Equipe de recherche interuniversitaire sur le cinéma privé (Paris 3-IRCAV/Lille
Equipe de recherche interuniversitaire sur le cinéma privé (Paris 3-IRCAV/Lille 3-GERICO) ESTHETIQUES ORDINAIRES DU CINEMA ET DE L’AUDIOVISUEL 1 SOMMAIRE INTRODUCTION : Des pratiques audiovisuelles amateurs aux esthétiques ordinaires du cinéma et de l’audiovisuel (Laurence Allard)……………….. p.3 PASSAGES A L’ESTHETIQUE I : DE LA SPHERE ESTHETIQUE AU MONDE DE LA VIE Esthétique et film de famille (Roger Odin)…………………………………p.15 En passant par Pérec (Bernard Weidman)…………...................................p.30 Approche d’une esthétique de l’image chez de jeunes réalisateurs de vidéo amateur du Nord de la France (Michèle Gellereau et Roselyne Abramovici)…………………………………………………………………p.58 PASSAGES A l’ESTHETIQUE II : LES ESPACES CULTURELS ASSOCIATIFS ET LE LIEN CIVIL ESTHETIQUE Le « cinéma gréviste », naissance d’une nouvelle esthétique ? (Muriel Beltramo)……………………………………………………………..p.80 Amateurs et lieux alternatifs (Marc Ferniot)………………………………………… ………………………………p.100 Espaces de diffusion et enjeux spectatoriels (Lise Gantheret)……………………… ………………………………………………p.121 PASSAGES A l’ESTHETIQUE III : LES CINEMATHEQUES REGIONALES, La grande famille du cinéma d’amateur : que d’histoires... (Claire Givry, EHESS)………………........................................................................................p.139 Cinémathèques régionales et film amateurs : patrimonialisation, esthétisation ou bonheur de la reconnaissance ?(Laurence Allard)………………………….p.153 BIBLIOGRAPHIE…………………………………………………………….p.186 2 INTRODUCTION Des pratiques audiovisuelles amateurs aux esthétiques ordinaires du cinéma et de l’audiovisuel. ( Laurence Allard, Université Lille 3). « Telle phrase musicale est pour moi un geste. Elle s’insinue dans ma vie. Je me l’approprie. Les variations infinies de la vie sont essentielles à la nôtre. Essentielles par conséquent au train habituel de la vie » Ludwig Wittgenstein, Remarques mêlées. Pour contribuer au développement d’une ethnologie de la relation esthétique, les pratiques audiovisuelles amateurs nous ont semblé constituer un terrain d’enquête fécond. Dans ces pratiques, nous englobons en plus des films de famille et des films de clubs amateurs, le cinéma scolaire ainsi que les travaux de vidéo personnels ou des émissions de télévision de proximité. Ces objets filmiques partagent un « air de famille » au plan de leur thématique (du privé institutionnalisé du film de famille à l’intime des vidéos personnelles), de leurs conditions amateurs de production (statuts des réalisateurs, formats etc.) et des conditions communautaires de réception (groupe familial, classe etc.). Au cours de cette introduction, avant de présenter les principaux résultats de nos recherches et d’en exposer les enseignements, tant méthodologiques que conceptuels, nous voudrions recontextualiser certains enjeux plus généraux liés à la figure de l’amateur dans le champ culturel contemporain. En effet, certains de ces enjeux ont inspiré la respécification des pratiques audiovisuelles amateurs en termes « d’esthétiques ordinaires du cinéma et de l’audiovisuel ». Esthétiques ordinaires du cinéma du cinéma et de l’audiovisuel à travers lesquelles seront documentés plusieurs questionnements de l’appel d’offres en termes de «passages à l’esthétique », de « conditions d’élaboration des énoncés esthétiques » et leur part dans « l’élaboration du lien social ». Actualités et présences des amateurs dans la culture contemporaine : l’individualisme expressif à l’oeuvre Quels sont les enjeux culturels et sociaux soulevés par les pratiques audiovisuelles amateurs et l’ensemble des activités artistiques en amateur plus généralement ? Le domaine des pratiques artistiques amateurs trouve aujourd’hui une pertinence accrue dans un champ culturel au sein duquel la place des amateurs se trouve largement redéfinie, si l’on songe à la situation par exemple du cinéaste familial stigmatisé depuis les débuts des petites caméras par son « manque de professionnalisme ». D’un point de vue quantitatif, on peut noter un accroissement significatif des activités artistiques amateurs en général puisqu’en 1996, 47% des français de plus de quinze ans déclarent avoir pratiqué la musique, le théâtre, la danse, les arts plastiques ou une activité d’écriture pendant leurs loisirs1. Pour ce qui concerne la culture des médias de masse, les « pratiques artistiques 1Olivier Donnat, Les amateurs. Enquête sur les activités artistiques des Français, La Documentation française, 1998. 3 amateurs informatiques » sont en plein essor. En 1999, 22% des utilisateurs d’ordinateurs ont des pratiques artistiques en amateur sur leur matériel ; 19% dessinent, 15% traitent du son et 6% de l’image2. Au-delà de ces tableaux statistiques, le sociologue Olivier Donnat dans la conclusion de son enquête, Les pratiques culturelles des Français, constatant que « de plus en plus de Français, quel que soit leur âge, sont tentés d’aborder l’art par la pratique en amateur » émet l’hypothèse que les « pratiques amateurs sont le siège de réels enjeux culturels puisque même sans grande valeur artistique, elles sont investies de fortes aspirations en matière d’expression de soi et de recherche d’authenticité et, à ce titre, porteuses d’identités personnelles ou collectives »3. Cette hypothèse est stimulante et vient faire écho à certaines théories sociologiques contemporaines dites de « l’individualisme réflexif » ou de « l’identité réflexive », venant caractériser notre époque dite de « seconde modernité » ou d’une « société du risque ». L’idée de base de la théorie de l’identité réflexive développée par Ulrich Beck ou Anthony Giddens4 est la suivante : dans le contexte sociétal de « high modernity », en raison de la démultiplication des sources d’autorités introduisant des incertitudes et des possibilités de choix multiples, les formes de vie traditionnelles familiales, salariales etc. ont perdues leur légitimité pseudo-naturelle, elles ne peuvent plus être plus reproduites automatiquement. Ou pour le dire autrement, pour reprendre les formules de Ulrich Beck, si certains contraintes socio-culturelles perdurent objectivement, les traditions et conventions sont subjectivement ressenties comme moins contraignantes, telles celles qui ont trait à la classe, la religion ou la nation, par exemple, et peuvent même être considérées comme optionnelles. Les individus ont ainsi en principe sinon de fait la possibilité objective de choisir la forme de vie qui leur convient le mieux ainsi que le style de vie afférent ou plutôt ils sont de plus en plus contraints à choisir parmi une panoplie de styles de vie possibles, pour reprendre les remarques de Frédéric Vandenberghe5. Les identités deviennent proprement réflexives à partir du moment où les individus sont contraints à réfléchir librement sur la vie qu’ils veulent mener et à la façonner comme ils l’entendent. Ainsi en l’absence de modèles d’identités prescrites, la recherche du soi relève de l’invention et cette invention est une opération risquée. En articulant ces différentes théorisations de l’individualisme réflexif au développement des pratiques artistiques amateurs, on peut avancer l’hypothèse que se joue bien dans ces usages expressifs de la culture une invention de soi. En interrogeant les pratiques amateurs comme le support d’une telle invention de soi, on peut encore pointer la place des expériences culturelles dans les mécanismes contemporains de formation des identités sociales et personnelles et les considérer, en leur spécificité, comme les indicateurs d’un individualisme expressif contemporain, partie prenante de la modernité réflexive. D’Internet à Festen : l’ère autobiographique En plus de l’accroissement des pratiques artistiques amateurs, on peut observer la démultiplication des formes et supports d’expression de soi, la floraison d’usages expressifs 2Les pratiques informatiques de loisir. Développement culturel, n°130, oct.1999. 3Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des français. Enquête 1997, La documentation française, 1998, p.316. L’auteur ici articule explicitement un besoin d’expression de soi et de quête d’authenticité à un nouveau régime participatif d’accès à la culture qui mériterait un débat à part entière. Cf pour contribuer à ce débat, L.Allard, “Cinéphiles à vos claviers ? Réception, public et cinéma” in Réseaux n°99, Cinéma et réception, 2000. 4 Cf. U.Beck, Risikogesellschaft. Auf dem Weg auf eine andere Moderne, Suhrkamp, Francfort sur le Main, 1986, trad. franç, La société du risque, Quarto, 2001 et A.Giddens, Modernity and Self-Identity. Self and Society in the Late Modern Age, Polity Press, Cambridge, 1991. Pour une introduction plus générale aux théories de la modernité réflexive, cf. F. Vandenberghe. : « Introduction à la sociologie (cosmo)politique d’Ulrich Beck », Revue du MAUSS, 2001, 17, 1, pp. 25-39. 5F.Vandenberghe, op.cité. 4 de la culture, le développement de formes artistiques auto centrées, qui nous semblent relèver de cette logique sociale de l’individualisme expressif. Il est, en effet, remarquable que le dernier média du XXème siècle, Internet, se développe d’abord comme un moyen d’expression personnelle et que les home page, les sites de webcam etc. soient reconnus comme des formes culturelles authentiques nées des réseaux de communication informatisés6. Et pour tous ceux qu’intéressent les pratiques artistiques amateurs audiovisuelles, le fait qu’une grande partie de la création de contenus sur Internet émane de simples particuliers, amateurs en tout genre, bricolant depuis leur chez-soi des sites afin d’exprimer leurs propres goûts et passions mérite d’être questionné. Ces pratiques d’expression de soi sur les réseaux de communication sont d’ailleurs encouragées par le Ministère de la culture français, puisque les politiques culturelles en faveur de l’Internet favorisent la dynamique des usages. Une ancienne Ministre de la Culture, Catherine Trautman, pouvait ainsi résumer sa politique : «Qu’est-ce que l’Internet culturel ? Ce sont les internautes qui s’expriment »7. Ces formes d’expressions personnelles informatisées émergent alors même que jamais le champ d’expressivité individuelle n’a semblé aussi large et les moyens aussi variés. On peut ainsi remarquer dans différents domaines (littérature, cinéma…) une démultiplication de la forme autobiographique. Pour qualifier un mouvement dont Internet apparaît être l’aboutissement actuel en permettant « la mondialisation de n’importe quelle expression individuelle », a ainsi été avancée la notion « d’ère autobiographique.» 8 Prenons le uploads/Societe et culture/ esthetiques-ordinaires-du-cinema-et-de-l-x27-audiovisuel.pdf
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- Publié le Mai 24, 2021
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