Décisions Marketing N°59 Juillet-Septembre 2010 – 17 Spectacle sportif VALEUR P
Décisions Marketing N°59 Juillet-Septembre 2010 – 17 Spectacle sportif VALEUR PERçUE, GRATUITé ET CONSENTEMENT à PAYER Le cas des spectacles sportifs Maud Derbaix, Emerence Leheut, Christian Derbaix et Grégory Stenmans L ’organisation de spectacles sportifs revêt divers enjeux dont celui de rassembler une assistance nombreuse (4). Certains sports comme le foot- ball sont très populaires et la participation des suppor- ters est souvent acquise. D’autres sports, en revanche, ne connaissent pas le même engouement. La gratuité et sa médiatisation constituent peut-être un levier intéres- sant pour que débute une relation entre des spectateurs potentiels et une équipe ou un type de spectacle sportif, comme cela existe dans le domaine culturel (12). De plus, comprendre les déterminants de la valeur perçue et de la qualité perçue de spectacles sportifs permettrait aux managers d’adapter davantage leur offre et plus par- ticulièrement leur politique de fixation des prix, dans la mesure où le prix influence le niveau de fréquentation. L’objectif de cet article est triple. Premièrement, il a pour but de mettre en évidence les composantes de la valeur expérientielle et de la qualité perçue de manifestations sportives. Ensuite, il s’intéresse aux motivations à assis- ter à un spectacle sportif et s’attache à étudier plus par- ticulièrement la place accordée à la gratuité dans l’ex- plication du niveau de fréquentation d’un événement sportif. Enfin, les relations entre valeur perçue, qualité perçue et satisfaction, d’une part, et entre satisfaction et propension à revenir, à faire du bouche-à-oreille et consentement à payer, d’autre part, sont précisées dans ce même contexte. Les résultats permettent de préconi- ser aux responsables de ces spectacles sportifs les élé- ments à communiquer à l’audience visée et contribuent à mettre en place une politique tarifaire ayant une assise plus objective. Après avoir rappelé et avancé des considérations essen- tielles sur la valeur perçue des spectacles sportifs ainsi que sur les effets de la gratuité et les spécificités des spectacles sportifs, nous détaillons la méthodologie, les principaux résultats, les conclusions et les implica- tions managériales de cette recherche, au travers du cas concret que constituent les matchs d’août 2007 de l’équipe nationale de Belgique de basket-ball. Maud Derbaix Professeur assistante, BEM-Bordeaux Ma- nagement School, Chaire Arts, Culture et Management en Europe. Contact : maud.derbaix@bem.edu Emerence Leheut Assistante, LABACC, Fucam & Louvain School of Management. Contact : emerence.leheut@fucam.ac.be Christian Derbaix Professeur ordinaire, LABACC, Fucam & Louvain School of Management. Contact : christian.derbaix@fucam.ac.be Grégory Stenmans, Auditeur TKF, Luxembourg. Cet article se centre sur la valeur expérientielle et la qualité perçue de spectacles sportifs. La place de la gratuité au sein des motivations à assister à ce type de spectacle y est d’abord précisée. Ensuite, les rela- tions entre valeur perçue, qualité perçue et satisfaction d’une part, et entre satisfaction et intention de revenir, propension à faire du bouche-à-oreille et consente- ment à payer, d’autre part, sont mises en évidence dans ce contexte. Finalement, les limites de cette recherche et ses implications managériales sont détaillées. 18 – Maud DERBAIX, Emerence LEHEUT, Christian DERBAIX et Grégory STENMANS Valeur perçue, gratuité et consentement à payer Valeur perçue et spectacles sportifs La valeur perçue a intéressé de nombreux auteurs en marketing et est souvent analysée selon deux perspec- tives. La première perspective est qualifiée d’écono- mique ou d’utilitaire et se centre davantage sur l’utilité fonctionnelle du produit (19). La seconde perspective reconnaît que la valeur perçue est fondée sur l’expé- rience de consommation (11) et sur les réponses hédo- niques qui en découlent. Selon la perspective économique, Zeithaml (19) définit la valeur comme « une appréciation globale de l’utilité du produit, fondée sur la perception de ce qui est reçu et de ce qui est cédé ». Pour cet auteur, la valeur perçue dépend du prix perçu et de la qualité perçue. C’est à ce titre que l’on parle de valeur d’échange. Cette approche traite donc de la valeur globale en tant que jugement évaluatif ex-ante. Poussée à l’extrême, cette approche particulièrement objective, centrée sur un objet, son prix et l’utilité fonctionnelle procurée, peut être inadé- quate pour prendre en compte la valeur délivrée par des expériences de consommation. La seconde approche, adoptant une perspective plus expérientielle, se fonde sur la valeur d’usage (consu- mer value). La valeur d’usage résulte d’une expérience de consommation ou de possession (1). Holbrook (11) la définit comme « une préférence relative, compara- tive, personnelle et situationnelle caractérisant l’expé- rience d’un sujet en interaction avec un objet ». Cette définition met davantage l’accent sur les caractères in- teractif et relatif de la valeur (14). Aussi, cette approche a notamment conduit à identifier les composantes de la valeur en fonction de leurs significations pour le consommateur : instrumentales, affectives, symboliques, sociales, etc. (1). Dans cette perspective, la valeur n’est pas considérée comme une simple base de décision d’achat, mais représente davantage la conséquence des expériences cumulées (1). Il apparaît clairement que la valeur perçue d’un spectacle sportif relève plus de la valeur d’usage que de la valeur d’échange car, tout comme le spectacle culturel, la consommation de spec- tacles sportifs repose sur la recherche d’expériences vécues individuellement ou collectivement (4, 7). Bour- geon-Renault et Bouchet (4) soulignent d’ailleurs qu’en se référant aux spécificités du produit culturel (unicité de la manifestation non reproductible à l’identique, production de symbolisme, d’hédonisme et d’esthé- tisme, absence de fonctionnalité, nécessité de l’alloca- tion du temps), le spectacle sportif peut, sous certains aspects, être considéré comme un objet culturel. Les mêmes auteurs soulignent l’absence de travaux de re- cherche consacrés à « l’analyse du comportement de consommation de spectacles sportifs, plus spécifique- ment à travers l’expérience vécue par les individus ». Nous nous attachons donc à combler cette lacune qui relève notamment du contenu perçu de l’expérience sportive. Nous tentons de voir si, dans le domaine du sport (comme c’est le cas pour les spectacles cultu- rels), le spectateur vient aux matchs pour être en inte- raction avec les autres spectateurs, mais aussi avec le ou les joueurs, s’il partage ses émotions avec les autres spectateurs ou encore s’il a une approche active de la consommation du spectacle en tentant de transcender son équipe/son joueur favori, de la/le porter vers la vic- toire. Bromberger (6) parle à cet égard de spectacle par- ticipatif. En outre, ce que d’aucuns ont souligné pour les produits culturels (1, 7) se retrouve dans le spec- tacle sportif. Bien évidemment l’expérience sportive, tout comme l’expérience culturelle, est influencée non seulement par l’interaction objet/personne, mais aussi par le contexte. Enfin l’élément incertitude, le fait de ne pas connaître l’issue du match ou de la compétition, est également une des caractéristiques particulières et majeures de tout spectacle sportif. Il faut sur ce dernier point souligner que si le résultat est « connu d’avance » (« l’équipe est faible et elle sera battue »), les specta- teurs se diront que cela ne vaut pas la peine de se dépla- cer et de payer. En matière de valeur de spectacle sportif et se centrant plus particulièrement sur les matchs de rugby, Bouchet et Pulh (3) ont mis au jour des valeurs réunissant des « micro-valeurs » : valeur d’ordre utilitaire (valeur de performance, de connaissance, de caractère unique) ; valeur d’ordre esthétique (beauté, qualité) ; valeur d’ordre affectif (hédonisme, évasion, suspense) et valeur d’ordre social (interaction sociale, pratique so- ciale, communion sociale et expression de soi). Gratuité et spectacles sportifs Bien que le terme gratuit soit polysémique (9), il signi- fie assez souvent « sans prix » (12). Cependant, d’autres sacrifices resteront présents comme par exemple le déplacement (transport, parking), le temps nécessaire pour assister au match proprement dit, une éventuelle restauration sur place, etc. En fait, si la gratuité sup- prime le coût monétaire le plus phénoménologique (le prix d’entrée) – à défaut d’être toujours le plus im- portant – elle renvoie à d’autres coûts monétaires ou non monétaires (efforts physiques, psychologiques, in- certitude sur le contenu du spectacle sportif proposé, risque d’être déçu ou de ne pas comprendre) très sem- blables à ceux dont font l’expérience les visiteurs des musées ou monuments nationaux (13). Ce qui, à l’ins- tar de Le Gall-Ely et al. (12), conduit à constater que la réelle gratuité n’existe pas. Ces mêmes auteurs écri- vent d’ailleurs : « Pour les consommateurs, quand il est question de gratuité, il est avant tout question du prix. Ainsi la gratuité est perçue comme un prix glo- bal composé de coûts monétaires et non monétaires » (13). La gratuité pour initier la venue Dans le domaine culturel et spécialement muséal, l’in- fluence de la gratuité sur la fréquentation serait positive à court terme, une sorte d’« effet lune de miel » (2) et neutre à moyen et long terme. La gratuité n’apparaîtrait intéressante qu’au début de son instauration et rendrait à long terme les gens indifférents. De plus, la gratuité ne Décisions Marketing N°59 Juillet-Septembre 2010 – 19 Spectacle sportif crée pas l’intention de visite (des musées), elle facilite simplement le passage à l’action lorsque l’intention de visite existe préalablement. À ce titre, la gratuité est se- uploads/Sports/ derbaix-leheut-derbaix-stenmans-dm-59.pdf
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Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 05, 2023
- Catégorie Sports
- Langue French
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