La contribution des instituts d’enseignement et de recherche face aux défis act
La contribution des instituts d’enseignement et de recherche face aux défis actuels de la diplomatie africaine : le cas de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun Par Jacques Joël Andela, diplomate Résumé : La diplomatie africaine fait face, en ce 21ème siècle, à des défis multiformes. L’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) se présente dans ce contexte comme un des leviers à partir duquel celle-ci s’appuie pour opérer les mutations que commande notre siècle. D’une part, en vertu de ses missions, l’IRIC met à la disposition de la diplomatie africaine une ressource humaine aux compétences adaptées aux besoins d’un monde en constant changement. D’autre part, grâce à son ouverture croissante sur l’extérieur, ainsi que sa production intellectuelle et scientifique sur les questions internationales, qui en font un pôle de projection de la vision africaine du monde, il ne fait plus de doute que l’IRIC émerge comme un outil au service d’une diplomatie africaine d’influence. Mots clés : Institut des Relations Internationales du Cameroun – diplomatie africaine – diplomatie d’influence – formation – recherche scientifique. Biographie : Jacques Joël Andela est diplomate de carrière, Chef de la Cellule de Coopération au ministère camerounais des PME, de l’Economie Sociale et de l’Artisanat. Titulaire d’un master en relations internationales obtenu en 2011 à l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC), il est l’auteur de diverses publications scientifiques portant sur les questions internationales, dont l’ouvrage Cameroun, le temps de la diplomatie scientifique, paru en 2016 aux éditions L’Harmattan à Paris. Introduction Les études relatives à la contribution des instituts d’enseignement et de recherche dans le champ des relations internationales sont plutôt rares sur le Continent africain. Cette carence s’explique sans doute par la faiblesse des données en la matière, tant la politique extérieure des Etats africains est encore essentiellement stato-centrée et que l’action diplomatique, pour bon nombre d’observateurs, est encore perçue comme relevant du secret. Certes, le diplomate et le soldat, figures traditionnelles de la politique étrangère, n’ont plus le monopole de la scène mondiale, mais la majorité des études africaines, bien que de plus en plus intéressées par les changements qui s’opèrent en ce domaine, jettent un regard peu approfondi sur la contribution des institutions en charge des questions d’enseignement ou de recherche. Or, l’évolution des relations internationales nous enseigne que l’activité diplomatique est en profonde mutation, tant en ce qui concerne les acteurs en charge de sa conception et sa mise en œuvre, les outils mobilisés, que pour ce qui est de ses domaines d’intervention. Si les Etats africains n’ont pas encore pris la pleine mesure de ces transformations, ils n’en subissent pas moins les conséquences. C’est en effet un truisme, voire un rappel surabondant, que de relever qu’au 21ème siècle, la diplomatie africaine fait encore face à des défis multiples et multiformes. Il s’agit pour celle-ci, au plan institutionnel tout d’abord, de se doter d’un appareil diplomatique flexible et adapté, capable d’intervenir rapidement dans les situations d’urgence. Au niveau opérationnel, ensuite, elle devrait pouvoir concevoir des réponses beaucoup plus appropriées aux besoins des peuples africains face à l’évolution des facteurs structurants de la vie internationale que sont désormais la mondialisation, les dynamiques économiques et intégrationnistes, la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale, le réchauffement climatique, la maîtrise des flux migratoires et la révolution numérique. Pour répondre à ces différents défis, certains pays africains ont adossé leur doctrine et action diplomatiques à des académies et instituts d’enseignement des relations internationales dont le statut et le mode de fonctionnement ne sont pour autant pas identiques d’un pays à l’autre1. La présente étude s’intéresse particulièrement à l’un de ses instituts, à savoir l’Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC). Bien évidemment, ce choix s’explique d’abord par l’objet même des présents Mélanges, qui est de rendre hommage à une grande figure des relations internationales africaines, le Professeur Laurent Zang, autrefois étudiant dudit Institut, puis enseignant et membre du personnel dirigeant2. Aussi, pour y avoir séjourné, enseigné, produit et dirigé des travaux de recherche, pour avoir accompagné à plusieurs titres diverses générations de diplomates et futurs diplomates africains passés par l’IRIC, le Professeur Laurent Zang a inévitablement contribué au façonnement de la diplomatie africaine. Rendre compte de la contribution de l’IRIC face aux défis actuels de la diplomatie africaine serait donc, sans exagération aucune, rendre également compte de la contribution du Professeur Laurent Zang à la marche de la diplomatie africaine. Mais le choix porté sur l’IRIC se justifie tout aussi objectivement par le fait qu’il est l’un des plus anciens instituts d’enseignement et de recherche dans le domaine des relations internationales en Afrique et, de ce point de vue, dispose d’une expérience avérée dans le champ particulier de la diplomatie qui mérite de faire l’objet d’un intérêt scientifique. Créé en 1 Sans être exhaustif, on cite l’Académie Diplomatique Congolaise de RDC (ADC), l’Académie Diplomatique de Gambie, l’Académie Marocaine des Etudes Diplomatiques, le Centre d’Etudes Diplomatiques et Stratégiques de Dakar (CEDS/EPIES), l’Institut Diplomatique et des Relations Internationales d’Alger, l’Institut des Etudes Diplomatiques du Caire, l’Institut des Etudes Internationales et Diplomatiques de Nairobi, l’Institut des Hautes Etudes Internationales du Burkina Faso (INHEI), la Nigerian Institute for International Affairs. 2 Le Professeur Laurent Zang accède à l’IRIC comme étudiant en 1976. Il a été Chef du Département de Diplomatie et des Enseignements Professionnels au sein de l’Institut et Directeur Adjoint chargé des Etudes. Il y a enseigné diverses disciplines portant sur les relations internationales, les organisations internationales, les méthodes de recherche en relations internationales, etc. 19713, l’IRIC s’inscrit dans la vision des autorités dirigeantes camerounaises de l’époque de doter les jeunes Etats africains, nouvellement indépendants, d’une masse critique d’experts qualifiés dans la conduite les affaires internationales de leurs pays et à même de participer à l’émancipation du Continent africain face aux convoitises dont il était l’objet, ceci dans un contexte de guerre froide marqué par la convoitise des deux superpuissances (Etats-Unis d’Amérique et Union soviétique) en quête d’alliés stratégiques, voire de satellites. Dans cette perspective, en raison de son statut juridique d’établissement public, et en dépit de sa vocation internationale4, l’IRIC ne saurait être considéré comme un acteur à part entière des relations internationales opérant des choix propres sur la base d’une vision ou d’ambitions qu’il se serait lui-même défini. Pour notre part, il convient plutôt de voir dans cet établissement un instrument à la disposition de l’appareil gouvernemental camerounais pour les besoins de la mise en œuvre tant de sa politique d’enseignement supérieur que de sa politique extérieure. Il ne serait par conséquent pas exagéré d’inférer qu’en plus de sa contribution à la mise en œuvre de la mission fondamentale assignée à l’enseignement supérieur au Cameroun, à savoir la production, l’organisation et la diffusion des connaissances scientifiques, culturelles, professionnelles et éthiques pour le développement de la nation et le progrès de l’humanité5, que l’IRIC assume pleinement depuis sa création, celui- ci participe également à l’implémentation de la vision du monde, ancrée sur les valeurs de paix, d’indépendance, de non alignement et de coopération avec les nations africaines, que nourrissent les dirigeants camerounais depuis plusieurs décennies6. Il participe donc à la concrétisation de ce qu’une doctrine camerounaise a qualifié de « nationalisme africain »7, courant philosophique qui innerve la politique extérieure du Cameroun, en vertu duquel l’action internationale de ce pays se construit et s’énonce sur la base de son ancrage continental. Il s’en suit que, dans l’esprit des dirigeants camerounais, la mise en place de l’IRIC ne servirait pas exclusivement les intérêts du Cameroun, mais aussi et surtout ceux de l’ensemble du Continent africain, d’où notre hypothèse suivante : compte tenu de ses missions d’enseignement et de recherche dans le domaine des relations internationales, ainsi que son alignement sur l’option panafricaniste de la politique extérieure du Cameroun, l’IRIC constitue un important levier à partir duquel la diplomatie africaine s’appuie pour relever les défis que lui impose le 21ème siècle. A l’analyse, l’IRIC se démarque ainsi, d’une part, comme un cadre de production de l’élite diplomatique africaine et, d’autre part, comme un outil au service de la diplomatie africaine d’influence. I. L’Institut des Relations Internationales du Cameroun : un cadre de production de l’élite diplomatique africaine En vertu de son statut académique et professionnel, de son domaine d’enseignement ainsi que de la vision de ses pères fondateurs, l’IRIC est d’abord un cadre destiné à la formation et à la production des diplomates africains. Ce qui, au plan institutionnel, justifie sa double tutelle académique et technique assurée respectivement par les ministères camerounais en charge de l’Enseignement supérieur et des Relations extérieures8. Ce double rattachement 3 L’IRIC a été créé par le décret N°71/DF/BIS du 24 avril 1971 portant création de l’Institut des Relations Internationales du Cameroun, modifié par le décret N°85/743 du 27 mai 1985. 4 Conformément à l’article 1er de son décret de création, « l’IRIC est à vocation internationale par l’objet de ses études, la composition de son corps enseignant et par son ouverture aux étudiants et stagiaires ressortissants des pays africains et autres ». 5 Article 2 de la loi N°005 du 16 uploads/s1/ iric-et-defis-de-la-diplomatie-africaine.pdf
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- Publié le Aoû 21, 2022
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