L ’enseignement de la civilisation ou plutôt la découverte par l’élève de la cu

L ’enseignement de la civilisation ou plutôt la découverte par l’élève de la culture dont la langue est l’expression, ne saurait être dissocié de l’enseignement de la langue. On mène donc de pair apprentissage linguistique et découverte des faits culturels. Les faits culturels abordés répondent à un double critère : - ils appartiennent à la réalité authentique vécue par les petits italiens du même âge : quotidien, fêtes (Natale, la befana…), loisirs, imaginaire…. Ainsi lors d’un travail sur les animaux pourra-t-on privilégier l’orso bruno o il lupo, animaux protégés que les petits italiens découvrent lorsqu’ils visitent les parcs régionaux et qui figurent dans leurs manuels et revues… - ils ont un caractère transversal et permettent un travail inter ou pluridisciplinaire de façon à faire percevoir aux élèves le lien qui existe entre l’étude de la langue et le reste de l’apprentissage. Par exemple en CE2, les romains sont au programme. Il sera possible de s’intéresser à Rome, à Pompéi, en CM1 ce sera le tour de la Renaissance avec Florence, les grands artistes comme Léonard de Vinci, en CM2 on pourra préciser la place de l’Italie du point de vue géographique comme centre européen (la plaine du Po) et périphérie (la Sicile, le Sud), les volcans seront naturellement l’occasion de découvrir le Vésuve et l’Etna. Il importe que la découverte des faits culturels proposés soit intégrée à l’apprentissage de la langue. L’intégration langue/culture passe par le choix - des supports, autant que possible authentiques, - des activités, par exemple on aura recours avec profit au jeu traditionnel Strega comanda color pour le rebrassage des couleurs, on associera le geste qui les accompagne lorsqu’on mémorisera les formules ciao, mi piace… - du matériel utilisé : pour jouer à la marchande on utilisera des emballages de produits italiens, les sacs distribués dans les supermarchés… L’élève est amené à découvrir les éléments ciblés en situation, activement et progressivement. L’enseignant doit veiller absolument à ne pas tomber dans le cours de civilisation. Ainsi la découverte des éléments géographiques au programme se fera graduellement, à la faveur des apprentissages. Par exemple les élèves apprendront progressivement à situer les villes par le biais des spécialités, des personnages, des équipes de football, des animaux emblèmes, des produits... On pourra placer sur la carte au fur et à mesure des découvertes un petit dessin symbole en regard de la ville concernée. Les faits culturels, comme les éléments langagiers font l’objet d’un rebrassage, ainsi des personnages de la Commedia dell’arte par exemple. Les fondements idéologiques des années 60-70 : la civilisation, une pratique et un débat ouvert C’est donc à condition de savoir faire ses preuves sur le plan de la pédagogie que cette nouvelle interprétation de la civilisation s’immisce dans le débat. Le dossier de civilisation est l’un des discours repérés par Evelyne Argaud. Leurs auteurs n’ont pas vocation à être des universitaires, réputés pour leur vision excessivement théorique, jugée peu propice à la réalisation de séquences pédagogiques. Le praticien est l’auteur emblématique du dossier de civilisation. La civilisation s’incarne donc en études de civilisation, dossiers, comptes rendus d’expériences, rubrique Vie quotidienne, fiches pédagogiques A comme…, disques Sonofrance (2006 : 83) dont le directeur de la revue, André Reboullet, avait défini le format « rassemblant textes et documents, accompagnés d’indications pédagogiques »(1961). Les contenus liés au terme de civilisation sont alors d’abord le produit d’une pratique pédagogique. Quelques voix s’élèvent pour initier une réflexion sur les « approches de l’enseignement de la civilisation » (par excellence, Guy Michaud, Edmond Marc, initiateurs du Centre de Recherche pour l’Enseignement de la Civilisation, CREC). Elles sont le prélude à la discussion d’un objet conceptualisé, d’abord le fait d’auteurs qui vont puiser dans des réservoirs disciplinaires, extérieurs au champ du FLE. Henri Mendras en est une des figures types : à la fois collaborateur régulier de la revue, il est aussi l’auteur des Eléments de sociologie. Le camaïeu des citations et des contributeurs - sociologues, philosophes, historiens, géographes - entraîne de fait des ouvertures disciplinaires. Ceux-ci contribuent aussi par leur notoriété à créer un espace alternatif à celui de la littérature. Par-delà l’enjeu descriptif (donner à voir le quotidien des Français aux enseignants exerçant hors de l’hexagone, fournir des documents concrétisant la vie quotidienne), la question de la description des faits de civilisation prend assise sur des relais pluridisciplinaires en sciences humaines et sociales et incarne la nécessité d’une approche « moderne ». La France, définie selon une vision gaullienne - la France dans le monde -, épicentre des premières étapes du débat, se trouve aussi confrontée à un environnement institutionnel élargi, celui de la Francophonie. Les fondements idéologiques des années 60-70 apparaissent dans les écrits des pionniers des premiers numéros du Français dans le Monde. Ils sont ensuite consolidés par des auteurs qui en relaient l’esprit et qui aménagent le cadre du débat. Dans le numéro 2 de la revue, l’article de François Roche (1961 : 16-21) intitulé Originalité de la civilisation française, présente une France enchantée, « France la Doulce », rurale, nourrie de contacts et d’échanges et célèbre « Notre manière de vivre ». Dans cet essai, le paradigme colonial reste présent : l’hexagone est le parangon de la nation et la civilisation en recouvre les contours exacts, le patrimoine du pays est exposé à l’admiration de l’étranger. En même temps, la description est le pendant et le contrepoint d’un autre art de vivre qui déferle dans le monde de l’après-guerre, l’American way of life, sollicitant, lui, des imaginaires inverses, liés au paysage urbain de New York, à la modernité de la technique et à la productivité du capitalisme. L’idéologie n’est jamais aussi présente que lorsque cette description esquive la réalité de la décolonisation, jamais instituée en objet de questionnements, alors que la revue s’adresse directement à ses acteurs, devenus indépendants du cadre de la nation française. Le quotidien est un objet de débat qui se démarque de la vision enchantée des premiers numéros de la revue Le Français dans le monde. Mais il a ses détracteurs qui y voient l’abandon de la célébration du génie français, qui craignent la dévaluation de la vision patrimoniale de la civilisation fondée sur la figure du grand écrivain et de son œuvre1. Lorsqu’affleure l’idée dumythe français, le terme embarque avec lui la mise à distance du réel et la désacralisation des imaginaires jusque-là soigneusement entretenus. Roland Barthes donne au terme la crédibilité disciplinaire qui lui manquait à travers ses Mythologies et achève de craqueler cette vision nationaliste de la civilisation. Auteur d’une thèse de troisième cycle analysant le discours publicitaire des cigarettes Marlboro, Louis Porcher s’inscrit dans cette filiation directe. La diffusion du modèle capitaliste se répand dans la France des Trente Glorieuses, années de prospérité économique où la société de consommation tourne à plein régime. Les discours sur l’enseignement de la civilisation française ne peuvent se soustraire à ce déferlement. La critique de l’ordre bourgeois, du système des objets (BAUDRILLARD 1968) offre un angle d’attaque pour les nouveaux entrants dans le débat sur l’enseignement de la civilisation. À la mesure de la force de ces non-dits, qui associent style de vie et consommation, se met en place une ligne de partage : d’un côté les documents authentiques – au départ publicitaires – points d’appui d’une pratique pédagogique et de l’autre une vision critique du quotidien de la société consumériste ; d’un côté les pédagogues qui font la classe, de l’autre les didacticiens qui créent un espace de discours sur les pratiques de classe en s’appuyant sur la légitimité de leurs positions universitaires, généralement garanties par le doctorat. La civilisation, un concept, et finalement une discipline Une des deux institutions françaises de formation de professeurs de FLE, le Bureau pour l’Enseignement de la Langue et de la Civilisation Françaises à l’étranger (BELC) consacre le terme de « civilisation », alors que le Centre de Recherche pour la Diffusion du Français hors de France (CREDIF), rattaché à l’Ecole Normale Supérieure de St Cloud, forme l’élite de la nation enseignante et universitaire En plaçant sa réflexion sous le chapeau des travaux de Kluckhohn, Sapir et Herskovits, trois anthropologues américains qu’il cite sans toutefois mobiliser leurs méthodes, Debyser met en lumière succinctement trois approches disciplinaires éclairantes pour l’enseignement de la civilisation : l’approche sociologique, l’approche anthropologique, l’approche sémiologique. Cette préface est suivie de Quelques pratiques qui répondent ainsi à une exigence fondatrice du champ du FLE : ne jamais oublier le praticien. Avec cet ouvrage, la civilisation reste un objet ambigu, comme l’est la structure même du champ dans lequel elle s’applique - un concept nourri par des disciplines (la théorie) et illustré par des exercices (la pratique) - mais, émanant des positions les plus autorisées du champ du FLE, bascule néanmoins vers une production théorique endogène. Geneviève Zarate,La « civilisation » dans le champ du FLE. Un concept piégé par les idéologies La civilisation (PORCHER et alii 1986- La France est une société multiculturelle […] Il s’agit de mettre en évidence les marques de cette pluralité culturelle […] et (de) contribuer à la définir uploads/Societe et culture/ culture-et-civilisation 1 .pdf

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