Le diable et le bon dieu 2

Paul Ric ?ur Ré exions sur Le Diable et le Bon Dieu ? Esprit novembre Peut-on se risquer à écrire sur une pièce de thé? tre quand on a été blessé par elle Oui blessé A la représentation le Diable et le Bon Dieu a o ?ensé en moi quelque chose dont au reste la pièce m'a aidé à prendre conscience une sorte de pudeur du sacré Il me faut bien partir de cette émotion initiale même si la lecture a pu comme je vais le dire réduire après coup le choc du premier spectacle C'est même cette aptitude complexe de la pièce à osciller entre une émotion de représentation et une interprétation ré exive de tonalité et même de signi ?cation très di ?érentes qui pour moi fait problème Ce décalage émotionnel et même jusqu'à un certain point cette inversion de sens entre la lecture et le spectacle me paraissent assez propres à cette pièce au centre est le personnage ambigu de Goetz bou ?on du Mal puis faussaire du Bien or la présence de chair de l'acteur donne aux mots et aux gestes une puissance telle de percussion que l'imposture à travers laquelle passe le blasphème est comme submergée par la présence atroce du blasphème qui éclate là réel dans des bouches réelles dans des conduites réelles Au spectacle l'imposture du personnage devient à la limite l'imposture de la pièce Je dois dire que certaines scènes m'ont été presque insupportables non point bien sur la peinture- du côté clérical et superstitieux de la foi Tetzel est même bien drôle j'avais plutôt envie de fuir que d'en voir et d'en entendre davantage la scène des faux stigmates en particulier atteint un degré inadmissible d'outrance en moi la terreur ? proprement dramatique se pourrissait en une peur non lyrique qu'après coup je compare un peu a celle que Kierkegaard rapporte de son enfance lorsqu'il vit son père maudire Dieu Je sortis accablé le silence et l'absence de Dieu étaient comme montrés et attestés par ce puissant simulacre de la sphère religieuse lequel se refermait sur soi sans autre issue ni réponse que l'action di ?cile dans l'histoire Puis j'ai lu et relu la pièce un autre sens s'est formé Mais de cette retouche est sortie une nouvelle interrogation que je dirai pour ?nir Une chose éclate à la lecture Goetz est une ?gure de la mauvaise foi Du début jusqu'au coup de dé ?n du troisième tableau quand il triche pour entrer dans la simulation du Bien il n'est que le bou ?on du Mal dès qu'il cesse d'être habillé par la chair de Brasseur Goetz n'est plus que Il dit Le Mal est ma raison d'être ? mais il est sans raison' d'être sans exigence d'être ce qu'il est il joue a être très méchant En ce sens il est aussi loin que possible de l'exigeante démesure du Caligula de Camus son goût de massacrer d'humilier de blasphémer est fait de lubies sans grandeur tel un grand divertissement concerté

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