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1 UNJF - Tous droits réservés Epistémologie juridique Leçon 1 : Introduction au cours d'épistémologie juridique Table des matières Section 1 : Notion d'épistémologie........................................................................................................................... p. 2 Section 2 : Intérêt de l'épistémologie du droit.........................................................................................................p. 4 Section 3 : Distinctions.............................................................................................................................................. p. 5 §1. Elle n’est d’abord pas l’histoire du droit........................................................................................................................................ p. 5 §2. Elle n’est pas la sociologie du droit...............................................................................................................................................p. 5 §3. Elle n'est pas l'anthropologie ou l'ethnologie du droit................................................................................................................... p. 7 §4. Elle n'est pas la philosophie du droit............................................................................................................................................ p. 8 §5. Elle n’est qu’en partie la théorie du droit...................................................................................................................................... p. 9 §6. Elle n’est qu’en partie la méthodologie du droit............................................................................................................................p. 9 Section 4 : Conception............................................................................................................................................. p. 11 Section 5 : Plan du cours.........................................................................................................................................p. 14 2 UNJF - Tous droits réservés Section 1 : Notion d'épistémologie D’abord, partons de l’idée, assez heuristique (du grec ancien eurisko, « je trouve », se dit de ce qui est utile pour découvrir ou de comprendre quelque chose), que la question de l’épistémologie dépasse de très loin le monde du droit, et qu’il s’agit d’un savoir qui concerne tous les champs de la connaissance(et la connaissance de la connaissance elle-même, c'est-à-dire la gnoséologie). Remarque D’ailleurs, la consultation des monographies consacrées à l’épistémologie, sans précision d’un champ particulier, révèle la quasi-inexistence des disciplines juridiques de la réflexion générale des épistémologues. Très peu d’ouvrages mentionnent le droit comme objet de connaissance et à peu près aucun comme science. A l’inverse, les rares ouvrages d’épistémologie juridique ou d’épistémologie du droit (ce n’est peut-être pas la même chose) font peu de cas des ouvrages d’épistémologie non rédigés par des juristes. En savoir plus : Biblio Toutefois, pour un ouvrage d'initiation LE MOIGNE, Jean-Louis (1995), Les épistémologies constructivistes, 4ème éd. 2012, Que sais-je ?, PUF, n° 2969, qui évoque les droits de l’homme, p. 4. Epistémologie vient du grec ancien epistémê « connaissance vraie, science » et lógos « discours », et permet ainsi de désigner aussi bien - l’étude des conditions de production des savoirs que - l'obligation de respecter ces mêmes conditions pour une connaissance « vraie » (ou tenue pour telle dans une communauté de « sachants »). Remarque Il est temps d’apporter une précision concernant la polysémie du terme "épistémologie". Epistémologie n’a pas exactement le même sens dans le monde francophone et dans le monde anglo-saxon (epistemology) où elle constitue l'étude de la connaissance en général. En France, elle est surtout l'étude critique des sciences et de la connaissance scientifique. Elle déploie une perspective de socio-histoire des savoirs en théorisant les liens qu’entretiennent les sciences avec les communautés scientifiques et donc leurs liens avec le politique, la culture, l’économie. Chez les anglo-saxons, l’approche est davantage analytique et pragmatique et porte principalement sur le degré de scientificité d’un discours cognitif, un discours de connaissance. Des penseurs de différents horizons réfléchissent depuis longtemps à la question de la connaissance, du savoir, des sciences. Il s’agit souvent de philosophes, mais aussi, comme ici, de spécialistes d’autres champs du savoir qui s’interrogent sur leurs propres savoirs ou méthode : historiens, sociologues, etc… ils deviennent en quelque sorte les objets d’études les uns des autres. On peut rassembler ces réflexions sous le thème de la « théorie de la connaissance », qui a été longtemps une spécialité française en ce qu’elle mêle les approches philosophiques, sociologiques et historiques. C'est aussi ce que les anglosaxons nomment Epistémologie sociale. Selon Hervé BARREAU (1990, L’épistémologie, Que sais-je ?, PUF), l’épistémologie comme science de la connaissance ne se sépare pas d’une construction historique qui a permis de perfectionner le savoir sur le savoir (ce que les anglo-saxons nomment social epistemology) (cf. art. « Epistémologie sociale », in Le dictionnaire des sciences humaines, Dir. S. Mesure et P. Sadivan, PUF, 2006, p. 382 : « La théorie sociale de la connaissance se soucie plus spécialement du rôle que joue la socialisation des acteurs dans la possibilité de la connaissance en général »). Mais au cœur de cette théorie de la connaissance, il existe une approche plus spécifique qui s’attache à ne révéler que les conditions de scientificité de la connaissance. "Epistémologie" peut donc désigner généralement à la fois : 3 UNJF - Tous droits réservés - la théorie de la connaissance, qui décrit les différents modes de "savoir" et cherche éventuellement la réponse à la question: « à quel titre une croyance est-elle, en fait, dans un société donnée, une connaissance ? »; cela soit dans une approche « théorétique » (Étude de la connaissance pure), soit pour montrer la faible spécificité des énoncés dits "scientifiques" par rapport à n'importe quelle croyance. - la théorie des sciences, plus étroite et analytique, qui s’interroge sur les formes, modalités et fondements d’une connaissance vraie et théorisable. Elle se veut "normative" et les anglo-axons l'appellent normative epistemology. Sous la forme de l'applied epistemology, elle se confond alors avec la méthodologie scientifique. Pour M. Le Moigne (LE MOIGNE, Jean-Louis (1995), Les épistémologies constructivistes, 4ème éd. 2012, Que sais-je ?, PUF, n° 2969) l’épistémologie pose trois questions : le statut, la méthode et la valeur de la connaissance : • Le statut : qu’est-ce que la connaissance ? : question gnoséologique (genèse, nature et forme des connaissances). • La méthode : comment la connaissance est-elle constituée et engendrée. • La valeur : validité éthique. 4 UNJF - Tous droits réservés Section 2 : Intérêt de l'épistémologie du droit Si on confond le droit comme un ensemble de règles avec le droit comme discipline qui étudie cet ensemble de règles, alors l’épistémologie permettra tout au plus de dégager des « tropes », c’est-à-dire des schémas de pensée récurrents, des figures de style ou de raisonnement utilisées par le discours juridique. Il s’agit d’une première étape d’observation et de généralisation intuitive qui s’accompagne très vite d’une volonté d’imposer de poursuivre ce qui se fait. Dans cette approche, l’étude de l’objet reflète l’objet lui-même dans un jeu de miroirs auquel se livrent toutes les écoles de droit du monde qui glosent sur leur objet et admettent que leurs analyses s’intègrent à l’objet lui-même (c’est l’idée de la « doctrine source du droit »). Cette épistémologie-là porte le nom de doctrine, de glose ou de « dogmatique ». Mais si on entend au contraire bien distinguer l’étude du droit du droit lui-même (attitude très minoritaire parmi les études académiques), il s’agit déjà d’un choix épistémologique qui offre ainsi l’intérêt de comprendre pourquoi et comment on peut produire un savoir sur le droit qui soit utile et pertinent. Est-il intéressant, pour les juristes mais aussi pour d’autres sachants, ou tout simplement pour tous, de savoir quelque chose sur le droit qui ne soit pas « du droit » ? Si c’est le cas, un discours de nature scientifique est-il possible sur le droit ou doit-on se contenter d’une approche intuitive non théorisable, simple discours savant relevant de l’artisanat ou de l’art ? Sur un autre plan, le droit (comme objet) est-il lui-même le produit d’une science, comme l’affirment certains auteurs ? Est-il rationnel de prétendre que le droit est lui- même une vision rationalisatrice du monde ? 5 UNJF - Tous droits réservés Section 3 : Distinctions Il convient sans doute d’insister sur ce que l’épistémologie juridique n’est pas. §1. Elle n’est d’abord pas l’histoire du droit Cela paraît relativement facile à percevoir : la description d’états antérieurs des règles de droit ne saurait tenir lieu de condition de scientificité, ou même de rigueur minimum, d’une étude du droit. Et pourtant la confusion est possible. C’est premièrement le cas si on adopte une conception historique du droit qui considère le droit comme la sédimentation de choix sociaux inhérents à un peuple ou une culture donnée. Dans ce cas, l’étude du droit, les méthodes utilisées et les concepts fondamentaux peuvent se confondre avec le droit lui-même. Le travail des juristes (praticiens et académiciens) se résume à révéler un droit « déjà-là » et donc à n’étudier que les déterminants historiques de ce droit. Le cadre épistémologique se calque purement et simplement sur l’historicité du phénomène. Dans son Histoire du droit romain (Gustav Hugo, Lehrbuch der Geschichte des Römischen Rechts, 1790), Gustav Hugo, l’un des fondateurs allemands de cette approche du droit écrivait que « l’histoire forme la moitié de la partie scientifique du droit, c’est-à-dire de celle qui n’est pas purement manuelle ou routinière ». Savigny a recherché dans les institutions romaines une « grammaire universelle du droit », c’est-à-dire des concepts communs à tous les systèmes juridiques postérieurs, qu’il conçoit comme des outils intellectuels, de nature épistémologique autant que réels. Jhering mit fin à cette approche : selon lui « la science n’est pas condamnée à une attitude purement réceptive vis-à-vis de la matière historique », « elle peut et elle doit exercer une fonction productive » (JHERING R. von, 1902, Études complémentaires de l’esprit du droit romain, Tome IV :Mélanges (traduction française : MEULENAERE), Paris, Marescq., cité par Jean-Louis Halpérin, « L'histoire du droit constituée en discipline : consécration ou repli identitaire ? », Revue d'Histoire des Sciences Humaines 2001/1 (n° 4), p. 9-32). uploads/Philosophie/ introduction-cours-depistemologie.pdf
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- Publié le Sep 18, 2021
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