SOPEMI TENDANCES DES MIGRATIONS INTERNATIONALES Système d’observation permanent

SOPEMI TENDANCES DES MIGRATIONS INTERNATIONALES Système d’observation permanente des migrations RAPPORT ANNUEL ÉDITION 1999 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES 247 OCDE 1999 Partie III* MIGRATIONS CLANDESTINES : ENJEUX ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES1 Introduction Envisagés sur la longue période depuis les années 70 et dans un contexte d’accroissement modéré de la migration internationale (Tapinos et Delaunay, 1998), l’augmentation des situations de clandestinité et l’allongement de la durée de séjour des clandestins ont eu pour effet de réduire pratique- ment le débat sur la politique d’immigration à la ques- tion de la migration clandestine. La lutte contre les entrées illégales, l’irrégularité du séjour et du travail des étrangers est devenue l’une des priorités de la politique migratoire. Cette orientation de la politi- que migratoire est désormais commune à l’ensemble des pays européens, et en particulier les nouveaux pays d’immigration du sud (Italie, Espagne, Grèce, Portugal) et à l’Amérique du Nord, bien que les États-Unis et le Canada restent très ouverts à l’immi- gration régulière. Examiner les enjeux économiques et politiques de la migration clandestine c’est s’interroger sur le point de savoir ce qu’il y a de spécifique dans la migration clandestine par rapport à la migration régu- lière. Dans cette perspective, ce document considère successivement le problème de la mesure, la dimen- sion économique et les politiques de contrôle. A. LA MIGRATION ILLÉGALE 1. L’immigration illégale, une catégorie hétérogène La souveraineté des États définit le champ des migrations clandestines. C’est par rapport à une règle de droit – et à ses lacunes –, aux restrictions à l’entrée ou à la sortie d’un territoire, aux conditions légales d’accès au marché du travail que se définit la clandestinité. Par définition, l’immigration clandes- tine échappe à l’enregistrement et à la statistique. La première difficulté à laquelle on se trouve confronté est celle de la définition et de la mesure de l’immi- gration clandestine. La convention n° 143, adoptée par la Conférence du BIT en 1975, définit les migrations clandestines ou illégales comme celles où les migrants se trouvent « au cours de leur voyage, à leur arrivée ou durant leur séjour ou leur emploi, [dans] des conditions contrevenant aux instructions ou accords internatio- naux, multinationaux ou bilatéraux pertinents ou à la législation nationale » (Moulier Boutang, Garson et Silberman, 1986). Cette définition met l’accent sur les divers aspects de l’irrégularité : l’entrée, le séjour dans le pays d’accueil et l’exercice d’une activité. Dans un monde sans restrictions – à l’entrée ou à la sortie d’un pays – l’immigration illégale est un concept sans fondement. L’immigration illégale n’existe que si il y a dans le même temps des restric- tions et une certaine tolérance. Elle est la manifesta- tion d’un déséquilibre entre une offre illimitée de candidats à l’émigration et l’acceptation limitée de nouvelles entrées par les pays récepteurs. Dans les pays qui restent largement ouverts à l’immigration, comme les États-Unis et le Canada, l’immigration illégale apparaît comme une procé- dure alternative d’entrée pour ceux qui ne remplis- sent pas les conditions requises, ceux qui auraient à attendre trop longtemps pour obtenir un visa d’immigration, ou encore ceux pour lesquels l’immi- gration clandestine est moins coûteuse. Dans une situation où les possibilités d’entrée et de séjour sont limitées, comme en Europe actuellement, * Cette partie a été rédigée par M. Georges Tapinos, Professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, consultant auprès du Secrétariat de l’OCDE. Les vues exprimées sont celles de l’auteur et n’engagent ni l’Organisation ni les autorités concernées. Tendances des migrations internationales 248 OCDE 1999 l’entrée illégale est la seule option qui s’offre aux candidats à la migration, exception faite du regrou- pement familial et des demandes d’asile. Dans l’un et l’autre cas, dès lors que la durée de séjour légale est limitée dans le temps selon le type de visa (tou- ristes, étudiants, travailleurs temporaires, etc.) ou en l’absence même d’obligation de visa, le dépasse- ment de la durée de séjour autorisée2 place la per- sonne en situation d’illégalité. Cette distinction essentielle est plus facile à faire aux États-Unis où il existe à l’entrée une ligne de partage légale entre les immigrants et les non- immigrants, et où le système statistique permet une estimation du nombre de non-immigrants, qui, n’ayant pas obtenu une modification de leur statut après leur entrée et dont la sortie du pays n’a pas été enregistrée, sont supposés être présents sur le terri- toire au-delà de la date d’expiration de leur visa. Dans les pays européens, où une telle distinc- tion n’est pas faite à l’entrée, le dépassement de séjour résulte plus généralement du refus opposé aux immigrants lors de la délivrance ou du renouvel- lement du permis de séjour, une situation qui ne fait que traduire les règles définissant la résidence légale, mais qui peut résulter aussi de l’ambiguïté ou de l’incohérence de ces règles. Ainsi par exemple, lorsque les titres obtenus lors d’une régularisation ont été limités à une durée d’un an renouvelable, sans que cela soit automatique, dans les pays où les régularisations ont été récurrentes, comme l’Italie ou l’Espagne, on a observé des régularisations répétées pour les mêmes individus. Aux États-Unis, en revan- che, les personnes qui ont bénéficié de la loi d’amnistie de 1986 (IRCA), ont obtenu un titre leur permettant de séjourner dans le pays jusqu’à ce qu’elles remplissent les conditions d’attribution de la carte verte de résident permanent. L’immigration illégale comporte aussi une dimension temporelle puisqu’elle peut se définir par la durée. Du point de vue du migrant, la situation d’illégalité peut représenter une phase temporaire du cycle migratoire, comme ce fut le cas en France dans les années soixante, compte tenu de la possibi- lité pour les migrants illégaux d’être régularisés, ou un état permanent en l’absence de régularisation, ou lorsque la régularisation est exceptionnelle et non renouvelable, comme sont supposées l’être la régularisation américaine de 1986 et les régularisa- tions effectuées récemment dans des pays euro- péens. Cette distinction s’applique également du point de vue du pays récepteur qui peut être soit un pays de première entrée ou le pays où l’immi- grant envisage de s’installer définitivement. A cet égard, la situation évolue avec le temps. Lorsque l’Espagne et l’Italie, pays d’émigration par excel- lence, ont enregistré un début d’immigration, à la suite de la fermeture des frontières par les pays tra- ditionnels d’immigration européens, leurs autorités se sont plues à considérer qu’ils étaient des pays de première entrée. A la fin de la décennie 1980 et au début des années 90, il était manifeste que ces pays étaient devenus à leur tour des pays d’établis- sement avec un effectif significatif d’immigrants clandestins. L’étude de la clandestinité ne se réduit pas à la personne du migrant clandestin. L’analyse du phéno- mène et la définition des politiques de lutte doit s’attacher à l’ensemble de la chaîne de clandestinité, qui met en jeu une série d’acteurs : le migrant, l’intermédiaire qui facilite le passage et le placement, l’entreprise où le migrant travaille et le donneur d’ordre. On est alors en présence d’une diversité de circuits et de situations complexes qui vont de la mise en contact directe du clandestin et de l’entrepreneur, à des organisations puissantes aux multiples rami- fications, qui contrôlent un véritable trafic de main-d’œuvre. Ici, des ressortissants d’Afrique sub- saharienne gagnent l’Algérie en avion, poursuivent leur itinéraire par voie terrestre jusqu’à l’enclave espagnole de Melilla au Maroc, avec la perspective d’être transportés en Espagne à l’occasion d’une opération de régularisation. Là-bas, des travailleurs en provenance du Mexique ou des pays d’Amérique centrale s’efforcent de franchir la frontière avec l’aide d’un passeur, qui assure éventuellement le placement sur le marché du travail américain. Les organisations impliquées dans le trafic peuvent atteindre une dimension considérable. Aux États-Unis, l’INS a démantelé en 1998 une organisation qui avait assuré le passage d’environ 10 000 personnes aux États-Unis ; en novembre de la même année, 2 millions de documents d’identité falsifiés ont été sai- sis à Los Angeles (INS, mars 1999). La chaîne de la clan- destiné remonte parfois en amont du migrant lui- même. Ainsi des jeunes mineurs marocains entrés clan- destinement dans les pays européens n’étaient pas, comme on aurait pu le penser, de jeunes désœuvrés qui avaient pris l’initiative de la clandestinité, mais des adolescents envoyés par leurs parents, mettant à profit le statut de minorité qui, dans les pays européens, pro- tège contre l’expulsion. Cette extrême hétérogénéité doit écarter les jugements tranchés sur la dimension exclusivement humanitaire ou à l’inverse, exclusive- ment criminelle du phénomène. Migrations clandestines : enjeux économiques et politiques 249 OCDE 1999 Ces distinctions ont des implications importan- tes sur la mesure et les caractéristiques des migrants illégaux, l’impact économique de la migration illé- gale, l’efficacité administrative et la dimension poli- tique du contrôle. 2. Méthodes de mesure L’estimation de la population en situation irré- gulière est un exercice délicat, qui renvoie à la fois au régime juridique de l’immigration, au système d’observation statistique et aux mécanismes de la clandestinité, mais aussi à la perception qu’a le migrant clandestin de l’acceptation de la clandesti- nité par uploads/Voyage/ tendance-d-x27-immigration.pdf

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  • Publié le Fev 03, 2022
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