Archives, VOLUME 35, NUMÉROS 1 ET 2, 2003-2004 29 ÉTUDE Pour un approfondis- se
Archives, VOLUME 35, NUMÉROS 1 ET 2, 2003-2004 29 ÉTUDE Pour un approfondis- sement de la « notion » de dossier dans la gestion de l’infor- mation organique et consignée d’une organisation1 Sabine Mas Louise Gagnon-Arguin Qu’il s’agisse de documents personnels ou de documents d’une administration, le dossier s’impose dès que l’on veut classifier ou classer un document. Ce mode d’orga- nisation est tellement ancré dans les procédures administratives que sa représentation a migré dans l’environnement électronique, sur le bureau des postes de travail où l’icône prend la forme physique d’un dossier pour regrouper des documents. Lors de notre étude sur les types de documents réalisée à l’occasion d’une recherche précédente2, nous étions conscientes que, même si le document en lui-même est porteur d’information, ce n’est qu’en relation avec d’autres documents générés dans le cadre d’une activité qu’il prend véritablement tout son sens. C’est ce qui nous a inci- tées à poursuivre notre investigation vers l’étude du dossier en le considérant comme « unité d’information ». Les besoins d’une telle recherche s’imposaient dans le contexte administratif actuel, à cause de l’utilisation généralisée d’outils variés pour la création des documents ou de l’information, de l’éclatement des lieux d’entreposage ou de conservation, mais surtout de la nécessité de ne pas perdre de vue la valeur même du dossier comme moyen de fournir une information complète sur un sujet, une activité ou une affaire, d’en donner le contexte et d’en assurer la valeur probante. L’étude des dossiers pouvait aussi fournir des repères utiles au développement de métadonnées pour la constitution des dossiers dans un environnement électronique et même pour la mise en place de systèmes d’information. Archives, VOLUME 35, NUMÉROS 1 ET 2, 2003-2004 30 Il ressort bien qu’un système de GED est adapté à la gestion des documents et beaucoup moins à la gestion des dossiers [...]. Or, la production des dossiers n’a jamais été étudiée en tant que telle, condition qui me semble indispensable si on veut pouvoir envisager une dématérialisation du dossier tout au long de la chaîne de son traitement. (Banat-Berger, 2002, 79) Notre expérience a d’abord été réalisée sur une quarantaine de dossiers papier. Ce choix se justifie par le fait que ce mode de regroupement des documents a été et est encore utilisé, et parce que l’expérience de gestion des documents électroniques est plus avancée que celle de la gestion des dossiers électroniques. Dans le but de documenter cette recherche, nous avons aussi mené une étude sur la notion même de dossier et ses différentes facettes à partir de ce que présente la littérature sur le sujet. Nous voulions répondre aux questions suivantes : Comment se définit le dossier dans le contexte de la gestion de l’information organique et consignée ? Quelles sont les activités archivistiques qui s’exercent au plan du dossier ? Existe-t-il un regroupement possible des dossiers ou les dossiers constituent-ils toujours des entités uniques ? Peut-on dégager des caractéristiques propres aux dossiers qui permettraient de les distinguer des autres formes d’information ? À cet effet, nous avons étudié les définitions du concept même de dossier, examiné le cycle de vie du dossier, identifié différentes catégories de dossiers et dégagé les caractéristiques essentielles qui permettent de différencier un « véritable dossier » d’une simple pile de documents. C’est le résultat de ce travail que nous livrons dans le présent article. QU’EST-CE QU’UN DOSSIER ? Que désigne le terme « dossier » ? La littérature spécialisée en archivistique et la législation en présentent quelques définitions. Chacune d’elles aborde différentes perspectives, généralement liées au contexte dans lequel elles ont été rédigées. Le dossier, c’est d’abord un ensemble de documents comme le définit laco- niquement la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information : « Un dossier peut être composé d’un ou de plusieurs documents » (L.Q., 2001, chap. 32, art. 3). Le dossier est composé de documents, ces documents ayant un lien entre eux. Gisèle Delage, en 1983, le définit comme étant un « ensemble de documents portant sur un sujet précis. » (Delage 1983, 37) Guylène Éthier le présente comme « une réunion physique de tous les documents portant sur un sujet plus ou moins général. » (Éthier 1989, 23) La définition des ANQ, dans leur publication sur les normes et procédures archivistiques parue en 1996, présente ainsi ce lien : « [...] ensemble de documents [...] qui porte sur le même sujet, sur la même activité ou la même opération. » (Archives nationales du Québec 1996, 144) C’est aussi lui qui, tout en justifiant le rassemblement de documents, sert à l’interprétation de chacun d’entre eux. Marie-Anne Chabin insiste sur la relation qu’elle qualifie « d’intime » entre les documents d’un même dossier et sur le rôle que joue cette relation dans l’interprétation du sens de ces documents. Ainsi, elle définit le dossier comme un « ensemble de pièces intimement liées entre elles par leur création ou leur objet et s’éclairant les unes les autres. » (Chabin 1995, 418) Le lien qui unit les pièces d’un dossier fournit donc le contexte d’interprétation de l’information de chacun des documents et le sens du dossier lui-même. Archives, VOLUME 35, NUMÉROS 1 ET 2, 2003-2004 31 Dans un contexte contemporain, on n’ose plus restreindre le sens du mot dossier ni à une unité matérielle de classement ni à une seule catégorie de documents. Ainsi Carol Couture présente les dimensions hétérogènes d’un dossier : Ensemble composé de pièces, de documents ou même de données (son, image, texte, etc.), constitué organiquement par une personne physique ou morale dans l’exercice de ses fonctions, relatifs à une même affaire ou à un même objet et placé dans un ou plusieurs contenants (cassette, carton, registre, liasse, dossier, chemise, rouleau, bobine, disque, disque dur, disque optique, volume, disquette, etc.). (Rousseau, Couture et collaborateurs 1994, 121-122) Les documents d’un même dossier ne sont pas toujours réunis matériellement. Ils peuvent être, au contraire, éparpillés et placés « dans un ou plusieurs contenants » (Rousseau, Couture et collaborateurs 1994, 121-122), voire dans un ou plusieurs servi- ces (Chabin 2002) pour des raisons multiples tels que le partage des responsabilités, le respect de la législation, ou pour des raisons pratiques de conservation liées au volume du dossier ou au support particulier des documents d’un dossier. Le dossier médical en constitue un bon exemple : Le dossier patient est un hyperdocument (textes, images, graphiques, etc.) capita- lisant les informations et connaissances relatives à un patient. La notion classique de dossier physique unique réunissant l’ensemble des informations nécessaires au suivi du patient est largement un mythe : les informations sont extrêmement nom- breuses, sur des supports variés (papiers, images, données numériques, etc.), dans des lieux différents (unités de soins, labos et même hôpitaux différents). (Charlet, Daigne et Leroux 1999, 92) La notion de dossier comporte une dimension temporelle. Un dossier n’est complet qu’après une certaine période de temps. Selon Françoise Hildesheimer, le dossier est un « ensemble de documents reçus ou élaborés par une personne physique ou morale pour la conduite d’une affaire déterminée. » (Hildesheimer 1984, 80) Jean- Louis Glenisson est plus explicite en définissant le dossier comme un « ensemble de documents automatiquement réunis au cours du traitement d’une affaire. (Glenisson 1988, 6) C’est donc au fur et à mesure des activités d’une organisation que se constitue un dossier. En fait, le dossier n’existe, dans son intégralité, qu’au moment où l’activité ou l’opération à l’occasion de laquelle il a été créé, est terminée. Certaines définitions identifient les responsables de la constitution d’un dos- sier, soit l’unité administrative, soit l’archiviste. C’est l’unité administrative qui génère habituellement un dossier. Le dictionnaire terminologique en archivistique le présente aussi dans cette perspective : « ensemble de documents constitué [...] organiquement par l’administration d’origine [...]. » (Evans, Himly et Walne 1988, 66) La définition donnée par les Archives nationales du Québec va dans le même sens : « ensemble de documents, habituellement dans le cadre d’une série, constitué [...] organiquement dans le cadre de ses activités ou de ses fonctions, par l’administration [ou la personne] [...]. » (Archives nationales du Québec 1996, 144) Marie-Anne Chabin exprime cette réalité en ces termes : « Ensemble logique de documents et de données produit au cours d’une activité (caractérisée par un verbe d’action : gérer, accorder, fabriquer, enquêter, étudier, soigner, vendre, etc.) et visant une affaire, un objet ou une personne. » (Chabin 2002, 17) Dans un autre contexte, l’archiviste constitue lui aussi des dossiers dans son travail Archives, VOLUME 35, NUMÉROS 1 ET 2, 2003-2004 32 de traitement des archives produites par un organisme ou une personne et qui lui par- viennent, comme archives définitives, sans traitement préalable. Il regroupe ainsi les documents lors du classement aux archives. (Evans, Himly et Walne 1988, 66 ; Archives nationales du Québec 1996, 144) Tout en remarquant que la définition de la notion de dossier semble avoir été une préoccupation constante dans la littérature, nous notons l’absence d’un réel débat autour de cette notion. S’il n’existe à ce jour aucune définition qui fasse l’unanimité en raison de uploads/s1/ dossier-notion-sabine-mas.pdf
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- Publié le Sep 19, 2022
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