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DEGAS EDITION DE LUXE Il a été imprimé de cet ouvrage une édition de luxe sur papier du Japon à 60 exemplaires numérotés. \ \ 9- '> > BUSTE DE DEGAS. P. Paulin <rc. PAUL LAFOND DEGAS PARIS H. FLOURY, ÉDITEUR 1 , Boulevard des Capucines 1918 INTRODUCTION Notre époque, quoi qu'on en ait dit, peut, au point de vue des arts, être mise en parallèle avec les plus brillantes, les plus favorisées ; elle a produit des maîtres aussi grands que ceux des siècles passés. Ingres, Delacroix, Corot, Millet, Puvis de Chavannes, Manet n'auraient-ils pas honoré tous les temps, n'auraient-ils pas brillé au premier rang à côté de leurs pairs d'Italie, d'Espagne, des Pays-Bas -.Titien, Velazquez, Rembrandt, Rubens, etc.? Différents de tels devanciers, ils ne leur sont point inférieurs. D'autres artistes contemporains seraient à placer à côté de ceux que nous venons de nommer, un peu après eux peut-être, sauf un, qui est au moins leur égal : Edgar Degas. Celui-là est sans équivalent dans n'importe quelle école, en n'importe quel siècle. Il est lui, c est-àdire un maître qui, au premier abord, étonne, trouble, mais bientôt après éblouit d'un éclat sans pareil. C'est un de ces phares destinés à éclairer le monde des arts, à indiquer des voies nouvelles, un de ces hommes qui ont reçu un don particulier les distinguant de leurs semblables. « L'humanité, quoi qu'elle fasse et qu'elle veuille » , écrit G. Planche, « marche », plus ou moins vite, aurait-il dû ajouter, « à la suite de quelques hommes quand ils découvrent un pays nouveau, une vérité nouvelle, une face nouvelle de la vérité... » Degas est un de ces hommes. Longtemps il fut méconnu, conspué même; mais l'impopularité n'est-elle pas le lot des esprits supérieurs ? — 5 — L originalité est toujours honnie pour commencer. L'ignorance et la vulga- rité se plaisent dans les redites où, sjins effort, elles se retrouvent. Une manière nouvelle d'exprimer les choses produit une sorte de scandale. Devant une œuvre où les méthodes, procédés ou errements antérieurs sont abandonnés ou délaissés, qui ne se rattache pas, remarque Remy de Gourmont, à quelque chose de connu et déjà compris, les gardiens de l'art se sentent menacés. Et non seulement les gardiens de l'art, mais aussi la généralité des esprits. SALLE D'EXERCICES DE DANSE Pholo Durand'Ruel. On n'entre pas de plain-pied dans l'œuvre de Degas. Il faut d'abord rentrer en soi-même pour en éprouver la séduction. A la vérité, quelques-uns, dès ses premières productions, reconnurent en lui le véritable dépositaire des grandes traditions de l'Ecole française ; mais ceux-ci étaient étrangement peu nombreux. Degas, le peintre de la vie moderne, s'affirme un pur classique qui, quelque étonnante que la constatation en puisse paraître — s'apparente beaucoup plus aux anciens qu aux modernes, aux primitifs qu aux con- temporains. Il forme le chaînon qui rattache le passé, la bonne et solide tradition, à l'avenir; il la prolonge magnifiquement. Comme l'a noté M. Jacques Blanche, il relie ce passé au plus immédiat présent. Avec Manet, à un autre point de vue, il libère la peinture du XIX^ siècle des — 6 Collection X CHANTEUSE VERTE (Pa.lel) Photo Durand-Ruel. contraintes pédantes et routinières, des entraves de 1 enseignement acadé- mique, des formules ressassées à satiété, du convenu, du faux, du men- songer. A eux deux, ils la ramènent à l'observation directe. L'art de Degas est tout de composition. Il est fait de réflexion, de volonté, d'accent incisif, qui cherche dans les gestes et les attitudes des êtres, dans l'apparence des choses, 1 accord et la ligne définitive s'en dégageant ; il est toujours absolument classique, toujours dans la donnée des maîtres. « La beauté des courbes, le style des lignes d'un Degas — et d'un Puvis de Chavannes — se retrouvent au flanc des vases grecs et dans les fresques des primitifs », observe à son tour M. Maurice Denis. Quels que soient les motifs choisis par Degas, sa façon singulière, personnelle, ironique de les comprendre, de les traduire, pleine de sous- entendus, de puissance, de sincérité, en fait des œuvres hors de pair. On a voulu classer Degas parmi les impressionnistes ; quelle erreur ! Cette confusion tient au modernisme particulier de ses motifs de composi- tion, à sa façon de les comprendre, tous, ou presque tous, empruntés au monde des danseuses, jockeys, modistes, repasseuses, filles de brasserie ou de café-concert. C est seulement dans ses sujets que Degas se montre révolutionnaire, dans leurs perspectives, leurs coupes. Ses compositions — à mesure qu'il avance en âge — expriment à l'extrême le sens de la vie moderne. Il n y a pas d'art nouveau. Comme l'a très justement observé M. Arsène Alexandre, il y a de l'art ou il n'y en a pas. Où en trouver davantage que chez Degas ? Son œuvre est toujours de « haut style, d'originale aisance et de supérieure ironie ». Degas restera une des plus hautes et des plus subtiles intelligences de notre temps ; disons mieux, de tous les temps, spontanée, personnelle, d'une étonnante acuité, élargie par l'observation toujours en éveil. Il offre un des exemples les plus typiques du développement d'un artiste conformé- ment aux exigences de sa nature. Aussi, par ses compositions, ses moindres dessins, nous fait-il éprouver des sensations que nous n'aurions jamais eues sans lui. Degas est un des esprits les plus suggestifs qui se puissent rencon- trer, excellant en boutades fines au possible, en mots à 1 emporte-pièce. Laissons l'homme pour le moment — nous y reviendrons — retournons au peintre longtemps méconnu et que les années, plus justes que les hommes remettront à sa véritable place, au tout premier rang. Aussi bien, n'est-ce pas déjà fait, en grande partie? — 8 — En 1874, dans son Journal, J. de Concourt note que Degas est l'homme qu'il ait vu « le mieux attraper, dans la copie de la vie moderne, l'âme de cette vie ». Six ans plus tard, en 1880, Huysmans demande quand la haute place que ce peintre devrait occuper dans l'art contemporain sera enfin reconnue : quand comprendra-t-on que cet artiste est le plus grand que nous possédions aujourd'hui en France? CoIIrction FCnoëdIe Pholo Durand-Rucl. LA REPETITION DE DANSE « Artiste puissant et isolé >' — a encore dit Huysmans, auquel nous aurons mainte et mainte fois recours ^— sans précédents avérés, sans lignée qui vaille, M. Degas suscite dans chacun de ses tableaux la sensation de l'exact étrange, SI juste qu on se surprend d'être étonné, qu on s'en veut presque ». Son art renferme une énergie expansive, qu'il exprime par une sorte d'abrégé d âme, dans des corps vivants en parfait accord avec leurs alentours. Dessi- nateur impeccable, Degas est peut-être l'artiste chez lequel la forme atteint 9 — le plus haut caractère. « Il n'y a pas de dessin correct ou incorrect, déclare Ingres ; il y a un dessin beau ou laid, voilà tout. » Le dessin, prononce Degas, est le sentiment de la forme. Celui de Degas est souverainement beau. Sa précision de mise en place, si particulière, sa science des raccourcis, l'enveloppement des personnages qu il met en scène, sont faits pour stupéfier. Il n'est pas moins puissant coloriste, délicat harmoniste. Il a compris, rompant avec les préjugés, les modes et les pratiques, que le cycle de l'art n'est jamais fermé, qu'il y a toujours à chercher ce qui n'a pas encore été découvert, à dire ce qui n'a pas encore été exprimé : que l'art doit se transformer sans trêve, comme les mœurs, changer comme les LES REPASSEUSES l 'liolo Uuiiind-Ruel. u a o en / Collection de Sir William Eden. Photo Durand-Ruel. BLANCHISSEUSES (Peinture) habitudes, suivre révolution des esprits et des goûts, ce qui ne veut pas dire — loin de là — se mettre à la remorque de la mode. L art de Degas est inattendu, déconcertant, suprêmement osé, simple et raffiné à la fois. Il n'est qu'à lui, uniquement à lui. Il s'exprime par des formes inédites, dérangeant les habitudes invétérées. L'artiste n'a pas altéré sa vision, il l'a subie et la rend. Jamais il n'y eut chez lui recherche de parti-pris, inquiétudes d'origi- nalité quand même, désir d'étonner, de forcer l'attention ; Degas n'a qu'un but, celui de rendre ce qu'il voit, d'interpréter ce qu'il rencontre, en un mot de traduire la vie dans ses manifestations journalières et multiples. Aussi son complet oubli des modes d'expression traditionnels empruntés à la routine apparaît-il comme une de ses primordiales qualités. Il découvre simplement le véritable caractère d'une physionomie moderne, d'un geste, d une attitude, de la silhouette de l'homme et de la femme contemporains. — 12 — L'accord dans ses compositions est intime entre les personnages et les lieux. Il n'est plus nécessaire aujourd'hui de démontrer que le beau de l'art, pour employer les termes d'un vieux cliché, n'est pas essentiellement la reproduction du beau de la nature ; il procède surtout de la pensée et de la vision de l'artiste. Il ne s'agit pas de chercher uploads/s1/ degaslaf-01-lafouoft.pdf

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  • Publié le Fev 05, 2022
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