Article original La théorie de l’intelligence fluide et cristallisée ; sa relati
Article original La théorie de l’intelligence fluide et cristallisée ; sa relation avec les tests « culture fair » et sa vérification chez les enfants de 9 à 12 ans> R. B. Cattell Université de l’Illinois, Chicago, États-Unis 1. Origine de la théorie des deux facteurs généraux Les premiers géants du domaine de la connaissance — Spearman (1932) ; Binet et Simon (1905) et Thurstone (1938) −ont si bien travaillé que la théorie des tests d’intel- ligence n’a pas nécessité de révision fondamentale au cours de la génération passée. Ce n’est que récemment, avec le choc de la théorie de l’intelligence générale fluide et cristal- lisée (Cattell, 1963 ; Horn et Cattell, 1966), que de nouvelles perspectives sont apparu. Ce sont d’emblée des conceptions séduisantes et troublantes — troublantes parce que la solidité monolithique du « g » de Spearman est ébranlée ; séduisante parce qu’elles justifient et ouvrent une ère nouvelle à l’appli- cation des tests « culture fair ». Cette dernière peut procurer des gains substantiels en clarté et en précision de prédiction, en particulier dans le domaine de l’examen des adultes. Ce qui ressembla tout d’abord à un semblable tremble- ment de terre ébranla le champ de l’examen de l’intelligence par les tests, il y a trente ans, lorsque la démonstration par Thurstone, en 1938, de l’existence de sept ou plus aptitudes primaires fit croire à quelques praticiens que le QI — en tant que mesure unique significative — était mort. Pas plus Thurstone que Spearman, cependant, ne se faisaient d’illu- sions car, comme Thurstone l’indiqua, la dérivation du fac- teur d’aptitude générale par une analyse de second ordre de ses aptitudes primaires fixait réellement le facteur « g », et définissait les validités des tests d’intelligence d’une façon logiquement plus satisfaisante qu’il n’était possible de le faire en partant directement des tests. Ce qui échappa à Thurstone et à d’autres, cependant, lorsqu’ils procédaient à des analyses factorielles d’aptitudes primaires, c’est que, au-delà du premier facteur général, un second facteur général, moins distinct, pouvait être discerné. Le présent auteur attira l’attention là-dessus dans un article antérieur Catteli, 1941, proposant la théorie des aptitudes générales fluide et cristallisée, mais ce n’est qu’avec le pro- grès technique de l’analyse factorielle que cela fut confirmé. Les progrès techniques qui rendirent cela possible furent : • l’apparition de meilleurs tests statistiques pour le nom- bre de facteurs à extraire — dans le travail de Lawley, 1956, le test de Zaiser-Guttman Kaiser, 1963, et le récent Scree test par Cattell, 1966 ; • une définition plus claire des facteurs d’aptitude pri- maire eux-mêmes, grâce aux revues de French, 1951 ; de Horn 1965, et d’autres ; • et la reconnaissance de la nécessité stratégique, que l’auteur a discutée ailleurs Cattell, 1963, d’étudier les aptitudes avec un vaste fond de variables qui ne soient pas des aptitudes. Étant donné que ce dernier point est si peu compris qu’il a été ignoré, même dans les recherches les plus marquantes sur les aptitudes comme celles de Vernon, 1961 et de Guilford, 1959, au cours des trente dernières années, un mot d’expli- cation est justifié. La définition finale et l’interprétation des facteurs, en analyse factorielle, dépendent en dernier ressort de l’exactitude de la rotation. La rotation vers la structure simple est souvent conduite de manière techniquement insuf- fisante, et, en tout cas, ne peut être réalisée sûrement à moins qu’il y ait eu, au moment où le plan de l’expérience a été établi, un bon échantillonnage de variables pour donner « l’étoffe des hyperplans » (Cattell, 19661). En termes plus généraux, on peut concevoir cela comme l’établissement d’un fond de comportement devant lequel se dessinera la forme des structures de comportement à l’étude. Si nous cherchons une « figure » (ou deux figures) qui se retrouve virtuellement dans toutes les aptitudes, il est évident qu’il n’y aura pas de « fond » sur lequel la voir, ou les voir, si la recherche est entreprise avec des mesures d’aptitudes seule- ment. Et pourtant c’est ce qui a été fait dans virtuellement toutes les recherches sur les aptitudes, sauf les quatre décrites ici. En réalité, en formulant cette prescription pour un « fond », nous avons été fortement aidé par nos recherches sur les facteurs de la personnalité (Cattell, 1940, 1966, Cat- tell et al., 1957). Car elles nous ont permis de couvrir un hyperespace à nombreuses dimensions par l’addition d’un > Première parution : Revue de Psychologie Appliquée 1967 ; 17(3) : 135-154. 1 Université de l’Illinois Revue européenne de psychologie appliquée 54 (2004) 47–56 www.elsevier.com/locate/ © 2004 Publié par Elsevier SAS. doi:10.1016/j.erap.2004.01.008 ensemble de variables à peine plus nombreuses que celles sur lesquelles les deux ou trois facteurs généraux de second ordre prévus par notre théorie étaient représentés. Ainsi, comme il arrive parfois dans les sciences, le progrès final dans un domaine — dans ce cas, celui des aptitudes — dépend de l’avance dans un domaine tout différent — ici, l’étude de la personnalité. Comme le montrera la section suivante, il est nécessaire de faire en sorte, à l’avance, dans le choix des variables, qu’un nombre suffisant de facteurs indépendants, ne concer- nant pas les aptitudes, subsiste même au moment où l’on en est au troisième et peut-être au quatrième ordre de l’analyse factorielle dans le domaine des aptitudes, car le dernier mot de la structure des aptitudes devient apparent seulement à cet ordre le plus élevé (Reuchlin). 2. Les principaux résultats de la théorie de l’intelligence fluide et cristallisée La reconnaissance du fait qu’il y a deux facteurs généraux d’aptitude, et non un seul, et qu’ils sont apparus définis par l’expression dans des types particuliers d’activité, n’a été que le point de départ — mais un point de départ indispensable — pour la théorie de l’aptitude fluide et cristallisée. Ce com- mencement, comme on le développera dans un moment, montra un facteur, gc (pour aptitude cristallisée), saturant ces activités dans lesquelles le jugement devient cristallisé dans le matériel culturel, par exemple, le vocabulaire, l’aptitude numérique, la fluidité verbale, l’aptitude mécanique, etc. Le second facteur, gf (pour aptitude fluide), sature principale- ment les séries, les analogies, les matrices, la topologie, etc., tests qui ont été utilisés dans les tests d’intelligence « culture fair », bien qu’il contribue aussi dans une certaine mesure à l’activité intellectuelle acquise lorsqu’une grande adaptabi- lité est requise. Ces deux facteurs sont distincts, avec des hyperplans indé- pendants, mais positivement corrélés — de 0,60 environ chez les enfants à 0,30 chez les adultes — pour des raisons qui deviendront bientôt claires. À partir de cette reconnaissance des structures en elles-mêmes, les propriétés additionnelles suivantes ont été incorporées à la théorie, bien que nous ne puissions pas nous arrêter ici pour nous étendre sur la nature des preuves, qui sont complexes. Les deux facteurs donnent des courbes d’âge très différen- tes (Horn et Cattell, 1966). L’aptitude fluide, gf, s’élève jusqu’à un maximum précoce, autour de 14–15 ans, et dé- cline régulièrement de 20 à 65 ans. En revanche, gc a un point de remontée plus tardif (de 14 à 20 ans), variant selon les échantillons culturels, et reste élevé pendant toute la durée de l’âge adulte étudié jusqu’à ce jour (65 ans). Les lésions cérébrales paraissent susceptibles de réduire un des types d’activité (Pichot, 1946) entrant dans gc sans affecter les autres, par exemple dans l’aphasie verbale, alors que gf semble être affecté comme un tout par toute réduction. L’écart-type du QI, calculé de la manière classique (âge mental/âge), est de 50 % supérieur pour gc que pour gf. Le rapport nature/nourriture, déterminé par la méthode de l’analyse multiple abstraite de la variance (Cattell, 1965), suggère une hérédité moins importante pour gc que pour gf. La saturation des tests qui marquent les facteurs généraux reste élevée en toutes circonstances pour gf, mais pour gc elle tombe lorsqu’on travaille sur des groupes dont le fond cultu- rel n’est pas homogène, ainsi que lorsqu’on se déplace vers l’âge adulte, par contraste avec les groupes d’enfants. Les analyses factorielles selon la technique P, fondées sur la variabilité quotidienne dans une batterie de variables pour une personne unique, font apparaître des facteurs gc et gf distincts exactement comme le font les factorisations de différences individuelles, mais elles montrent également que la variabilité quotidienne du niveau de gf avec le niveau de la santé, de la fatigue, etc., est plus forte que pour gc (Horn, 1967). Il va sans dire que les mesures de gc sont liées à la culture et qu’il n’est pas possible de les utiliser pour comparer les intelligences de personnes différant par la culture ou la sous- culture. En revanche, il a été maintenant pleinement démon- tré que la forme identiquement la même d’un test d’intelli- gence gt, telle que les échelles 2 et 3 du test d’intelligence de R.B. Cattell (Culture Free Test) Cattell et Cattell, 1955, peut être donnée en France, aux États-Unis, en Chine, au Japon, ou en Inde (à des échantillons comparables par l’âge et la classe) sans qu’apparaisse de uploads/Societe et culture/ j-erap-2004-01-008.pdf
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