L’agriculture biodynamique, une synthèse scientifique Uwe Geier, Jürgen Fritz,

L’agriculture biodynamique, une synthèse scientifique Uwe Geier, Jürgen Fritz, Ramona Greiner, Michael Olbrich-Majer Article traduit par Rudolf Tille pour le MABD et les Amis de la biodynamie, juin 2018. Ce texte est extrait de l’ouvrage collectif : Geier U, Fritz J, Greiner R, Olgrich-Mejer M. (2016) : Biologisch-dynamische Landwirtschaft. In: Freyer B. (Hg.): Ökologischer Landbau: Grundlagen, Wissensstand und Herausforderungen. UTB ; 101-123. 1. Bases et approche systémique Parmi les méthodes d'agriculture biologique, la méthode biodynamique, également connue sous le nom de biodynamie, est celle qui va le plus loin dans une approche holistique, tant dans ses idées de base que dans la pratique. Historiquement, elle est à l'origine du développement de l'agriculture biologique1. Le point de départ de la biodynamie a été une série de conférences données par Rudolf Steiner2 en 1924, qui ont ensuite été publiées sous le titre Geisteswissenschaftliche Grundlagen zum Gedeihen der Landwirtschaft – fondements spirituels pour la prospérité de l’agriculture (Steiner, 1925), connu comme Le cours aux agriculteurs. Durant ce cours agricole déjà, un "Cercle expérimental agricole de la Société Anthroposophique" a été fondé. Inspiré par ce cours, les principes de la biodynamie se sont développés, basés sur la compréhension de la ferme en tant qu'organisme et individualité agricole. L'être humain y sert de modèle. Selon Steiner, "l'être humain est la base" : l’organisme est compris en tant qu'entité vivante plus ou moins close sur elle-même avec les organes correspondants. Une individualité en évolution, un être singulier et unique. Par conséquent, les interrelations entre les organes tels que les cultures, les vergers, la nature sauvage, les animaux d’élevage ou entre le sol, les plantes, l'élevage, etc., sur un même domaine sont intensifiées par des pratiques biodynamiques. Par exemple à travers le cycle continu entre le sol, les prairies et le fumier animal. Ce renforcement des organes doit stimuler les forces d'autorégulation de l'agriculture. Le but de ce système agricole est d'assurer une fertilité durable, une bonne capacité de rendement, une agriculture saine ainsi qu'une haute qualité nutritive des produits. Aujourd'hui, ces considérations correspondent à des termes tels que résilience3, qui jouent un rôle important dans le débat actuel sur la durabilité (Darnhofer & Milestad, 2003, Hubenthal, 2012). Dans sa compréhension de la nature, la biodynamie est basée sur une hiérarchie des règnes (niveaux d’action) (Steiner, 1925 ; Wegmann, 1925) : la matière est façonnée par un élément vivant supérieur. Le vivant est ordonné par l'âme chez les animaux et les humains. Chez l'homme, l'âme est structurée par le Moi ou l’identité spirituelle. Dans les plantes, par exemple, cette identité propre est représentée par l'espèce. Les sciences naturelles, qui travaillent aujourd'hui presque exclusivement de manière réductionniste, sont ainsi élargies par de nouvelles dimensions, ce qui est particulièrement important pour la biologie ou l'agriculture. Ces dimensions peuvent être attribuées aux qualités naturelles comme suit, dans l'ordre additif: le minéral est avant tout physico-chimique, la plante ajoute la vie, l'animal l’âme et l'être humain le Moi. 1 L'agriculture biodynamique s'est développée à partir du "cercle expérimental" (Koepf & von Plato, 2001) fondé pendant le cours de Steiner, qui voulait tester les recommandations de Steiner dans la pratique et les rendre fructueuses pour l'agriculture. Cette recherche active sur le terrain correspond à ce que l'on appelle aujourd'hui l'approche "participative" ou "on-farm research". Des études pratiques pour comparer biodynamie et conventionnel ont également été menées déjà dans les années 1930 (ebda 160), ainsi que des recherches conjointes avec des institutions agricoles (ebda 147). 2 Au début du siècle dernier, Rudolf Steiner (1861-1925) a fondé le courant de pensée "Anthroposophie" comprenant un chemin d'éducation spirituelle et a inspiré un certain nombre de domaines de la vie tels que l'art, la société ou l'agriculture, en partant de la liberté de l'homme et du développement de son âme et de son esprit. 3 La résilience décrit la capacité d'un système à faire face au changement. Elle peut, sur le plan agricole, être soutenue par la diversité, une vision globale et des cycles fermés. Ces trois niveaux naturels conduisent également à la stabilité. Le concept biodynamique étend encore la troisième étape pour y inclure l'aspect du partenariat avec la nature. 1 Geier U, Fritz J, Greiner R, Olgrich-Mejer M. (2016) : L’agriculture biodynamique, une synthèse scientifique En biodynamie, une interpénétration intensive de ces niveaux est recherchée. Ces niveaux représentent également les règnes de la nature. Les niveaux supérieurs participent à la structuration des niveaux inférieurs : le sol (d’abord seulement minéral) est vivifié par les plantes (vivantes), qui elles-mêmes sont renforcées par un élevage approprié (élément d'âme), qui caractérise le lieu en corrélation avec l'alimentation animale et le fumier correspondant. L'application des préparations biodynamiques ─ un acte culturel de l'homme ─ devrait favoriser à la fois l'autorégulation des organes d'un domaine ainsi que l'interaction des processus au sein et entre le sol, les plantes et l'élevage. En se référant au concept de résilience, l'agriculture biologique suit trois étapes successives d'autorégulation. A l'exemple de la régulation d'un nuisible tel que le puceron dans les pommiers, elles peuvent être décrites comme suit : 1. pulvérisations naturelles (pas de pesticides chimiques de synthèse), 2. environnement naturel, par exemple favoriser les auxiliaires par le recours à des haies (agroécologiques); 3. comprendre le développement naturel des pommiers et les soutenir par la taille et la fertilisation des arbres dans le but de soutenir l'intégrité de l'arbre (Bloksma, 2002, Verhoog et al., 2003). Verhoog (2009) conclut que l'agriculture biodynamique est celle qui se rapproche le plus de la compréhension de l'intégrité dans le traitement des plantes et des animaux. Un autre sujet important dans l'agriculture est l'efficience. Il ressort que le concept biodynamique d’organisme agricole en polyculture-élevage présente des avantages évidents en termes d'efficience de l’azote, d'équilibre de l'humus, de consommation énergétique et de protection du climat (voir par exemple Hülsbergen & Rahmann, 2013). L’agriculture biodynamique est aujourd’hui pratiquée sur tous les continents et dans de nombreuses cultures différentes ainsi dans le monde arabe, en Inde et en Chine, etc. Il existe plus de 5000 domaines certifiés Demeter de par le monde représentant plus de 160 000 ha de surface agricole et des projets individuels dans 43 pays avec une prédominance en Europe. Les associations biodynamiques et Demeter (regroupées dans l’association Demeter International) sont présentes dans plus de 20 pays différents. Dans l'agriculture biodynamique, l'agriculteur a dès le début été considéré comme chercheur. Ceci apparaît clairement par le fait que très tôt le cercle d'expérimentation a été fondé par des agriculteurs. Aujourd'hui, le paysage de la recherche biodynamique comprend principalement des institutions de recherche privées et un certain nombre d'activités individuelles dans les universités. De nombreux éléments caractérisent l'agriculture biodynamique. Ils sont en même temps les points centraux de la recherche biodynamique. 2. Fondements de l'agriculture biodynamique La ferme, un organisme individualisé dans un espace naturel vivant L'objectif de l'agriculture biodynamique est la configuration individuelle de chaque ferme, en tenant compte des qualités du paysage local, des animaux et des personnes vivant sur la ferme pour constituer un ensemble organique : un organisme ou une individualité agricole (cf. Sattler & Wistinghausen, 1989). Un domaine est considéré comme "sain" (Steiner, 1925) lorsqu’il s’approche de l’autonomie, avec un apport le plus faible possible de substances de l'extérieur (économie circulaire). Au niveau des substances, cela se traduit idéalement par la nécessité d’une reconversion de l'ensemble du domaine et une forte proportion de fourrage produit sur la ferme (voir Demeter, 2014). L'individualité du domaine est considérée comme faisant partie de l'organisme paysage. Les éléments du paysage et les diverses populations animales comme les oiseaux, les vers de terre, les insectes ou le bétail sont considérés comme étant d'une grande importance pour l'équilibre entre les forces naturelles, étroitement liées à la production agricole (Steiner 1925). Vivifier le sol Le sol et la plante sont considérés comme une unité. Une densité excessive de parasites, de champignons ou de mauvaises herbes résultent de déséquilibres. L'objectif est donc de "vivifier" le sol en tant que médiateur clé de substances dans l’agriculture par des rotations de cultures diversifiées et l'apport de composts dynamisé par des préparations spécifiques (Steiner, 1925), au lieu de simplement fertiliser les plantes selon leurs besoins. Toutes les mesures visant à augmenter la fertilité des sols sont donc d'une grande importance dans les fermes biodynamiques. Ce qui comprend également le mode d'élevage et l'alimentation des animaux, le traitement du fumier (y compris le compostage afin d'obtenir des formes d'humus plus stables) et des rotations de cultures diversifiées. 2 Geier U, Fritz J, Greiner R, Olgrich-Mejer M. (2016) : L’agriculture biodynamique, une synthèse scientifique Les préparations biodynamiques Un organisme reste sain si ses propres forces et les interactions fonctionnelles entre les organes sont intactes. Cependant, selon Steiner (1925), l'agriculture tend à surexploiter les forces vitales qui l'organisent. Pour compenser cette surexploitation, des préparations biodynamiques sont utilisées en complément du cycle fourrage-fumier, dont l'utilisation est prescrite par les Cahier des charges Demeter (Demeter International, 2014). Ces préparations sont élaborées à partir de minéraux, de plantes et de composants animaux par les agriculteurs eux-mêmes et utilisées en petites quantités comparables uploads/Societe et culture/l-x27-agriculture-biodynamique-une-synthese-scientifique-uwe-geier-juergen-fritz-ramona-greiner-michael-olbrich-majer.pdf

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