabituelles ou des idées de suspicion/ persécution. 2) La grandiosité : parmi les symptômes psychotiques atténués, le syn­ drome introduit la grandiosité qui est une version atténuée de la mégalomanie. © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) © Éditions Matériologiques | Téléchargé le 10/02/2022 sur www.cairn.info via Université Rennes 2 - Haute Bretagne (IP: 193.49.226.163) | PSN, vol. 10, n° 2/2012 | Méthodologie | 48 Les items représentant les idées grandioses uploads/Sante/evrard-renaud-risque-2 1 .pdf

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  • Publié le Oct 06, 2022
  • Catégorie Health / Santé
  • Langue French
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