Philosc09 lichnerowicz 1965 1

Séance du samedi février L'ACTIVITÉ MATHÉMATIQUE ET SON RÔLE DANS NOTRE CONCEPTION DU MONDE M André LICHNEROWICZ membre de l'Institut professeur au Collège de France s'est proposé de développer devant les membres de la Société les arguments suivants Notre raison à chaque instant est l'état d'esprit mathématique à cet instant ? disait Brunschvicg La mathématique est un devenir nécessaire imprévisible et inépuisable ? disait de son côté Cavaillès La mathématique par nature ré échit sur elle-même et se présente comme le témoignage le plus précieux sur le fonctionnement de notre esprit Elle est d'autre part l'une des principales clés pour l'intelligence du monde scienti ?que et technique qui est le nôtre l'une des sources des pouvoirs accrus de l'homme L'activité mathématique sera d'abord analysée pour elle-même dans ses deux temps l'activité de création et l'activité de communication On verra ces deux activités se disjoindre au cours de l'histoire de la pensée mathématique et le statut actuel appara? tre avec la ?n des mathématiques classiques ? disparues entre et L'activité de communication la possibilité de communication sans bruit de fond ? est basée sur l'élaboration de plus en en plus délibérée et consciente d'un type de discours cohérent et contraignant pour l'autre et par cela même formalisable s'il n'est pas en général e ?ectivement formalisé Le caractère premier du discours mathématique de communication est d'admettre la possibilité de dictionnaires parfaits ? ou en langage technique d'application bijectives d'un ensemble sur un autre respectant certaines structures isomorphismes L'identité est ainsi remplacée pour le mathématicien par l'isomorphisme Le discours mathématique est par suite dépourvu de toute signi ?cation univalente mais gr? ce à cela il est non générateur de quiproquos il est radicalement nonontologique radicalement inapte à parler d'ontologie Il n'est jamais achevé mais doit être constamment élaboré pour porter les messages mathématiques nouveaux La logique chère au philosophe se présente pour le mathématicien à trois niveaux selon le sens attribué au mot logique elle peut être la mathématique toute entière ou seulement la métamathématique C destinée à prouver à partir d'un système antérieur la cohérence de ce qui est conventionnellement appelé mathématique proprement dite ? ou en ?n la théorie des structures algébrico-logiques De toute façon la logique stricto sensu ne semble pas pouvoir être extérieure ou antérieure à la mathématique lui imposer une loi préalable et elle ne saurait comme elle être ?xée une fois pour toutes dans un état L'activité de création est entièrement di ?érente Elle est inspirée ? à la fois par la mathématique constituée elle-même et par tel ou tel aspect du monde extérieur Dans le premier type d'inspiration ce sont des critères de fécondité et des critères esthétiques qui jouent Dans le second la volonté d'intelligibilité est bien loin de suggérer des structures mathématiques souhaitables il y a le plus souvent tentative de déduction totale ? d'un large aspect du réel à partir d'axiomes justi ?és seulement par leurs conséquences Quelle que soit son inspiration ? le mathématicien créateur se présente comme un homme doué d'une

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