Astérion 3 (2005) Spinoza et le corps .........................................

Astérion 3 (2005) Spinoza et le corps ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Makram Abbes La question de la tolérance en Occident et en islam à travers le livre de Yves-Charles Zarka et Cynthia Fleury : Difficile tolérance ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. T oute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Makram Abbes, « La question de la tolérance en Occident et en islam à travers le livre de Yves-Charles Zarka et Cynthia Fleury : Difficile tolérance », Astérion [En ligne], 3 | 2005, mis en ligne le 15 septembre 2005, consulté le 14 octobre 2012. URL : http://asterion.revues.org/438 Éditeur : ENS Éditions http://asterion.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://asterion.revues.org/438 Ce document PDF a été généré par la revue. © ENS Éditions LA QUESTION DE LA TOLÉRANCE EN OCCIDENT ET EN ISLAM À TRAVERS LE LIVRE DE YVES-CHARLES ZARKA ET CYNTHIA FLEURY : DIFFICILE TOLERANCE Makram ABBES° Difficile tolérance est écrit par Yves-Charles Zarka avec la collaboration de Cynthia Fleury en vue d’étudier la question de la tolérance dans les sociétés occidentales et la place qu’occupent les communautés arabo-musulmanes au sein de ces sociétés. Les deux auteurs mettent l’accent sur l’incompatibilité entre les valeurs de l’Occident et celles de l’islam ; ils défendent l’idée de l’impossibilité de l’émergence de la tolérance dans la culture de l’islam et soulignent la nécessité de réagir face aux revendications communautaires, de plus en plus menaçantes pour la République. Cet article commente et discute les principaux postulats, présupposés et exemples historiques mobilisés par les deux auteurs. Il attire l’attention sur les erreurs de lecture, les contresens et les déformations au prix desquels les auteurs soutiennent leur thèse sur l’absence de la tolérance en islam. Mots-clés : tolérance, dhimma, jihad, altérité, minorités. 1. Introduction Qu’elle soit ramenée à la morale ou fondée juridiquement, la tolérance apparaît comme une donnée fondamentale pour réfléchir aussi bien sur les questions de l’identité et de l’altérité que sur celles des droits de l’homme et de la démocratie. À l’articulation de la morale, de la politique et du droit, cette notion s’est imposée dans le débat philosophique contemporain qui oppose depuis un quart de siècle les 325 ° Maître de conférences, École normale supérieure Lettres et Sciences humaines, Lyon. Astérion, n° 3, septembre 2005 libéraux et les communautariens ou les partisans de la société juste et les défenseurs de la vie bonne. Toutefois, malgré l’intérêt que suscite de plus en plus la notion de tolérance dans le domaine de la philosophie politique, et bien qu’elle soit convoquée en tant que donnée fondamentale pour réfléchir sur le pluralisme religieux, l’universalisation des normes et des valeurs ou le respect des différences culturelles, cette notion est souvent critiquée en raison de son ambiguïté ou de son inconsistance. La question des limites de la tolérance souligne cette fragilité : s’il est admis que l’intolérance est la négation de la tolérance, l’excès de celle-ci pourrait être jugé également comme intolérable. La tolérance se présente ainsi comme un espace de sens éclaté parce qu’elle s’énonce dans différents registres et se décline selon des exigences multiples (le privé et le public ; le moral et le juridique). Les débats philosophiques contemporains tentent de résoudre ces difficultés en explorant les interrogations suivantes : une société démocratique peut-elle ou doit- elle tolérer certaines manifestations communautariennes ? quelles sont les limites de l’acceptation des particularismes culturels ? doivent-ils être cantonnés dans l’ordre du privé ou sont-ils susceptibles d’être reconnus juridiquement ? Difficile tolérance d’Yves-Charles Zarka et de Cynthia Fleury prend part à ces débats engagés pour la plupart par les penseurs nord-américains, en les articulant au contexte européen et, précisément, français. D’un côté, ce livre a pour objectif l’étude de la tolérance dans les sociétés démocratiques occidentales et des problèmes que pose la présence des minorités ethniques ou religieuses dans ces sociétés. D’un autre côté, il vise à étudier les rapports entre l’islam et l’Occident en tant que lieu de cristallisation et de manifestation de la crise contemporaine de la tolérance. 2. La « structure-tolérance » : postulats et questions La partie rédigée par Yves-Charles Zarka (Avant-propos, Introduction et Traité sur la structure-tolérance) part d’un constat négatif, celui des menaces que représentent certaines minorités religieuses pour la société occidentale, pour aboutir à l’élaboration d’un modèle de tolérance nommé « structure-tolérance », grâce auquel la question des 326 Astérion, n° 3, septembre 2005 relations intercommunautaires pourrait être pensée. Pour ce faire, l’auteur tente de reconstruire l’histoire de la tradition occidentale de la tolérance, discute les principales idées qui ont travaillé la tradition de la philosophie politique moderne tout en élaborant, parallèlement, les fondements de la structure-tolérance. L’intention de Yves-Charles Zarka est clairement exprimée dès les premières pages de son livre : il s’agit d’élaborer une structure juridique de la tolérance, et non point d’illustrer l’aspect moral de cette notion. Ce choix méthodologique vise à asseoir sur des bases inébranlables le principe de la tolérance afin que toutes les minorités soient gouvernées par cette structure, fussent-elles réfractaires, par leurs religions ou leurs traditions, à la culture occidentale de la tolérance et aux valeurs des sociétés démocratiques. Dans la Préface, cette entreprise est présentée comme une « redéfinition du concept de tolérance » qui est « nécessaire pour surmonter le “choc des civilisations” » et c’est avec « le concept politique de “structure-tolérance” »1 que la tolérance est redéfinie et qu’elle sera débarrassée des connotations morales qu’elle recèle (p. 16). La structure-tolérance repose sur deux strates et sur trois dispositifs. Pour Yves-Charles Zarka, deux strates, un monde déchiré et une reconnaissance sans réconciliation, sont le substrat sur lequel repose la structure-tolérance. L’expression de « monde déchiré » que l’auteur élève au rang de « concept » (p. 32, par exemple) renvoie aux déchirures de notre temps, aux conflits identitaires, culturels et religieux exacerbés par la conjoncture actuelle, celle de la fin du communisme et de la résistance des cultures à l’occidentalisation du monde. La fiction d’un monde « lisse » et homogène a cédé la place, selon l’auteur, « à l’émergence d’une multitude de peuples dotés d’histoires particulières, c’est-à-dire d’une pluralité de sujets historiques en conflits, sans destination et sans horizon communs » (p. 37). La première strate du « Traité » sur la tolérance est donc un constat négatif fait à partir de l’examen des réalités internationales telles qu’elles sont abordées dans les théories de sociologie politique, en vogue à l’heure actuelle. Même si l’auteur reconnaît que ces réalités ne sont pas spécifiques à notre temps, il estime qu’elles se sont trouvées particulièrement exacerbées par l’écroulement des mythes 1. Y.-C. Zarka, avec la collaboration de C. Fleury, Difficile tolérance, Paris, PUF, 2004, p. V-VI. 327 Astérion, n° 3, septembre 2005 unificateurs de l’humanité qui ont porté les espoirs des hommes du XXe siècle (p. 33-38). C’est à partir de ce constat négatif qu’est fondée la deuxième strate, celle de la « reconnaissance sans réconciliation ». L’auteur assigne à cette notion la tâche de penser la question de la coexistence entre certaines ethnies et cultures attachées au maintien de leurs différences. Il estime que la reconnaissance de l’altérité culturelle est fondamentale pour la structure-tolérance et c’est pour cette raison qu’il n’est pas demandé aux acteurs politiques ou sociaux de se réconcilier avec la culture de l’autre. La réconciliation est considérée comme un effacement de l’identité, une suppression de la culture. Même si l’auteur reconnaît la possibilité de surmonter les différences pour que de nombreuses cultures forment une synthèse, il est, par son attachement au postulat de départ (le monde déchiré), hostile à de telles formations marquées par la symbiose entre éléments hétérogènes qui créent une nouvelle culture à partir du métissage et du « dépassement des conflits entre cultures différentes vers une culture qui réordonne autrement les éléments hérités » (p. 40). La réconciliation entre les cultures est synonyme, pour l’auteur, d’effacement des différences. Or, celles-ci doivent être maintenues. Les cultures minoritaires pourraient ainsi assurer leur continuité à condition de ne pas remettre en cause les libertés et les droits individuels ou, autrement dit, les acquis des sociétés démocratiques. C’est à partir de ce point que l’auteur discute les différentes opinions formulées par les libéraux et les communautariens, comme l’attribution ou non d’un droit spécifique aux minorités – ce qui pourrait les soustraire de l’emprise d’une forme de droit universel – ou bien la place que pourrait accorder la culture majoritaire aux minorités par uploads/Societe et culture/la-question-de-la-tolerance-pdf.pdf

  • 7
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager