Janvier 2020 N° Spécial LE PRINCIPE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉ

Janvier 2020 N° Spécial LE PRINCIPE DE LA LIBRE ADMINISTRATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU NIGER Par Abdoulaye HAMADOU Docteur en droit public, enseignant-chercheur à la Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion de l’Université de Tahoua (Niger) UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR Faculté des Sciences Juridiques et Politiques ANNALES AFRICAINES Nouvelle série CREDILA Une publication CREDILA Revue de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’UNIVERSITE CHEIKH ANTA DIOP DE DAKAR Janvier 2020 N° Spécial Directeur de publication Le Doyen de la Faculté des Sciences juridiques et politiques Alassane KANTE Secrétaire de rédaction Le Directeur du CREDILA Patrice Samuel A. BADJI Comité scientifique François ANOUKAHA Mamadou BADJI Aminata Cissé NIANG Ndèye Madjigène DIAGNE Eloi DIARRA Françoise DIENG Ndiaw DIOUF Seydou DIOUF Paul NGOM Alioune Badara FALL Ismaïla Madior FALL Ahonagnon Noël GBAGUIDI Babacar GUEYE Demba KANDJII brahima LY El Hadj MBODJ Dodzi KOKOROKO El Hadji MBODJ Amadou Tidiane NDIAYE Isaac Yanckhoba NDIAYE Abdoulaye SAKHO Alioune SALL Babaly SALL Moussa SAMB Filiga-Michel SAWADOGO Joseph Issa-SAYEGH Dorothée Cossi SOSSA Amsatou SOW SIDIBE Demba SY Saïdou Nourou TALL Samba TRAORE Comité de lecture Patrice Samuel A. BADJI, Yaya BODIAN, Jean Louis CORREA, Abdou Aziz DIOUF, Papa Talla FALL, Moussa GUEYE, Cheikh A. Wakhab NDIAYE, El Hadj Samba NDIAYE, Isaac Yankhoba NDIAYE, Ndèye C. Madeleine NDIAYE, Mamadou NIANE, Aminata Cissé NIANG, Dieunedort NZOUABETH, Alain Simo KENMOGNE Secrétariat de rédaction Assane DIALLO Anna Diaw MBOUP Ephigénie Adam FAYE &HQWUHGHUHFKHUFKHVG¶pWXGHVHWGHGRFXPHQWDWLRQVXUOHVLQVWLWXWLRQV Et les législations africaines (CREDILA) Faculté des Sciences juridiques et politiques Université Cheikh Anta Diop de Dakar BP 16774 Dakar-Fann Site web : http://www.credila.ucad.sn Email : credila@.ucad.edu.sn CREDILA, 2019 ISSN : 0850-9247 « Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » Par Abdoulaye HAMADOU Docteur en droit public, enseignant-chercheur à la Faculté de Droit, d’Economie et de Gestion de l’Université de Tahoua (Niger) Introduction « Trop d’Etat tue la collectivité territoriale». Ce dicton trouve tout son sens dans le contexte africain en termes d’organisation et d’administration du pouvoir étatique. En effet, des indépendances jusqu’aux années 1990, voire au-delà dans certains cas, le pouvoir était essentiellement concentré dans la capitale. Malgré la volonté du pouvoir constituant du lendemain de l’indépendance d’instituer une dose de décentralisation1, l’Etat central décidait de tout et il voulait tout contrôler, c’est-à-dire les hommes, les règles et les institutions. Mais, ce centre avait de la peine à assurer le minimum aux populations en termes de services publics de base tels que l’éducation, la santé, l’assainissement ainsi que les équipements et infrastructures convenables. Souvent autoritaire, l’Etat central installe au niveau local des services techniques et administratifs plus dans une optique de commandement que de services public2. Tel était le cas de la plupart des pays francophones d’Afrique, dont le Niger. C’était dans un contexte de crise de l’Etat centralisateur que des réformes politiques et administratives sont intervenues, avec la création des collectivités territoriales. En effet, les années 1970 marquent, dans la plupart des pays francophones, le début de la faillite de la gestion centralisée des affaires publiques. Plus tard, au début des années 1990, la demande d’expression se fait plus pressante. Les régimes à parti unique s’effondrent les uns après les autres. Les Conférences Nationales appellent à la mise en œuvre des processus démocratiques, en plus du multipartisme3. Pris en étau entre les 1Après son indépendance en 1960, toutes les constitutions du Niger ont consacré le principe de la libre administration des collectivités territoriales : Constitution du 08 novembre 1960 : art. 68 ; Constitution du 24 septembre 1989 : art. 99 ; Constitution du 26 décembre 1992 : art. 115 ; Constitution du 12 mai 1996 : article 116 ; Constitution du 18 juillet 1999 : article 127 ; Constitution du 18 août 2009 : article 127 ; Constitution du 25 novembre 2010 : article 164. 2 DEMANTE (M.-J) et TYMINSKY (I), Décentralisation et Gouvernance locale en Afrique : des processus, des expériences, Institut de Recherche et d’Application des méthodes de développement (IRAM), études et méthodes, Paris, Février 2008, p.9. 3 SY (O.) Reconstruire l’Afrique. Vers une nouvelle gouvernance fondée sur les dynamiques locales, Paris, édition Charles Léopold Mayer, 2009, p. 152, cité par NANAKO (C.), La libre 376 Annales africaines aspirations des populations à une gouvernance de proximité et les conditionnalités d’aide imposées par les bailleurs de fonds, pour exiger notamment la décentralisation du pouvoir, l’Etat du Niger a fait l’option de constitutionnaliser la libre administration des collectivités territoriales : « Les collectivités territoriales sont créées par une loi organique. Elles s’administrent librement par des conseils élus »4. Le principe de la libre administration des collectivités territoriales est ainsi exprimé. Mais que recouvre-t-il vraiment ? Si l’expression « collectivités territoriales » est précisément définie par le législateur, il n’en est pas de même pour le « principe de libre administration » qui est présenté, souvent, par la doctrine comme une « notion graduelle, aux contours imprécis »5. Ainsi, au sens du législateur nigérien, « les collectivités territoriales sont des groupements humains géographiquement localisés sur une portion du territoire national auxquelles l’Etat a conféré la personnalité juridique et le pouvoir de s’administrer librement par les autorités élues. Elles concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique, social et culturel… » 6. Cette définition législative suscite deux commentaires de notre part. D’abord, elle met en lumière certains éléments qu’on retrouve dans les conceptions doctrinales7, et de ce point de vue, l’approche est plutôt classique. Ensuite, la collectivité territoriale, telle que définie par le législateur nigérien, rappelle une autre expression équivalente qui est celle de collectivité locale. Dans le langage courant la seconde est toujours assimilée à la première, et vice versa. Mais, en ne définissant que l’expression « collectivité territoriale » utilisée d’abord par le constituant, le législateur nigérien a également fait un choix terminologique qui s’impose à tous. En droit comparé ouest africain, l’expression « collectivité territoriale » semble être également préférée, au regard de plusieurs législations, à celle de « collectivité locale ». Ainsi, les législateurs béninois (loi n°90-032 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin, Titre X, portant sur les collectivités territoriales), burkinabé (loi n°55-2004/AN modifiée portant Code général des collectivités administration des collectivités territoriales au Bénin et au Niger, thèse pour le doctorat en droit public, Université d’ABOMEY-CALAVI, Faculté de droit et de sciences politiques, Ecole doctorale des sciences juridiques et administratives, p.50. 4 Article 164, al.2, Constitution du 25 novembre 2010. 5 BOULET (M.), Droit des collectivités dans l’Union Européenne, Paris, Dalloz, 2018, p. 2 ; HERTZOG (R.), « L’autonomie en droit : trop de sens, trop peu de signification ? » in Mélanges Paul Amselek, Bruylant, 2005, p. 458. 6 Art.5, loi n°2008-42, du 31 juillet 2008 relative à l’organisation et l’administration du territoire de la République du Niger. 7 La définition du législateur nigérien est proche de celle qu’on retrouve dans le lexique des termes juridiques : GUINCHARD (S.) et DEBARD (Th.), Lexique des termes juridiques, Paris, 21 édition, Dalloz, 2014, p.179. « Le principe de la libre administration des collectivités territoriales au Niger » 377 territoriales) et maliens (loi n°2017-051 du 02 octobre 2017 portant Code des collectivités territoriales) utilisent l’expression « collectivité territoriale ». En ce qui concerne la libre administration, elle n’est pas définie par le législateur. Mais, on peut relever une floraison de définitions doctrinales. Ainsi, pour M. BACOYANNIS, la libre administration est « l’affirmation constitutionnelle selon laquelle des communautés humaines qui sont définies par leur rattachement à une portion du territoire par rapport auquel est définie la communauté nationale ont vocation à maîtriser tout ce qui constitue leur propre vie »8. Selon lui, la libre administration ne se réduit pas à un simple principe d’organisation mais constitue bien une liberté, et de ce point de vue « une liberté d’être ». Pour les professeurs FERSTENBERT, PRIET et QUILICHINI, la libre administration des collectivités territoriales est une liberté qui « …vise à protéger une communauté d’habitants vivant sur un territoire, bénéficiant d’institutions qui leur permettent de gérer leurs affaires dans le cadre d’une certaine autonomie »9. La particularité de ces deux définitions est qu’elles font du principe de la libre administration « une liberté d’être » d’entités organiquement distinctes de l’Etat (conseils élus) et disposant, normalement, d’une certaine « liberté d’agir » (s’administrer librement). Cette vision est partagée par les professeurs NOGUELLOU, AUBY Jean-Bernard et AUBY Jean-François pour lesquels la libre administration est «le fait de disposer d’organes indépendants et de ne pas être soumis à une tutelle dans le cadre de laquelle les actes que l’on émet puissent être privés d’effet ou modifiés par une autorité supérieure »10. Appréciant à son tour la libre administration des collectivités territoriales, le juge constitutionnel français estime qu’en application de ce principe, les collectivités territoriales, en plus d’avoir des « assemblées élues et délibérantes », doivent être dotées d’ « attributions effectives » et disposer de ressources fiscales suffisantes11. A travers cette jurisprudence, plusieurs fois renouvelée12, le juge constitutionnel entend protéger à la fois la « liberté d’être des collectivités locales uploads/s1/abdoulaye-hamadou.pdf

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  • Publié le Mai 22, 2021
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